Henri IV à Matignon

Ainsi donc, il est possible de faire plier Emmanuel Macron. Qu’on y songe, pour la première fois dans l’histoire de la République, il aura suffi que le chef d’une formation politique minoritaire (36 députés, soit le 7e parti de l’Assemblée par ordre d’importance) menace de quitter le bloc du président pour que ce dernier le nomme à Matignon. Ce qui en dit long sur l’extrême faiblesse politique du pouvoir. La désignation de François Bayrou, loin d’être un signe d’ouverture, est bien plutôt le soubresaut – ultime ? – d’un macronisme au crépuscule.

Le front républicain n’est pas une alliance politique

La séquence qui l’a accompagnée laisse pantois. Il aura fallu 9 jours pour trouver un remplaçant à Michel Barnier alors même que l’on savait, dès l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur le PLFSS, que le savoyard allait être renversé. Le moins baroque ne fut pas la réunion à l’Élysée des chefs de parti et de groupes – à l’exception du RN, pas invité, et de LFI ayant décliné l’invitation – pour définir une méthode. Méthode qui, dans le cerveau embrumé de la présidence, devait préfigurer l’élaboration d’un programme commun de l’arc républicain. Vous suivez toujours ?

Comment cette idée folle a pu germer ? Le Front républicain n’est que l’autre nom du « Tout sauf Le Pen ». En aucun cas il n’annonce un renversement des alliances.

L’équation parlementaire

François Bayrou n’y changera rien. Même s’il a placé, en toute modestie, ses nouvelles fonctions sous le double patronage d’Henri IV et François Mitterrand, figures historiques dont l’opportunisme n’est pas à démontrer.

L’équation est connue. Il suffirait de détacher le Parti socialiste du Nouveau Front Populaire pour empêcher l’adoption d’une motion de censure par les trois autres forces de gauche et l’extrême droite (soit un total de 266 voix alors que la majorité absolue est à 289 voix).

Le nouveau front populaire n’est pas mort

Mais les socialistes ne prendront pas le risque de faire exploser le NFP. Car, dès le mois de juillet 2025, une nouvelle dissolution est possible. Et si la gauche veut survivre, il faut qu’elle soit en mesure de présenter des candidatures uniques. Cette contrainte vaut pour le PS comme pour LFI, les écologistes ou les communistes.

Il y a encore l’horizon des municipales en 2026, même si l’on sait déjà que dans plusieurs villes (Marseille par exemple), la gauche se présentera en ordre dispersé. Enfin, à tout moment, le chef de l’État peut démissionner, quand bien même aujourd’hui est-il dans l’héroïque posture de la moule accrochée à son rocher.

Ne pas porter la responsabilité du chaos

Si le PS donne le sentiment d’être en retrait sur ses engagements, c’est bien sûr parce que son congrès s’approche (juin 2025). Contesté par ses oppositions internes, Olivier Faure est contraint d’affirmer sa différence avec Jean-Luc Mélenchon. Mais ce n’est là qu’une partie de l’explication. S’ils ont exprimé massivement leur volonté de rompre avec le macronisme lors des dernières élections législatives, les Français ne goûtent guère l’instabilité et encore moins le chaos. Affirmer que l’on censurera François Bayrou sans même lui avoir donné sa chance est contre-productif dans l’opinion.

Le pacte de non-censure

C’est sous cet angle qu’il faut apprécier la proposition par les écologistes, les socialistes et les communistes, d’un pacte de non-censure en échange de l’abandon du recours à l’article 49-3.

Si François Bayrou veut vraiment changer de méthode, il devra accepter de se soumettre à la volonté du parlement.

Disons-le, c’est peu vraisemblable. On le voit mal accepter qu’un nouveau budget débouche sur la mise à contribution des grands groupes et des plus riches de ce pays. Ou que la réforme des retraites soit abrogée. Viendra un moment où l’exécutif emploiera les armes que lui donne la constitution. Et le gouvernement sera à nouveau renversé. 

Serge Faubert

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.