Ce dimanche, Gabriel Attal doit annoncer les contours de la nouvelle réforme de l’assurance-chômage. Le gouvernement entend réaliser 3,6 milliards d’économies supplémentaires. Pour y parvenir, il veut durcir les conditions d’accès. Aujourd’hui, pour prétendre à une allocation, il faut avoir travaillé 6 mois dans les 24 derniers mois. À partir du 1er juillet, il faudra avoir totalisé 8 mois dans les 20 derniers mois.
Comme au loto, Gabriel Attal a coché la petite case qui pourrait lui permettre de gratter 3 milliards supplémentaires. La durée d’indemnisation sera réduite si le taux de chômage passe en dessous de la barre des 6,5 %. C’est ce que les crânes d’œuf du ministère du Travail appellent la contracyclicité. Rien à voir avec le Tour de France. Même s’il y a des montées et des descentes. D’ailleurs, pour l’instant, c’est une étape de plat. Depuis le 4e trimestre 2023, le taux stagne à 7,5 %. Les députés du groupe centriste LIOT trouvent que cet acharnement contre les chômeurs commence à bien faire. Ils ont déposé une proposition de loi qui gèle le dispositif existant. Elle sera examinée le 13 juin dans le cadre de leur journée d’initiative parlementaire. Ce qu’on appelle une niche dans le jargon de l’Assemblée.
Il y a deux jours, mardi, les députés LIOT ont présenté leur texte lors d’une conférence de presse à laquelle participaient les dirigeants des grandes centrales syndicales : la CFDT, la CGT, FO et la CFE-CGC.
L’objectif de cette PPL vise à protéger le principe du calcul de l’indemnisation qui s’applique aujourd’hui et à soutenir l’emploi des séniors. Vous le savez tous, le gouvernement a annoncé ce que j’appellerais un nouveau tour de vis. Le ministère du Travail annonce qu’il fixera lui-même les nouvelles règles d’assurance-chômage qui s’appliqueront à partir du 1er juillet 2024. Ce sera donc, depuis le gouvernement Macron, sera la cinquième réforme avec à chaque texte le même objectif : le durcissement. Le durcissement des conditions d’accès.
Martine Froger, députée LIOT, le 21/05/2024
Encore un tour de vis
C’est la cinquième réforme. L’encre de la précédente a eu à peine le temps de sécher. Alors pourquoi changer à nouveau les règles ?
On est à un moment-clé. Cette PPL du groupe LIOT est extrêmement importante parce qu’elle va permettre, et elle doit permettre de notre point de vue, faire en sorte que tout le monde joue carte sur table. C’est quoi les objectifs d’une nouvelle réforme de l’assurance-chômage ? Est-ce que c’est atteindre le plein emploi ? Est-ce que c’est faire des économies ? Aujourd’hui on se rend bien compte qu’il nous faut, un, de la clarté, et deux, surtout, de la cohérence politique.
On ne peut pas avoir un gouvernement qui nous explique, il y a quelques mois, que lorsque la conjoncture s’améliore on peut baisser les droits des chômeurs et aujourd’hui nous explique exactement l’inverse. C’est important qu’il puisse y avoir ce débat public que nous en tant qu’organisation syndicale on pointe ces incohérences et que ce soit débattu au Parlement. C’est éminemment démocratique et ça intéresse bien entendu des millions de personnes.
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, le 21/05/2024
Bien sûr, en filigrane de cette nouvelle réforme, il y a le sempiternel couplet sur ces feignasses de chômeurs qui se la coulent douce tandis que les autres travaillent. Tout le monde à un exemple à citer : le cousin de la tante à Jules, le voisin du 12e étage ou le gars d’en face qui se lève tard. Mais cette intériorisation collective du discours libéral est battue en brèche par les chiffres.
Nous, ce qui nous intéresse c’est la réalité des chiffres, des études, des études de la DARES, des études de l’UNEDIC, des études de l’OFCE qui nous apprennent que plus de 90 % des gens qui aujourd’hui sont au chômage recherchent activement du travail. Donc en fait on met en place des dispositifs pour aller traquer le petit fraudeur, évidemment il y en a, mais il y en a probablement beaucoup moins que s’agissant des fraudeurs du fisc, des grandes entreprises qui planquent l’argent à l’étranger, etc, des paradis fiscaux. Que je sache, aucun chômeur aujourd’hui ne planque son indemnité dans les paradis fiscaux.
François Hommeril, président de la CFE-CGC, le 21/05/2024
À quoi bon faire des réformes ?
Cette cinquième réforme pose a posteriori la question de l’utilité des quatre qui l’ont précédé. Le gouvernement aurait-il tenté d’enfumer l’opinion ? Ce n’est pas son genre, voyons…
Depuis cinq ans, on a des réformes tous les ans. Et la dernière fois, la dernière réforme qui s’applique maintenant, en 2019, on l’a attaquée devant le Conseil et elle n’a pu être mise en place qu’en 2021. Aujourd’hui, dire “on fait des réformes pour des réformes”, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal, qui n’est plus nouveau maintenant, disait : “On va faire une vraie réforme de l’assurance-chômage”. Alors qu’est ce qu’on nous a vendu avant ? C’était quoi ? C’était juste des réformes économiques pour indemniser moins les demandeurs d’emploi ?
Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière, le 21/05/2024
Eh bien non. Le gouvernement veut faire des économies, mais surtout il ne veut plus composer avec ces empêcheurs de tourner en rond que sont les syndicats de salariés et le patronat. Où va-t-on si l’on se met à discuter avec les uns et les autres ? Alors que signer un petit décret mitonné dans le secret d’un bureau de Matignon prend cinq minutes…
Cette accumulation de réformes traduit deux choses : d’abord un autoritarisme gouvernemental qui veut décider de tout, tout seul, et qui veut voler l’argent des salariés en reprenant en main l’assurance-chômage, les retraites complémentaires, les fonds dévolus aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, les fonds liés aux aides au logement, aussi, le gouvernement veut reprendre la main sur l’Action Logement. Donc il y a une remise en cause du paritarisme pour voler l’argent des salariés. Et puis sur le fond cette accumulation de réformes, le constat est clair : c’est toujours sur les mêmes qu’on tape, c’est toujours les mêmes qui doivent passer à la caisse. Fort avec les faibles, faible avec les forts.
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, le 21/05/2024
L’examen de la proposition de loi du groupe LIOT débutera le 6 juin en commission. Trois jours avant le vote des européennes. Un agenda qui ne va pas avantager Valérie Hayer, la tête de liste Renaissance, déjà à la peine dans les sondages. Elle n’est plus à ça près…
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