François Hollande sort l’artillerie contre Jean-Luc Mélenchon

François Hollande, député Socialistes et apparentés et ancien président de la République, le 20/01/2025 ©RTL

François Hollande revient. La cause était entendue depuis son élection dans la première circonscription de Corrèze en juillet dernier. Mais on se demandait quand le capitaine de pédalo, comme l’avait surnommé Jean-Luc Mélenchon, allait reprendre la mer. C’est chose faite depuis dimanche. L’ancien président de la République a accordé un long entretien à l’édition dominicale du quotidien La tribune.

“Les socialistes constituent désormais le pôle central au sein de l’Assemblée nationale puisque rien ne peut se faire sans eux ni contre eux. Ils ont la clé jusqu’en 2027. C’en est fini de la position irrespectueuse et arrogante de LFI au sein du Nouveau Front Populaire.”

Sans les socialistes, aucune motion de censure ne peut passer, dit François Hollande. Le Parti socialiste serait donc le groupe charnière de l’Assemblée. Manque de bol, sur ce créneau-là, il y a également le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires. Écoutez attentivement ce qu’expliquait son porte-parole mardi de la semaine passée.

La gauche hors socialistes et hors écologistes, plus le Rassemblement national, plus le groupe LIOT ça fait 290 voix. Ca fait plus que la majorité pour une motion de censure. Nous sommes un groupe résolument d’opposition. Nous pouvons être un groupe charnière et nous comptons être extrêmement vigilants aux développements à venir.

Aujourd’hui les lignes rouges sont les lignes rouges par rapport au budget, déjà, des outre-mer, il ne doit pas être détruit. On signale, avec satisfaction, qu’il est classé numéro 2, ministère d’État, ministère des outre-mer, mais encore faut-il que ça se traduise dans le poids politique et dans les réponses apportées. Et puis, il n’est pas question de garder cette réforme des retraites.

Nous comptons bien que ce conclave, c’est le terme du Premier ministre, aboutisse à ce qu’on puisse revoir cette réforme qui n’était pas passée jusqu’à maintenant, et qui doit aboutir à ce que nous puissions tenir mieux compte de la pénibilité, mieux compte des carrières hachées, mieux compte des femmes.

Olivier Serva, député LIOT, le 14/01/2025

Olivier Serva s’est un peu mélangé les pinceaux en retranchant les écologistes de son décompte. Mais les 23 voix du groupe LIOT plus le RN, plus les Ciottistes, plus les insoumis, plus les communistes, plus les écologistes, ça fait 289 voix. Et 289 voix, ça suffit pour renverser le Premier ministre sans les socialistes. Que ce soit sur le budget ou sur les retraites. Sans parler des 8 députés socialistes qui ont voté la motion de censure jeudi dernier et qui pourraient à nouveau s’émanciper.

Bref, François Hollande aurait mieux fait de prendre sa calculette avant de parler. D’autant qu’il a singulièrement agacé en interne.

On constate qu’en 2025 François Hollande prétend encore dicter la stratégie qui doit être celle des socialistes, et moi je ne l’accepte pas. Il a laissé le Parti socialiste dans un état de désolation presque totale. C’est nous, cette nouvelle génération, qui devons faire nos propres choix.

Chloé Ridel, députée européenne PS, le 19/01/2025

Cartonner Jean-Luc Mélenchon

Mais cet entretien accordé à la Tribune avait surtout un objectif : cartonner Jean-Luc Mélenchon.

“Monsieur Mélenchon est comme madame Irma. Ses prophéties ne se réalisent jamais, ce qui ne l’empêche pas de les répéter à intervalles réguliers. À l’automne dernier, la procédure de destitution que son groupe a déposée a fait flop. En ce début d’année, il annonçait que le 16 janvier tout allait s’écrouler par la censure. Ça n’a pas marché.”

Ces derniers temps, quand on bavarde avec un responsable socialiste, la conversation se termine immanquablement par une formule du genre : “On a un espace politique, mais on a aussi un problème d’incarnation”. Sous-entendu, on n’a pas de présidentiable. “Pourquoi pas moi alors”, s’est dit le roi de la blagounette corrézienne.

Je l’ai toujours dit, il y aura deux candidats de gauche à l’élection présidentielle. Il y aura la gauche radicale, elle a toujours existé, autrefois c’était le Parti communiste, aujourd’hui c’est Jean-Luc Mélenchon. Et puis il y aura une candidature de la gauche réformiste, la plus large possible. Qu’est ce qui peut faire que la gauche puisse l’emporter ? Ce n’est pas avec la gauche telle qu’elle est exprimée et manifestée par Jean-Luc Mélenchon. C’est avec une gauche qui s’ouvre, avec une gauche qui propose.

François Hollande, député Socialistes et apparentés et ancien président de la République, le 20/01/2025

François Hollande est une « machine à tromper »

Mais dans le parti, ça coince. François Hollande a besoin d’une machine électorale à sa botte. Ce que n’a pas manqué de souligner Jean-Luc Mélenchon dimanche après lui avoir répondu sur madame Irma.

Cet homme est une machine à tromper. Il a trompé tout le monde en 2012, il trompe ses proches, il trompe tout le monde. Vous, monsieur François Hollande, vous voulez que l’autre tienne jusqu’en 2027. Et pourquoi vous voulez qu’il tienne jusqu’à 27 ? Parce que vous pensez que d’ici là vous aurez réglé son compte à ces 30 députés qui s’apprêtaient à voter la censure.

Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, le 20/01/2025

Jean-Luc Mélenchon entretient la fiction qu’il pourrait y avoir une autre candidature insoumise que la sienne à la prochaine élection présidentielle. Libre à chacun d’adhérer à cette fable. François Hollande, de son côté, affirme qu’il ne veut pas mettre en avant sa personne pour le moment. Cette pudeur l’honore. Mais personne ne le croit.

Et l’on ne risque pas grand-chose à parier que ces deux-là s’affronteront au premier tour de la prochaine élection présidentielle. Le plus tôt sera le mieux, estime Jean-Luc Mélenchon. Surtout s’il s’agit d’une présidentielle anticipée. Dans ce cas, le premier tour doit être organisé entre 20 et 35 jours après la démission du président de la République. Une configuration qui avantage le chef de file des insoumis.

Au Parti socialiste, c’est chacun pour soi

La France insoumise est une formidable machine électorale. C’est même son ADN. Ce n’est pas le cas du Parti socialiste. Les candidats à la magistrature suprême se ramassent à la pelle. Quand ils ne se ramassent pas tout court, d’ailleurs. Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, y songe si fortement qu’il n’y a nul besoin d’une boule de cristal pour deviner ses intentions. Raphaël Glucksmann ou Bernard Cazeneuve pourraient également être tentés de faire un tour de piste.

Bref, François Hollande devra éliminer un paquet de prétendants pour s’imposer. Dans cette réédition de la guerre des gauches, y-a-t-il encore place pour l’union ? En d’autres termes, le Nouveau Front Populaire est-il désormais de l’histoire ancienne ? Éric Coquerel veut laisser une dernière chance aux socialistes.

Fort heureusement, il y a une séance de rattrapage début février avec le retour du budget à l’Assemblée. J’espère que d’ici là les socialistes, ou suffisamment de socialistes, parce que moi je tiens à rendre hommage aux 8 socialistes qui ont voté avec nous, reviendront à la raison et nous permettront de censurer le gouvernement.

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 20/01/2025

Il n’est pas sûr que ce ton professoral soit du goût d’Olivier Faure. Samedi, il rappelait dans les colonnes de la Dépêche du midi que : “Le NFP ce n’est pas un parti unique, mais une coalition. Jean-Luc Mélenchon n’en est pas le chef. Personne n’est cramponné à LFI. Le NFP ce sont quatre forces autonomes.”

Dans ce même entretien, Olivier Faure semble dire que le groupe socialiste ne votera pas la censure lorsque le projet de loi de financement de la Sécurité sociale reviendra devant l’Assemblée. La formulation est assez tarabiscotée. Jugez plutôt : “Du fait de la procédure parlementaire, il faudra au-delà du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un troisième texte pour pouvoir introduire des mesures nouvelles. C’est sur cet ensemble qu’il faudra juger.”

Et voici l’explication. Il s’agit de contourner la règle de l’entonnoir qu’Éric Coquerel avait mise en avant. On va faire 30 secondes de technique parlementaire. En deuxième lecture, les parlementaires ne peuvent pas rajouter des dispositions nouvelles et notamment des recettes. C’est ça, l’entonnoir.

Les députés ne peuvent modifier que ce qui a été conservé par le Sénat à l’issue de la première lecture. Ce qu’avait fait remarquer Éric Coquerel il y a quelques jours. Dans le cadre de leur négociation avec le gouvernement, les députés socialistes veulent un projet de loi qui viennent rectifier le PLF et le PLFSS. Histoire de ne pas avoir les mains liées par la procédure parlementaire. Voilà pourquoi ce n’est qu’au terme de ce troisième texte que le groupe socialiste décidera s’il vote ou non la censure.

Pour l’union, on repassera

Du coup, il y aura forcément une nouvelle crise début février au moment de l’examen du PLFSS. Vous suivez toujours ? C’est bien. Ce qui subsiste du Nouveau Front Populaire survivra-t-il à cette nouvelle divergence stratégique ? La menace du groupe LIOT de soutenir une motion de censure sera-t-elle suivie d’effet ? Le feuilleton ne fait que commencer. Pour le plus grand désespoir des électeurs de gauche qui se montrent bien plus unitaires que les appareils.

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