
Pourquoi dresser un tableau catastrophique de la situation économique sans esquisser les solutions qui permettraient de redresser la barre ? C’est la question que se posent la plupart des Français après la communication du Premier ministre, mardi. Car on se serait cru davantage devant un bulletin météo qu’en présence du général De Gaulle ou de Winston Churchill.
L’ouragan en marche sur la planète depuis le 24 février 2022 date de l’agression contre l’Ukraine indépendante et souveraine. Un tsunami de déstabilisation est venu chambouler la planète. Ce tsunami est d’abord stratégique. Le président des États-Unis a déclenché un cyclone dont les conséquences ne cesseront pas de sitôt.
François Bayrou, Premier ministre, le 15/04/2025
Soyons justes. Frère François est aussi venu prêcher la bonne parole comme on dit à Betharram. Une vraie leçon de morale jouant à fond sur le ressort de la culpabilisation collective.
Cette fatalité du surendettement est inacceptable. Nous ne pouvons pas nous saigner aux quatre veines chaque année pour rembourser nos dettes passées plutôt que de préparer l’avenir. Ce risque est politiquement insoutenable mais plus profondément encore à mes yeux, il est moralement inacceptable. Quand on parle de morale en politique, on juge souvent les conséquences présentes des actions menées par les responsables politiques. Mais on devrait aussi juger les conséquences futures de leurs actions car la responsabilité de toute femme ou de tout homme politique s’étend aux générations à venir.
La question devant nous est très simple : Voulons-nous leur transmettre un héritage grevé de dettes ?
François Bayrou, Premier ministre, le 15/04/2025
Le disque est rayé
Un discours mille fois entendu. Et qui a cessé d’émouvoir l’opinion si tant est que cela ait été un jour le cas. Alors quel était le but de cette catéchèse libérale ? Assurer la survie du citoyen Bayrou à Matignon. Il ne s’agissait pas de préparer le budget 2026, mais d’éviter que la discussion législative ne se termine par l’adoption d’une motion de censure. Et le renvoi du Béarnais à sa gestion municipale. François Bayrou est venu dire aux différentes forces politiques : “Quel est le prix à payer pour que je ne sois pas renversé ?”. Voilà pourquoi il s’est bien gardé de formuler la moindre proposition.
Officiellement, il faudra attendre le 14 juillet. Sans doute pour un feu d’artifice de mesures impopulaires que la proximité des vacances sera chargée d’amortir. La nouvelle méthode vantée par l’entourage du Premier ministre n’est en définitive que le vieil opportunisme centriste. Pour rester à Matignon, Bayrou joue les maquignons. S’il n’y a pas de propositions, il y a quand même des engagements : pas d’augmentations d’impôts. Il s’agit de ne pas déplaire aux macronistes, à la droite et à l’extrême droite qui communient dans la même religion d’un État-providence qu’il faudrait encore dépecer.
La première solution serait de penser que si l’État n’a plus d’argent dans ses caisses, il suffit d’augmenter les prélèvements. C’est un raisonnement qui paraît simple mais qui est intenable car la France est déjà le pays qui détient le taux de prélèvement obligatoire d’impôts et de taxes de toute nature le plus élevé dans le monde. Et si nous choisissions de continuer à augmenter ces prélèvements, c’est notre pays qui au bout du compte en souffrirait parce que c’est devenu une loi presque universelle, plus l’impôt est lourd, plus les contribuables se dérobent et moins les investisseurs s’engagent.
François Bayrou, Premier ministre, le 15/04/2025
“Pas touche à l’impôt” dit Bayrou. Encore faudrait-il que chacun contribue à sa juste part, lui répond Marylise Léon, la patronne de la CFDT.
Aujourd’hui, pour la CFDT, l’impôt n’est pas suffisamment juste. On est sur une révision des tranches et le fait d’aller plus loin. C’est-à-dire que, notamment ceux qu’ils le peuvent, donc les plus aisés, doivent plus contribuer à cette cohésion sociale. Je pense qu’aujourd’hui il y a notamment des classes populaires, des classes moyennes, le sentiment d’être beaucoup mis à contribution, et ceux qui pourraient faire plus ne le font pas.
Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT, le 16/04/2025
Il y a du ménage à faire dans la fiscalité. C’est ce que dit aussi Éric Coquerel, le président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale.
Moi je pense qu’on peut très facilement trouver, 40, 50 voire 60 milliards d’euros dans les cadeaux fiscaux qui ont été faits aux plus riches depuis des années. Par l’impôt, par la fiscalité, par moins de crédits d’impôts. Certainement réduire des aides aux entreprises ou en tout cas les conditionner.
Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 16/04/2025
Baisse des recettes
Mais pour trouver ces milliards manquants, il faudrait que le gouvernement renonce au dogme de la politique de l’offre. Ça n’en prend pas le chemin.
Ce gouvernement souffre d’une pathologie. Cette pathologie c’est la pathologie du déni. Sa politique de l’offre est aujourd’hui un naufrage. Le déficit explose et ce n’est pas parce que les dépenses augmentent, c’est parce que les recettes baissent. Et la consommation baisse parce que les salaires ont baissé.
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, le 15/04/2025
Les recettes baissent. C’est le constat auquel est également arrivée la Commission parlementaire d’enquête sur le dérapage budgétaire. Elle rendait son rapport ce même mardi. Principal enseignement, il y a eu une erreur d’évaluation de 60 milliards. 20 milliards en 2023 et 40 milliards en 2024.
Les modèles prévisionnels de Bercy sont à l’évidence obsolètes concluent les rapporteurs, le député UDR Éric Ciotti et le député Renaissance Mathieu Lefèvre. La tendance du gouvernement à ne retenir que les scénarios les plus optimistes est également pointée du doigt. C’est l’incurie des hauts fonctionnaires et l’imprudence des politiques qu’il faut payer maintenant. Parmi les pistes de réflexion, il y a les niches fiscales.
La ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, propose d’en supprimer une bonne partie. Elles sont au nombre de 487. Et certaines bénéficient à moins de 100 contribuables. Sur les 85 milliards de manque à gagner pour l’État, la ministre estime pouvoir en rapatrier 8,5. On préfère avoir des impôts qui soient potentiellement plus bas pour tout le monde plutôt que d’avoir des impôts élevés avec certains qui, eux, ont des très très fortes réductions d’impôts. Amélie de Montchalin parle d’or. Il faut en finir avec ces niches fiscales. A commencer par celles qui coûtent le plus cher. A bas les privilèges !
Prenons la première. Oups. C’est le crédit d’impôt recherche. Les entreprises éligibles peuvent récupérer 30 % de leurs dépenses en recherche et développement. 7,8 milliards d’euros en moins pour l’État en 2024. L’ennui, c’est que l’étiquette recherche et développement est souvent collée sur des dépenses qui n’ont rien à voir. Curieusement, les gouvernements successifs se sont toujours refusés à remettre en cause cet avantage dont les contours et l’impact restent flous. C’est ballot. Mais pas touche aux entreprises.
Tabassage des retraités
L’actuel gouvernement lorgne plutôt vers les 15 millions de retraités. C’est la troisième niche par ordre d’importance. Amélie de Montchalin envisage de supprimer l’abattement de 10 % sur le montant des pensions. Ce qui ferait rentrer 4,8 milliards dans les caisses. Odieux avantage que voilà.
Mais savez-vous pourquoi cet abattement a été instauré ? Il a été créé en 1978 par le gouvernement de Raymond Barre dans un souci d’équité. Raymond Barre, Premier ministre de Valéry Giscard D’estaing était un libéral qui ne jurait, déjà, que par la réduction de la dépense publique. Eh bien, cet homme de droite a pourtant considéré que les revenus des retraités étant déclarés par les caisses de retraite, le risque de fraude était nul. A la différence des déclarations des actifs qui peuvent comporter des erreurs ou des minorations plus ou moins volontaires.
Bref, on a remis un peu de justice entre les différentes catégories de contribuables. Ajoutons que cet abattement de 10 % s’applique aussi aux pensions d’invalidité et aux pensions alimentaires. Supprimer l’abattement pour les seuls retraités créerait donc une inégalité fiscale. Il faut le répéter, cet abattement de 10 % n’a absolument rien à voir avec la déduction de 10 % pour frais professionnels des actifs.
C’est pourtant ce que le gouvernement veut faire croire. Car il peut ainsi vendre une fable à l’opinion : “les retraités n’ont plus d’activité professionnelle, donc ils n’ont plus besoin d’un abattement pour frais professionnels”. Dans ce contexte, le Premier mai va jouer le rôle de baromètre. Si les défilés sont massifs et se montrent revendicatifs, le gouvernement va réfléchir à deux fois avant de sabrer la dépense publique.
En revanche, si les cortèges sont clairsemés, il n’hésitera pas à mettre en place le programme d’austérité qu’il prépare. Je dis ça, je ne dis rien. Vous me connaissez.
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