
Et d’un coup, le masque est tombé. C’était dimanche au micro de France Inter. Le Premier ministre avait promis aux partenaires sociaux qu’ils pourraient débattre sans totem ni tabou des retraites. Et voilà qu’il y a un totem, le départ à 64 ans, et un tabou, le départ 64 ans. Comme on dit dans le Béarn, Bayrou, ça garbure fort.
Du coup, à quoi bon poursuivre les échanges entre les syndicats de salariés et le Medef sur le sujet. C’est l’interrogation formulée par Édouard Philippe depuis Lille où il était venu rappeler aux Français qu’il serait candidat à la présidence de la République en 2027. Tout en expliquant qu’il ne présenterait son programme que dans un an. Mais ça, c’est une autre histoire.
Le conclave sur les retraites convoqué pour acheter la stabilité politique, n’a à mes yeux plus réellement d’objet. Cette discussion en conclave est hors sol. Le Parlement a légiféré. L’urgence est là. Pourquoi laisser perdurer une discussion complètement déconnectée de la réalité sur la réforme Borne ?
Édouard Philippe, Président de Horizons, le 16/03/2025
Sébastien Chenu, interrogé sur une autre chaîne, a aussitôt réagi.
On est des gens libres, on a toujours considéré qu’on censurerait quand on devrait censurer sur le motif qui nous paraîtrait important. C’est un motif important. François Bayrou le met aujourd’hui en débat, on va voir ce qu’il propose derrière.
Sébastien Chenu, député RN, le 16/03/2025
La censure aux aguets
Censure, vous avez dit censure ? Quelques heures plus tard, Éric Lombard a tenté de rectifier le tir.
La responsabilité des partenaires sociaux est de continuer à travailler, même si le Premier ministre a donné un avis qui évidemment pèse dans le sujet. Moi je dis que la décision que prendront les partenaires sociaux aura une autorité politique considérable.
Éric Lombard, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, le 16/03/2025
Le ministre de l’Économie et des Finances qui contredit le chef du gouvernement, ça ne manque pas de sel. Tout va bien au sommet de l’État. On l’a peut-être oublié, mais le ministre de l’Économie est lui-même flanqué d’une ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Elle est censée, normalement, aller dans le sens de son ministre de tutelle. Mais, visiblement, elle préfère s’aligner sur François Bayrou.
Ce qui a été cadré, c’est-à-dire : un, on doit revenir à l’équilibre, deux, s’il y a un accord il va au Parlement. Et s’il n’y a pas d’accord, on en reste à la réforme actuelle. Ca, ça n’a pas changé. Et de dire que dans les conditions financières actuelles, vu ce que dit la Cour des comptes, il est difficilement réaliste de revenir à 62 ans.
Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, le 17/03/2025
Sacrifier notre retraite
Comme le Premier ministre, Amélie de Montchalin met en avant l’effort de guerre pour justifier le refus d’un retour à 62 ans. Un argument auquel Fabien Roussel avait répondu la veille.
Alors on va aller faire la guerre à Moscou. On va aller faire la guerre contre Poutine, et derrière on va devoir payer et sacrifier encore une fois notre retraite, notre pouvoir d’achat, les factures qui vont augmenter. Mais quand est-ce que ça va s’arrêter tout ça ? Ca, je l’entends. Et je comprends, ça. Et c’est bien pour ça que les Français ont bien intégré une chose c’est que quand on leur parle d’économie de guerre, à chaque fois ce sont les travailleurs qui payent.
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, le 16/03/2025
Du côté des socialistes, on crie à la trahison.
Et dimanche, François Bayrou dégaine très spontanément un “non” sorti de ses tripes, ou de je ne sais où, qui du coup est un mépris pour les partenaires sociaux. Un mépris parce que ça leur dit : “Le périmètre de votre négociation qui était ouvert…”, tous les sujets étaient sur la table, François Bayrou je le redis avait dit “même l’âge légal”.
Jérôme Guedj, député Socialistes et apparentés, le 17/03/2025
Même la préretraitée de la Mairie de Paris y est allée de son commentaire.
Bien sûr que ce conclave a été fait, mis en place, pour éviter la censure et notamment obtenir du Parti socialiste qu’il n’y ait pas de censure. Mais après, ce n’était pas simplement un artifice. Il se trompe complètement et il tue un espoir.
Anne Hidalgo, maire de Paris, le 17/03/2025
Le contrat de non-censure était une mauvaise blague
Que vont faire les socialistes ? Le contrat implicite de non-censure en échange d’une reprise des négociations sur l’âge de départ ayant été déchiré, la logique voudrait qu’ils renversent le gouvernement. Communistes, écologistes et insoumis voteraient sans problème une motion de censure. Avec les voix du Rassemblement national, la barre des 289 voix, soit la majorité absolue, serait aisément franchie.
Seulement voilà, le Parti socialiste tient son congrès les 14 et 15 juin. En refusant de voter la censure au moment du budget, Olivier Faure a fait la démonstration de son indépendance vis-à-vis de la France insoumise. Il a ainsi coupé l’herbe sous le pied à son opposition interne. Celle-ci lui reprochait d’être inféodé à Jean-Luc Mélenchon. Elle n’a plus d’argument. Mais elle pourrait trouver un nouveau prétexte si le NFP reprenait vie, le temps d’une motion de censure.
Car un départ de François Bayrou bouleverserait le calendrier des prétendants socialistes à l’Élysée. François Hollande, par exemple, ne veut pas prendre le risque de précipiter l’élection présidentielle. Le climat de guerre avec la Russie risque également de refroidir plus d’un député socialiste. Peut-on affaiblir le président de la République au moment où celui-ci s’affirme sur la scène internationale ? Même les électeurs qui sont attachés à un retour à 62 ans pourraient y trouver à redire.
Un sondage Ipsos pour la Tribune dimanche nous apprend que la popularité d’Emmanuel Macron a grimpé de 5 points. Il atteint les 27 %. Et dans le détail, le président de la République gagne 9 points chez les électeurs écologistes et 8 points chez les électeurs socialistes. Les socialistes trouveront-ils le courage de ne pas sacrifier les pensions aux canons ? On ne devrait pas tarder à être fixés.
Soyez le premier à commenter