Notre bon roi nommera un Premier ministre quand il le voudra. Parce que tel est son bon plaisir. Que voulez-vous. L’altesse n’aime pas la vitesse.
En tout cas, il est clair que jusqu’à la mi-août nous ne sommes pas en situation de pouvoir changer les choses. Parce qu’on créerait un désordre.
Emmanuel Macron, le 23/07/2024
Le pays a besoin de stabilité. Certainement. Mais alors, pourquoi avoir dissous l’Assemblée nationale à la veille des Jeux olympiques ? Juste avant les congés d’été. Le télescopage était prévisible.
Je trouve qu’il exagère quand même, le président de la République, c’est quand même lui qui a organisé des élections, qui a provoqué une dissolution, quelques semaines avant les Jeux olympiques, et donc perturbant son organisation.
Fabien Roussel, Secrétaire national du PCF, le 24/07/2024
Circulez, il n’y a rien à voir
Que le Nouveau Front Populaire se soit mis d’accord sur un nom pour Matignon n’ébranle pas davantage notre seigneur des anneaux. D’ailleurs cette Lucie Castets ne mérite même pas qu’on prononce son nom.
Le sujet n’est pas un nom donné par une formation politique. La question c’est : quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée pour qu’un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays.
Emmanuel Macron, le 23/07/2024
Orfèvre en pronostics politiques comme chacun sait, la pythie de l’Élysée – qui fait un peu pitié avec ses 84 députés perdus – entend nous dire ce qui est bon pour le pays. Et vu de l’Olympe, on n’en sera pas surpris, le Nouveau Front Populaire n’est pas le bon choix.
La majorité sortante a perdu cette élection. Mais personne n’a gagné.
Emmanuel Macron, le 23/07/2024
Personne n’a gagné. Comme en 2022. Le bloc présidentiel ne comptait que 250 députés. Il lui en manquait 39 pour atteindre la majorité absolue. Pourtant Emmanuel Macron a appelé à Matignon Élisabeth Borne. Pourquoi la règle en vigueur il y a deux ans ne s’appliquerait-elle pas à la coalition arrivée en tête aujourd’hui ?
On dirait mon fils de 5 ans quand il triche au Monopoly junior. Il joue au jeu, c’est normal chez les enfants de 5 ans, au fur et à mesure de la partie il dit : “Oui mais ça en fait je ne t’avais pas expliqué maman, en fait, c’est parce qu’il y a une nouvelle règle, puis ça en fait tu n’as pas besoin compris, puis ça quand on joue avec papa on fait comme ça”. Les enfants font ça.
Marine Tondelier, Secrétaire nationale des Écologistes, le 24/07/2024
Mais Jupiter a plus d’un argument dans sa poche.
Le Nouveau Front Populaire avait un candidat. Il n’a pas été élu. Ce qui montre très clairement qu’il serait faux de dire que le Nouveau Front Populaire a une majorité quelle qu’elle soit.
Emmanuel Macron, le 23/07/2024
Une élection à la présidence de l’Assemblée nationale contestée
On le répétera jusqu’au bout, celle élection reste litigieuse. Yaël Braun-Pivet n’a devancé le candidat du Nouveau Front populaire que de 13 voix. En partie grâce au renfort de 17 ministres démissionnaires qui ont pris part au vote alors même qu’il n’est pas certain qu’ils en aient eu le droit. Mais voilà, il n’y a pas d’instance de recours.
Le Conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent chaque fois qu’il a été saisi sur la régularité d’une élection à la présidence de l’Assemblée. Un vide juridique qui autorise tous les coups de force. Tant pis si l’élection de Yaël Braun-Pivet est frappée de suspicion pourvu que le perchoir échappe aux partageux du Nouveau Front Populaire. Quoi qu’il en soit, dans l’histoire de la Ve République, c’est toujours le résultat des élections législatives, et rien d’autre, qui a déterminé le choix du locataire de Matignon.
Il y a, effectivement, aucune force qui a une majorité absolue. C’est une réalité. En revanche, il y a bien une force qui est arrivée en tête de l’élection. Et dans toutes les démocraties, à chaque fois qu’il y a une force qui est arrivée en tête de l’élection, c’est à elle qu’on demande de composer un gouvernement. C’est la tradition républicaine.
Mais en fait, il est président de quoi ? Il est président de la République française. Donc, la logique c’est qu’il respecte lui-même la tradition républicaine.
Olivier Faure, député PS et Premier secrétaire du PS, le 24/07/2024
Mais pour le grand timonier du Touquet, la tradition ne compte pas. Le front républicain contre le Rassemblement national est la première pierre d’un pacte politique.
La responsabilité de ces partis c’est de faire quelque chose que toutes les démocraties européennes font, qui n’est pas dans notre tradition. C’est de savoir faire des compromis, ce n’est pas un gros mot.
Emmanuel Macron, le 23/07/2024
Des compromis sur quoi et avec qui ?
Le front républicain, tout d’un coup il le transforme comme une majorité politique. Chacun sait que c’était un barrage que nous avons mis en place. C’est nous qui l’avons initié, un barrage démocratique, républicain, et que en aucun cas il peut porter un programme. D’ailleurs, quel programme porterait-il ? Le chef de l’État dit : “Personne n’a de majorité pour un programme donc je continue le mien”.
Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances, le 24/07/2024
Contrairement à ce qu’affirme le président, les Français ne réclament pas une coalition. Le bloc présidentiel a fait campagne sur ce thème. Il entendait attirer à lui la droite modérée et les socialistes hostiles à la France insoumise. Résultat, au 1er tour des législatives, cette brillante stratégie n’a recueilli que 20 % des suffrages exprimés. La veste électorale de l’année. Si le refus de l’extrême droite est le plus petit dénominateur commun des forces républicaines, il ne saurait constituer le socle d’une coalition.
Il n’y a pas de coalition possible entre des personnes qui pensent qu’il faut financer davantage les services publics et ceux qui pensent qu’il est urgent de réduire les moyens. Il n’y a pas d’accord possible entre ceux qui veulent que chacun paie sa juste part d’impôts et ceux qui proposent plutôt des allègement d’impôts aux personnes les plus favorisées, etc.
Une chose est claire : une coalition avec le camp présidentiel est impossible du fait de nos désaccords profonds. Et je pense que ça n’est pas ce qu’attendent les électeurs qui ont placé, encore une fois, le programme de rupture du Nouveau Front Populaire en tête des dernières élections.
Lucie Castets, candidate du NFP pour le poste de Premier ministre, le 24/07/2024
L’arithmétique est têtue
Pourquoi Emmanuel Macron ne veut-il pas nommer Lucie Castets ? Parce qu’une motion de censure contre son gouvernement ne pourrait trouver une majorité absolue qu’avec les voix du Rassemblement national, dans tous les cas de figure. L’arithmétique est têtue. Même avec le renfort de la Droite républicaine de Laurent Wauquiez, le bloc présidentiel plafonne à 213 voix. Il en faut 289 pour renverser un gouvernement.
Mais voilà, les 577 députés qui viennent d’être élus savent qu’ils ont de bonnes chances de repasser devant les électeurs sitôt que le président aura retrouvé la faculté de dissoudre l’Assemblée. C’est-à-dire dans un an. Si les députés du bloc présidentiel venaient à renverser un gouvernement du Nouveau Front Populaire avec l’appui des députés d’extrême droite, comment pourraient-ils, quelques mois plus tard, solliciter un désistement républicain en leur faveur ? Les électeurs ont de la mémoire. Ceux de gauche se diront : “Pourquoi sauver ceux qui viennent de nous poignarder ?”. Bref, il n’est pas sûr que le bloc présidentiel ait très envie de brûler son dernier contrat d’assurance-vie. Voilà pourquoi Castets à Matignon, c’est un casse-tête pour Macron.
Emmanuel Macron caresse un rêve fou
Mais si le président cherche à gagner du temps, c’est qu’il caresse un rêve fou. Détacher le PS de La France insoumise et du Nouveau Front Populaire. Un coup d’œil sur les forces en présence devrait pourtant lui faire comprendre combien l’entreprise est chimérique. Les socialistes ont aujourd’hui 66 députés. LFI en compte 72. Les deux formations font sensiblement jeu égal. Surtout si l’on prend en compte dans le calcul les sénateurs socialistes. Pour la première fois depuis longtemps, le PS peut espérer retrouver son hégémonie sur la gauche. Ce serait donc un bien mauvais calcul de sa part que de voler au secours des éclopés du macronisme. Même les éternels opposants d’Olivier Faure, Carole Delga, la présidente de la région Occitanie ou Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen, l’ont compris.
La soupe macroniste n’est plus qu’un brouet. Quinze jours de parenthèse, voire trois semaines, n’en changeront pas le fumet. Ce délai peut même servir la gauche. Il laisse le temps à Lucie Castets d’ébaucher la composition de son gouvernement et de combler son déficit de notoriété. Quand le trompe-l’œil des Jeux olympiques disparaîtra, il sera temps de descendre dans l’arène.
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