Au cœur de la Nupes, des querelles en série

Raquel Garrido, députée LFI de Seine-Saint-Denis, à l’Assemblée nationale, le 4 avril 2023. ©Purepolitique

Fabien Roussel n’a pas digéré que Manuel Bompard, le coordinateur de La France insoumise, s’adresse aux militants de son parti réunis en congrès à Marseille. Dans une lettre ouverte, le numéro deux des insoumis déclare avoir reçu « avec stupéfaction et gravité » les déclarations de Fabien Roussel sur Bernard Cazeneuve et Gérald Darmanin.

Pour mémoire, concernant le premier, le secrétaire national du PCF envisage la possibilité d’une alliance. Quant au second, il saurait « écouter les gens » si l’on s’en tient à une déclaration récente du patron des communistes dans Libération. Le courrier des insoumis a fait bondir le chef des communistes :

Et à celles et ceux qui veulent polémiquer et qui se permettent même, ces dernières heures, de s’adresser directement aux adhérents du Parti communiste français, aux congressistes, à vous, pour se mêler de notre congrès, de nos choix, de notre stratégie, je le dis clairement et en toute fraternité : mêlez-vous de vos affaires.

Fabien Roussel, député du Nord et secrétaire national du PCF, 39e congrès du PCF, 7 avril 2023

Prendre en étau Jean-Luc Mélenchon

L’histoire ne s’arrête pas là. Nicolas Mayer-Rossignol, le numéro deux du PS, en conflit ouvert avec Olivier Faure, multiplie ces jours-ci dans la presse les déclarations favorables à Fabien Roussel. Objectif partagé des deux hommes : prendre en étau un Jean-Luc Mélenchon dont ils ne supportent plus la position hégémonique à gauche. Une alliance de circonstance, donc. 

Fort de la victoire de Martine Froger en Ariège contre la candidate officielle de la Nupes, Nicolas Mayer-Rossignol s’emploie activement à structurer son courant, Refondations. Un vrai parti dans le Parti socialiste. En juin, le maire de Rouen organisera même des « états généraux de la transformation sociale et écologique » dans le sud de la France. Un contexte que le retour jeudi prochain d’Adrien Quatennens dans les rangs des députés insoumis vient passablement compliquer.

Bagarre interne aux socialistes

Eh oui, le 13 avril, le dauphin de Jean-Luc Mélenchon revient parmi les siens. Après tout, c’est Pâques. Nicolas Mayer-Rossignol et ses amis attendent la direction du PS au tournant : comment leur parti peut-il accepter le retour dans les rangs de la Nupes de Quatennens et refuser que Martine Froger, la dissidente socialiste, siège sur les bancs socialistes ? 

C’est à la lumière de cette bagarre interne aux socialistes qu’il faut apprécier la charge de Boris Vallaud, dimanche 9 avril, contre le retour de Quatennens. Il y a peut-être une question de principe, mais il y a surtout la volonté d’éviter le piège tendu par Nicolas Mayer-Rossignol et les zombies du hollandisme qui le soutiennent. Il s’agit pour la direction du PS d’afficher qu’elle est aussi sévère avec un allié fautif, Adrien Quatennens, qu’avec une dissidente, Martine Froger. 

Ça ne peut pas être, pour nous, un interlocuteur comme il l’a été avant de cet intergroupe de la Nupes. Ce serait quand même un peu particulier. Après, je mesure bien toute la difficulté entre la sanction juridique et la sanction politique. Est-ce que, finalement, le meilleur juge ce n’est pas l’électeur lui-même ?

Boris Vallaud, député des Landes et président du groupe socialiste-Nupes, « Le Grand Jury », LCI-RTL-Le Figaro, 9 avril 2023

« La conquête du pouvoir » dans son ADN

À ce tableau sur la gauche, il faut ajouter la zone de turbulences vers laquelle s’achemine La France insoumise. Le débat interne entamé avant la séquence des retraites reprend. La question est de savoir comment le mouvement peut passer d’une culture protestataire à l’incarnation d’un futur gouvernement. Écoutez attentivement Raquel Garrido à ce sujet. Il serait bien étonnant que ses remarques ne rencontrent pas un écho dans les semaines qui viennent. 

La France insoumise, elle a dans son ADN la conquête du pouvoir, et elle l’a montré trois fois avec une candidature à la présidentielle. Le fait d’être formaté pour la présidentielle montre en réalité une grande ambition en matière de prise de pouvoir. Cependant, c’est vrai qu’il faut ajuster cette ambition-là avec plusieurs choses, d’abord l’existence d’autres types d’élections, qui sont des élections intermédiaires où il n’y a pas qu’un seul candidat mais une grande multitude de candidatures. Et aussi avec cette idée que dans le parlementarisme et dans une notion plus démocratique d’un gouvernement, il y a un caractère chorale. Notre profil doit être quelque chose de plus… qui incarne plus le fait de gouverner. On n’est pas que le contre pouvoir, on est le pouvoir aussi. Pour l’instant, ce n’est pas dit que La France insoumise accepte de se reformater. Mais ça, ça renvoie à des débats qu’on a commencé déjà en hiver et qui se poursuivront nécessairement.

Raquel Garrido, députée LFI-Nupes de Seine-Saint-Denis, Palais Bourbon, 4 avril 2023

La gauche française est aujourd’hui en dessous de 30 %. La question qui se pose à elle est de parvenir à s’élargir sans se renier. Personne ne dit que c’est facile.

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