Budget : le gouvernement Barnier prépare l’austérité

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 1/10/2024 ©PurePolitique

À force de baisser les impôts des plus fortunés et des grands groupes, il y a un trou dans la caisse. 62 milliards d’euros selon la Cour des comptes. Voilà ce qu’a coûté au pays la politique de l’offre menée depuis 2018 par Emmanuel Macron. Comme on pouvait s’y attendre, le moment de l’addition est venu. C’est Michel Barnier qui a présenté la note mardi. Pour éponger l’ardoise, le syndic de faillite a sa solution.

Le premier remède de la dette, c’est la réduction des dépenses. En 2025, les deux tiers de l’effort de redressement viendra donc de la réduction des dépenses. Mais la situation de nos comptes demande aujourd’hui un effort ciblé, limité dans le temps, un effort partagé dans une exigence de justice fiscale.

Ce partage de l’effort nous conduira à demander une participation au redressement collectif aux grandes et aux très grandes entreprises qui réalisent des profits importants.

Michel Barnier, Premier ministre, le 1/10/2024

Austérité en vue

On résume : les grands groupes vont rendre un tout petit peu de ce qu’on leur a donné. Et les Français vont acquitter le reste en se serrant la ceinture. Voilà le joli programme qui se met en place. Qu’on se le dise, le Premier ministre ne sera pas un Barnier percé. Côté recettes fiscales, le ministère du Budget a indiqué ce jeudi matin que la contribution exceptionnelle demandée aux Français les plus fortunés en 2025 concernera 65 000 foyers fiscaux. Soit 0,3 % des ménages. Ils devraient pouvoir survivre.

Pour ce qui est de la réduction des dépenses, un avant-goût a été donné hier mercredi. Le gouvernement a annoncé un gel temporaire des pensions du régime général des retraites. La réévaluation prévue pour le 1er janvier a été reportée au 1er juillet 2025. Parmi les 18 millions de retraités, il n’est pas certain que tous puissent faire face. Dans ses tiroirs, le gouvernement a encore une possible réduction de la prise en charge des consultations médicales. La part des complémentaires santé grimpera d’autant. Ce qui se traduira inévitablement par une hausse des tarifs.

Le malus écologique sur les voitures devrait également s’envoler. Comme les taxes sur le transport aérien. Et ce n’est que le début. Pour ramener le déficit à 5 % du produit intérieur brut en 2025, Bercy prévoit de réduire les dépenses publiques de 40 milliards. Au sein même de la famille politique du Premier ministre, on estime que celui-ci ne va pas assez loin. Laurent Wauquiez, qui a pourtant refusé le poste de ministre de l’Économie et des finances, préconise d’y aller à la hache.

La contribution que nous faisons avec ce plan d’économie budgétaire que nous allons vous présenter, c’est une contribution positive destinée à dire au gouvernement : “On est prêts à s’engager plus loin”. Et on considère qu’il est possible de faire 50 milliards d’euros d’économie en allant au-delà de ce qui est l’objectif affiché à ce stade par le gouvernement. Et donc pour nous d’avoir un équilibrage qui permettrait de faire moins de hausses d’impôts et plus d’économies.

Laurent Wauquiez, député LDR et président du groupe LDR à l’Assemblée nationale, le 2/10/2024

Taxer le moins possible les grands groupes. C’est la préoccupation la mieux partagée à droite, bloc central compris. Les macronistes redoutent que Michel Barnier mette en péril la compétitivité des grandes entreprises en remontant temporairement l’imposition de ces dernières.

Je serai extrêmement sensible aux enjeux de compétitivité des entreprises. Vous le savez, aujourd’hui, la conjoncture internationale est risquée. Vous le savez, aujourd’hui, les entreprises, les grandes entreprises françaises font face à une compétition extrêmement féroce en Europe et au-delà. Je suis inquiet des projets de taxation des grandes entreprises, notamment de l’impôt sur les sociétés.

Pour le reste, évidemment, on gardera ça avec un œil constructif, un œil de responsabilité, les enjeux de sécurité sont importants, les enjeux de démocratie sont importants. On regardera évidemment l’ensemble des mesures qui sont proposées par ce gouvernement avec un œil constructif. Mais avec une vigilance accrue, en ce qui me concerne, sur l’évolution des prélèvements sur les grandes entreprises.

Roland Lescure, député EPR et vice-président de l’Assemblée nationale, le 1/10/2024

Le pouvoir d’achat passe à la trappe

Et le pouvoir d’achat dans ce programme ? Il reste la première préoccupation des Français dans toutes les enquêtes d’opinion. Mais ce n’est pas la priorité du gouvernement.

Le Premier ministre n’a pas parlé, n’a pas cité le mot “pouvoir d’achat”. La seule mesure qu’il propose c’est d’avancer de deux mois l’augmentation du SMIC. Manifestement, il ne sait pas, il ne connaît pas les problèmes actuels des Français. Je remarque aussi qu’il promet surtout des baisses de dépenses publiques qui sont absolument drastiques, qui vont avoir un effet récessif sur l’économie.

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 1/10/2024

Le Rassemblement national veut bien mettre à contribution les plus riches et les grands groupes. Mais à ses conditions.

Pour le moment, monsieur Barnier ne respecte pas la ligne rouge du Rassemblement national sur les hausses d’impôts. Nous, nous sommes favorables à augmenter les prélèvements sur les plus favorisés et les surprofits des multinationales et le secteur financier uniquement si ces hausses d’impôts permettent de financer des baisses de charges, des baisses d’impôts, des baisses de taxes pour les classes moyennes et les classes populaires.

Jean-Philippe Tanguy, député RN, ministre de l’Intérieur, le 1/10/2024

Le Rassemblement national renoue avec le libéralisme de ses origines

L’ennui, c’est que cette vertueuse intention est contredite par la dernière version du programme économique du Rassemblement national. Celle-ci a été présentée le 14 septembre lors de la journée de rentrée parlementaire du parti. Un certain nombre de mesures sociales et fiscales qui figuraient dans les précédentes éditions ont disparu : la taxe sur les rachats d’actions, celle sur les dividendes jugés excessifs ou encore le plafonnement de la “flat tax”.

Évanouis également la TVA à 0 % sur les produits de première nécessité ou la TVA réduite sur l’énergie. Plus le RN se rapproche du pouvoir, plus il renoue avec le libéralisme de ses origines. Un toilettage qui ne peut que séduire le grand patronat. Mais qu’importent les lignes rouges de Jean-Philippe Tanguy. Car une véritable romance s’esquisse entre Michel et Marine. À preuve cet hommage appuyé lors de la séance de mardi.

Certes, les uns et les autres, comme nous-mêmes, avons pu mesurer votre sens de la courtoisie assez naturelle, et le respect inné que vous portez aux personnes y compris à vos adversaires. C’est là une qualité qui vous honore et qui est d’autant plus appréciable qu’elle tend à se raréfier.

Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 1/10/2024

Mais comment Marine Le Pen pourrait-elle détester le nouveau Premier ministre ? Cet homme qui sait si bien être à l’écoute des autres. Surtout quand il n’a pas de majorité.

Le Premier ministre a vraiment montré qu’il avait entendu le vote des Français, quelque chemin qu’il ait pris finalement. Il a entendu, il respecte le vote de ceux qui ont voté pour le Rassemblement national, notamment avec une demande d’autorité dans notre pays. Il a fait des propositions extrêmement concrètes sur ce sujet. Je pense aux courtes peines de prison. Vous ne pouvez pas avoir des gens qui cumulent des sursis sans fin. Il a proposé de construire aussi des prisons adaptées à ces courtes peines.

Olivier Marleix, député LDR, le 1/10/2024

Pacte de non-agression

L’idylle risque bien de se prolonger.

J’ai l’impression que le pacte de non-agression entre Michel Barnier et Marine Le Pen fonctionne parfaitement et qu’en réalité il est clair que pour elle il n’y a pas d’urgence à la censure et qu’elle va laisser vivre pendant de longs mois ce gouvernement. En tout cas c’est le sentiment qu’elle donne.

Là où elle était autrefois l’opposante principale à Emmanuel Macron, elle est devenue en réalité la béquille du macronisme. C’est assez troublant, on va s’habituer, mais en tout cas c’est ce qu’on a observé aujourd’hui.

Olivier Faure, député PS et Premier secrétaire du PS, le 1/10/2024

“Le RN est la béquille du macronisme” dit Olivier Faure. Et les béquilles, on en prend soin. Mercredi, c’est grâce à des voix de deux députés du bloc central que Sébastien Chenu, ancien vice-président RN de l’Assemblée, a été élu à la tête de la commission chargée d’apurer les comptes de l’Assemblée. Échange de bons procédés quelques heures plus tard, c’est la macroniste Véronique Riotton qui est élue présidente de la délégation aux droits des femmes grâce aux voix du RN. Et le non moins macroniste Pieyre-Alexandre Anglade est réélu président de la commission des affaires européennes à la faveur du retrait du candidat RN.

Le Front républicain, c’est comme le Père Noël. Il y a un moment où il faut cesser d’y croire.

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