Braquage aux portes de l’Europe

C’est sans doute le plus grand braquage international jamais réalisé. En subordonnant la sécurité de l’Ukraine à l’exploitation – le pillage ? – de son sous-sol, Donald Trump vient d’envoyer valser le droit international et l’alliance entre les États-Unis et l’Europe. Contraint et forcé, Volodymyr Zelensky s’est rendu à Washington pour rencontrer celui qui, quelques jours plus tôt, le traitait encore de dictateur. Même s’il affecte maintenant ne plus s’en souvenir.

Minerais essentiels et terres rares

L’Ukraine produit trois minerais essentiels : le manganèse, le titane et le graphite. Son sous-sol renferme encore d’importants gisements d’uranium, de manganèse, de mercure et de gallium. Sans oublier le lithium, l’or blanc du XXIe siècle. Autant de richesses dont Donald Trump entend bien capter la plus grosse part.

L’accord-cadre que devait signer Volodymyr Zelensky ce vendredi est présenté par l’administration américaine comme le remboursement de l’aide militaire versée depuis trois ans à l’Ukraine. Ce soutien s’élèverait à 350 milliards de dollars, affirme la Maison blanche. En réalité, il dépasse à peine 100 milliards de dollars.

La présence économique américaine comme garantie

Mais l’essentiel est ailleurs. Pour Zelensky, un partenariat avec les entreprises américaines constitue une garantie de sécurité. Vladimir Poutine ne prendra pas le risque de bombarder des infrastructures appartenant à son nouvel allié d’Outre Atlantique. D’autant qu’un cessez-le-feu, en figeant la ligne de front, garantit à Moscou l’exploitation des terres rares – un terme générique qui désigne 17 métaux présents dans le même sol – situées dans les zones qu’elle occupe. Selon les experts, la Russie aurait ainsi mis la main, à la faveur de la guerre, sur 40 % des terres rares de l’Ukraine.

La nécessité d’une défense européenne

Les deux impérialismes sont tombés d’accord pour se partager le pactole moyennant la cessation des hostilités. Ce qui n’est pas cher payé. Dans ce deal planétaire, l’Union européenne et l’Ukraine n’ont pas eu leur mot à dire. La force a primé sur le droit. Et les Européens découvrent, stupéfaits, que la puissance économique n’est rien sans le glaive.

Une fois n’est pas coutume, il faut rendre cette justice à Emmanuel Macron : il est le seul à avoir plaidé pour une défense européenne depuis son entrée à l’Élysée. À quoi bon, lui répondait-on, puisqu’il y a l’OTAN. Cette alliance est aujourd’hui moribonde. Les États-Unis feront tout pour la neutraliser.

Parapluie nucléaire

Se pose alors la question de la France et de son parapluie nucléaire. À qui faut-il l’étendre ? Aux Pays baltes ? À la Pologne ? Faut-il mourir pour Dantzig, demandait en 1939 le néosocialiste Marcel Déat, futur collaborationniste ? Il faisait référence à l’étroit corridor qui reliait le port de Dantzig (Gdansk aujourd’hui) au reste de la Pologne, séparant de ce fait la Prusse en deux. Hitler réclamait l’annexion du port et du corridor. On connaît la suite.

La classe politique regarde ailleurs

Ce débat sur la nouvelle donne géostratégique et la place de la France ne semble pas, pour l’instant, passionner notre classe politique. Accaparée par ses intérêts boutiquiers, elle évolue dans un déni sidéral et sidérant. Comme si cette redistribution planétaire des cartes ne la concernait pas. C’est oublier que le réel se rappelle toujours brutalement à ceux qui l’ignorent. Il est temps de se réveiller.

Serge Faubert

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