Le 22 février, par un simple décret, le gouvernement a annulé 10 milliards de dépenses prévues dans le budget 2024. Un budget adopté deux mois plus tôt par l’Assemblée nationale grâce à l’article 49-3, est-il besoin de le rappeler… Pourquoi ce coup de rabot ? Parce que le ministre de l’Économie et des finances s’est trompé dans ses prévisions. Cet éternel optimiste misait sur une croissance de 1,4 % en 2024. Pas de bol, elle sera bien inférieure. Autour de 1 %. Que voulez-vous, Bruno l’écrivain voit mieux les renflements
que les mouvements de l’économie. Et puis tout ça, c’est la faute des autres, bien sûr. C’est ce qu’il est venu expliquer aux députés de la Commission des finances, hier mercredi.
Des éléments concordants ont amené une dégradation brutale de la conjoncture budgétaire dans les premières semaines de 2024. Situation géopolitique plus tendue, ralentissement plus marqué de la croissance en Chine comme en Allemagne, j’y reviendrai, qui ont pesé sur la croissance française et ont provoqué des recettes fiscales moins fortes. Ces éléments ont amené tous les instituts de conjoncture internationaux à réviser leur croissance entre le 15 janvier et le 15 février 2024. Il me semble donc que nous avons été dans les temps et sincères en révisant la croissance aux mêmes dates, le 18 février très précisément, de 1,4 % à 1 %.
Bruno Le Maire le 6/03/2024
Explication qui n’a pas satisfait Éric Coquerel.
Monsieur le ministre, tout à l’heure vous avez dit : “Je ne veux pas laisser dire que le budget est insincère”. Moi j’ai dit qu’il pouvait être soit insincère, soit vous vous êtes trompé. Mais il y a en tout cas une chose qui est fausse, c’est que, non, toutes les institutions financières et économiques ne vous donnaient pas raison au moment où vous avez discuté le budget.
Je vous rappelle quand même que Pierre Moscovici, 27 septembre 2023, ici-même pour 2024 l’hypothèse du gouvernement s’écarte nettement de celle des autres instituts, elle est supérieure à celle de tous les prévisionnistes auditionnés par le Conseil très divers et surtout de la Banque de France qui est quand même une institution qui a, vous en conviendrez, pignon sur rue. Ces estimations sont entre 0,4 et 0,9. Donc au moment où on débattait, il n’est pas vrai de dire, il n’est pas vrai de dire que les institutions financières vous donnaient raison sur les budgets annoncés.
Éric Coquerel le 6/03/2024
Les apprentis sorciers
Quels sont les budgets impactés par ce coup de rabot de 10 milliards ? En premier lieu la transition écologique. Un peu plus de 2 milliards sont supprimés. Le Travail et l’emploi perdent 1,1 milliard. La recherche et l’enseignement supérieur 900 millions. L’enseignement scolaire, presque 700 millions. Autrement dit, on serre les cordons de la bourse là où justement il faudrait mettre de l’argent. Pour bien comprendre les enjeux, on va rappeler deux chiffres. En 2023, les entreprises du CAC 40 ont fait un bénéfice de 140 milliards d’euros. Et les aides diverses aux entreprises approchent les 200 milliards d’euros. C’est peut-être de ce côté-là qu’il faudrait gratter.
C’est peut-être de ce côté-là qu’il faudrait gratter. Car en comprimant la dépense publique, le gouvernement fait entrer la France dans une spirale infernale. Au moment où justement les recettes baissent, parce que la croissance n’est pas là, nous aggravons, nous saignons le malade tel le médecin de Molière, en aggravant les difficultés et en touchant à la dépense publique. Et justement, on peut craindre le pire. La suppression de ces 10 milliards n’est qu’un amuse-gueule de l’aveu même du ministre de l’économie et des finances.
La première étape, je l’ai rappelée, c’est la sortie progressive des dispositifs exceptionnels. Nous l’avons engagée depuis l’été dernier. La deuxième étape ce sont les 10 milliards d’euros d’économie début 2024. La troisième étape cela dépendra de la situation, nos recettes fiscales, cela pourrait être un PLFR. La quatrième étape ce sera le budget 2025
Bruno Le Maire le 6/03/2024
La boule de cristal de Bruno Le Maire
On révise l’ensemble des prévisions et on ajuste les dépenses. Si je vous dis que ce projet de loi devrait intervenir après les élections européennes, vous allez dire que j’ai mauvais esprit. Et pourtant… Pourquoi ce projet de loi rectificative ? Parce que la boule de cristal de Bruno Le Maire n’a pas été nettoyée depuis longtemps. Du coup, la communication avec l’avenir est laborieuse comme l’a remarqué le député Charles de Courson.
Alors qu’en septembre 2023, aucun organisme de prévision n’avait estimé crédible votre prévision de croissance du PIB pour 2024 à 1,4 %. Vous venez de réajuster à 1 % ce taux de croissance alors que les mêmes organismes de prévision ont actuellement abaissé leurs prévisions largement en dessous de vos 1 %.
Charles de Courson le 6/03/2024
Vous pouvez commencer à faire plusieurs trous dans votre ceinture. Car la saignée que nous prépare le bon docteur Le Maire ne s’arrête pas à 2024. L’objectif du gouvernement est de ramener le déficit à 3 % en 2027. Ce qui signifie qu’en 2025, on va encore ratiboiser la dépense publique.
Ce tournant économique et social a pour objectif de séduire les trois agences de notation Moody’s, Fitch et Standard & Poor’. Justement celles-ci doivent rendre publiques leurs évaluations en avril et en mai prochain. Il serait bien étonnant qu’elles ne récompensent pas une politique aussi antisociale. À moins, bien sûr, que la rue prenne la parole…
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