Vous vous souvenez sans doute des derniers mots d’Olivier Dussopt, le 17 février, au terme du débat sur les retraites à l’Assemblée :
Vous m’avez insulté quinze jours. Vous chantez, mais vous m’avez insulté. Personne n’a craqué ! Personne n’a craqué !
Olivier Dussopt, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Palais Bourbon, 17 février 2023.
« Le ministre a beaucoup d’humour »
Eh bien il a fini par craquer. Après Olivier Véran, c’est le deuxième ministre à s’effondrer. À la Une du Parisien du dimanche 5 mars, le ministre du travail affirme que la réforme des retraites est une « réforme de gauche ». Et dire que cela nous avait échappé. Ça change tout. D’ailleurs, Patrick Kanner, le patron des socialistes au Sénat, a immédiatement rectifié le tir le matin même.
Monsieur Retailleau, si j’étais facétieux, si vous avez lu Le Parisien ce matin, et son titre, je sais donc maintenant que vous ne voterez pas cette réforme puisqu’elle est de gauche. Ça nous avait un peu échappé. Ça nous avait un peu échappé qu’elle soit de gauche mais je pense que le ministre a beaucoup d’humour en la matière.
Patrick Kanner, sénateur du Nord, président du groupe Socialiste, écologiste et républicain, Palais Bourbon, 5 mars 2023.
Talents de gymnaste
Sacré Dussopt. Toujours le mot pour rire. Il y en a une qui n’a pas rigolé, c’est Aurore Bergé. Car, même sur Europe 1, les journalistes sont tombés de leur chaise en découvrant la Une du Parisien. Mais c’était sans compter sur les talents de gymnaste de la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée. Attention, cette cascade est exécutée par une professionnelle.
[…] par la gauche à l’Assemblée nationale, les mêmes qui siègent aujourd’hui ont voté la réforme Touraine. Ils l’oublient, mais ils ont voté la réforme Touraine. Sur la question de la durée de cotisation, on accélère juste un dispositif que la gauche a voté.
Aurore Bergé, députée des Yvelines et présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, CNEWS-Les Échos-Europe 1, 5 mars 2023.
On fera remarquer à Aurore Bergé que la réforme Touraine ne s’accompagnait pas du recul de l’âge de départ à la retraite. Et que s’il est vrai que ladite réforme Touraine a été adoptée pendant le quinquennat de François Hollande, cela ne suffit pas à en faire une réforme de gauche. Peut-on qualifier, par exemple, la loi travail El Khomri, adoptée en 2016, de progrès social ? Non, bien sûr.
Syndrome gauchisant
Après Dussopt et Bergé, un troisième pilier de la macronie semblait atteint, dimanche, par ce syndrome gauchisant : Clément Beaune. Jugez plutôt :
Estimez-vous donc, tout comme Olivier Dussopt ce matin dans Le Parisien, que c’est une réforme de gauche et qu’il n’y aura pas de perdants ?
Moi, comme Olivier Dussopt, je viens de la gauche, c’est mon histoire politique, je la revendique. Moi je crois que c’est une réforme de responsabilité, dans laquelle je suis à l’aise en tant qu’homme de gauche.
Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, « Dimanche en politique », France 3, 2 mars 2023.
Que dire encore de Gabriel Attal. Dès samedi, il présentait des symptômes inquiétants : une soudaine préoccupation pour les plus défavorisés.
Quand j’entends des responsables expliquer qu’ils veulent bloquer la France, en réalité ce sont les Français qu’ils vont bloquer. Quand j’entends certains qui disent qu’ils veulent mettre l’économie à genoux, ce sont les travailleurs qu’ils vont mettre à genoux. Et surtout, c’est toujours ceux qui sont les plus en difficulté. Ceux qui trinquent en général, ce sont ceux qui triment.
Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, BFMTV, 4 mars 2023.
Désarroi du gouvernement
Gabriel Attal fait partie d’un gouvernement qui veut faire travailler les Français deux ans de plus. Donc leur faire perdre deux ans de vie en bonne santé. Et voilà que le ministre explique que ces mêmes personnes « en difficulté » vont perdre une journée de travail à cause du mouvement de grève du 7 mars. Et c’est ça qui serait scandaleux. Deux ans contre une journée… Cherchez l’erreur.
Il y a peu de chances que cette mise en scène abuse ceux qui ont l’intention de défiler, mardi 7 mars. D’abord parce que ce n’est pas la première fois que les louveteaux macronistes tentent de se faire passer pour des brebis de gauche. Ensuite, parce que le gouvernement a perdu la bataille de l’opinion depuis plusieurs semaines déjà. À ce stade, les acrobaties médiatiques de ce week-end sont contre-productives. Elles ne font qu’accréditer le désarroi du gouvernement devant la mobilisation sociale. Et son incapacité à reprendre la main.
Soyez le premier à commenter