La journée du mardi 24 octobre a été riche en émotions pour nos députés. Sur le coup de 14 heures, un article du Parisien a enflammé la salle des Quatre-Colonnes. Selon nos confrères, la Première ministre aurait indiqué à Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, que le gouvernement était prêt à retirer l’article 3 de son projet de loi sur l’immigration.
L’article 3, c’est l’article qui prévoit la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les filières en tension. Un dispositif que la droite et l’extrême droite rejettent catégoriquement car elles considèrent qu’il va jouer le rôle de pompe aspirante. Les Républicains menacent de déposer une motion de censure lorsque le projet de loi viendra en séance au mois de décembre. Le flanc gauche de la Macronie, quant à lui, fait du maintien de cet article 3 la condition de son vote. Bref, ce n’est pas gagné pour Élisabeth Borne.
Recul de Matignon
Du coup, les têtes pensantes de son cabinet ont imaginé un petit stratagème pour s’éviter le courroux des républicains. Erwan Balanant, député du Finistère, en livre la clé :
Ce que veut dire, je pense, la Première ministre, c’est que si c’est un facteur bloquant que ça soit inscrit dans la loi et qu’on arrive à exactement les mêmes résultats par une circulaire et des règlements, c’est une piste qu’elle n’évacue pas. Moi je préfèrerais que ça soit dans la loi parce que ça donnerait une économie générale au texte plus équilibrée.
Erwan Balanant, député MoDem du Finistère, Assemblée nationale
Ce recul de Matignon est dénoncé par les Écologistes.
Menace voilée de l’aile gauche
Le gouvernement, une fois de plus, cède à LR mais au-delà de ça se laisse dicter sa conduite par les thèmes et les termes fixés par Marine Le Pen, ici à l’Assemblée nationale et ailleurs dans le pays. Il est temps maintenant que la défunte aile gauche de la Macronie dise si elle est encore un peu de gauche et si elle a encore quelques valeurs à défendre. Il est temps, moi je lance un appel à mes collègues de la majorité qui ont encore un certain nombre de valeurs humanistes, encore les pieds sur terre sur la question migratoire, pour qu’ils dénoncent cette course de vitesse lancée par monsieur Darmanin avec madame Le Pen et avec Éric Ciotti.
Benjamin Lucas, député écologiste des Yvelines, Assemblée nationale
Eh bien justement, l’aile gauche a donné de la voix. Par l’intermédiaire de Sacha Houlié, député Renaissance et président de la commission des lois. Écoutez bien la menace voilée qu’il adresse à Matignon.
Ce matin, nous avons eu une réunion de groupe sur la question de la loi immigration. Et dans cette réunion de groupe, le ministre de l’Intérieur a confirmé une chose assez claire c’est que le texte était orienté sur trois positions, trois piliers, en tout cas trois volontés : celle de simplifier les procédures, celle de mieux intégrer et donc de régulariser les travailleurs dans les métiers en tension lorsqu’ils sont irréguliers et enfin de mieux expulser. Au cas où il aurait échappé au gouvernement, ce sont les parlementaires qui votent la loi. Nous aurons l’opportunité de nous prononcer en commission, et nous proposerons, si le texte ne le mentionne pas, ce qui n’est pas le cas puisque au Sénat il figure, les dispositions sur la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension.
Sacha Houlié, député Renaissance de la Vienne et président de la commission des lois, Assemblée nationale
Fronde parlementaire
Voilà Borne prévenue. Si elle supprime l’article 3, les députés du bloc présidentiel le rétabliront. Mine de rien, ça ressemble à une fronde parlementaire. La question est de savoir si les députés Renaissance favorables à l’article 3 ont les moyens de mettre leur menace à exécution. Nombre de députés macronistes souhaitent éviter que la Première ministre dégaine un 49-3 – un de plus – pour imposer son projet de loi à ses propres troupes.
Je considère qu’il faut trouver les voies et moyens de faire aboutir ce texte sans recourir au 49-3. Je suis pour le vote du projet de loi immigration. Si pour moi il faut passer par un projet de l’article 3 modifié, avec des apports faits par le Sénat, moi j’y suis tout à fait ouverte.
Marie Guévenoux, députée Renaissance de l’Essonne et questeure de l’Assemblée nationale, Palais Bourbon
Préparez le pop-corn
Mardi 24 octobre, à l’initiative de Sacha Houlié, une soixantaine de députés du bloc présidentiel se sont réunis pour contrer un éventuel abandon de l’article 3. Dans le même temps, Matignon multipliait les messages d’apaisement en direction des récalcitrants. Pour un peu, on se serait crus dans les couloirs de la Nupes.
Le 6 novembre, le Sénat commencera à examiner le texte en séance publique. Psychodrame assuré, puisque les Républicains n’ont plus la majorité absolue au Palais du Luxembourg. Pour imposer leur veto, il leur faut l’appoint des voix du groupe Union centriste d’Hervé Marseille. Et justement, les sénateurs centristes sont plutôt favorables à ce fichu article 3. Préparez le pop corn et installez-vous dans le canapé.
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