Procès Sarkozy : la droite ferait mieux de se taire

« Une sorte de coup d’État judiciaire ». La formule est d’Henri Guaino dans le Figaro de vendredi. Voilà donc les magistrats accusés d’obéir à d’autres préceptes que ceux du Code pénal. Ils voulaient voir Nicolas Sarkozy derrière les barreaux. Que 85 % des décisions où le prévenu encourt cinq ans ou plus de détention soient assorties d’une exécution provisoire ne semble pas ébranler l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy. Comme si la qualité d’ancien président de la République excluait que puisse s’appliquer les lois ordinaires. Des lois que la droite estime toujours trop laxistes.

Un dossier vide ?

Une étrange musique s’installe. De beaux esprits soutiennent que le dossier est vide. La preuve : le jugement a abandonné trois des quatre chefs d’inculpation – corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne – pour ne retenir que celui d’association de malfaiteurs. Une peccadille, en somme.

Projet de corruption

C’est confondre un pacte de corruption et un projet de corruption. Le tribunal reconnaît qu’il n’existe pas de traces d’argent libyen dans le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. En revanche, le jugement considère qu’il y a bien eu l’intention de financer ladite campagne par des fonds versés par la Libye de Kadhafi.

Et c’est cela qui est sanctionné à travers le délit d’association de malfaiteurs. L’article 450-1 du Code pénal le définit ainsi : « tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ».

Les faits matériels

Quels sont les faits matériels ? Les visites secrètes, en octobre et décembre 2005, de Claude Guéant, le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, puis celle de Brice Hortefeux, intime du président, auprès d’un responsable libyen. Et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit d’Abdallah Senoussi, le beau-frère du colonel Kadhafi. Cet homme est le responsable de l’attentat contre le DC- 10 de la compagnie UTA en 1989. Il a été condamné 10 ans plus tard à la réclusion à perpétuité à Paris. Par contumace, bien sûr.

Négociations avec un terroriste

Qu’on mesure bien ce dont il s’agit. Deux proches de Nicolas Sarkozy sont allés négocier avec un terroriste qui a 170 morts sur la conscience, dont 54 Français (et même 142 si l’on inclut les binationaux).

Qu’allaient-ils donc négocier ? Un pacte de corruption, répond le jugement.

« L’association de malfaiteurs qu’il a constituée avec Claude Guéant, Brice Hortefeux et Ziad Takieddine avait pour objectif de préparer une corruption au plus haut niveau possible lorsqu’il serait élu président de la République, chargé de veiller au respect de la Constitution et garant de l’indépendance nationale. Il s’agit donc de faits d’une gravité exceptionnelle, de nature à altérer la confiance des citoyens dans ceux qui les représentent et sont censés agir dans le sens de l’intérêt général, mais aussi dans les institutions mêmes de la République. »

La gauche avait supprimé l’association de malfaiteurs

Pour la petite histoire, on rappellera qu’en 1983, la gauche avait supprimé le délit d’association de malfaiteurs. Robert Badinter, alors ministre de la justice, jugeait cette disposition liberticide.

C’est la droite qui l’a réintroduite dans le Code pénal en 1986. Le Premier ministre s’appelait alors Jacques Chirac et le garde des Sceaux Albin Chalandon.

Il y a fort à parier que Nicolas Sarkozy ne restera pas longtemps incarcéré. Ayant dépassé l’âge de 70 ans, il pourra formuler une demande de libération conditionnelle. Et comme l’ancien chef de l’État présente toutes les garanties de représentation, la justice devrait vraisemblablement le remettre en liberté. Il lui reste encore quelques audiences à honorer.

Serge Faubert

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