
Bruno Retailleau l’a donc emporté sur son rival Laurent Wauquiez, en recueillant les trois quarts des suffrages qui se sont exprimés pour choisir le président des Républicains. En soi, l’événement n’a rien de décoiffant. En 2022, Valérie Pécresse, candidate du parti, n’a pas dépassé la barre des 5 % au premier tour. Et à l’Assemblée, le groupe parlementaire n’est que le 5e par ordre d’importance. Juste 48 députés. Une force d’appoint d’un gouvernement qui s’enfonce chaque jour davantage dans le marasme.
La bataille qui vient de se dérouler n’avait rien d’idéologique. Le vainqueur et le battu sont, tous deux, d’authentiques réactionnaires. Ils veulent revenir sur les conquêtes sociales et sociétales. C’est la droite moisie, celle du Trocadéro et de Fillon. Celle de Philippe de Villiers. Ce qui sépare Wauquiez de Retailleau, c’est la stratégie.
Ces derniers mois, une fenêtre s’est ouverte pour cette droite moribonde. Le macronisme est entré dans son crépuscule tandis que le Rassemblement national n’a plus d’incarnation, suspendu qu’il est à la décision de la justice en 2026. Les deux mâchoires de la tenaille qui s’est refermée sur la droite en 2012 viennent tout à coup de se desserrer.
Le retour au sommet de l’État devient possible. Mais il faut nouer des alliances. La droite actuelle, ce n’est plus grand-chose. Certes, elle est encore majoritaire au Sénat. Mais LR ne compte aucun maire parmi les dix plus grandes agglomérations françaises. Et les municipales approchent. Alors, pour Bruno Retailleau, la droite n’a qu’un seul ennemi.
Nos seuls adversaires c’est la gauche mélenchonisée. Cette gauche mélenchonisée, qui veut finalement communautariser la République, qui veut toujours plus diviser, qui veut toujours plus archipelliser la France. Et c’est à eux que nous devons réserver nos coups. C’est eux qu’il nous faudra désormais combattre.
Bruno Retailleau, président des Républicains et ministre de l’Intérieur, le 18/05/2025
Édouard Philippe et le réveil de la force
Si la gauche est le seul adversaire, tout devient possible avec Édouard Philippe. Car c’est de ça qu’il s’agit. Si l’on en croit les sondages, le maire du Havre est le seul candidat de droite qui puisse accéder au second tour de la présidentielle. Encore faudrait-il que la gauche se présente en ordre dispersé. Coïncidence ou clin d’œil, Edouard Philippe tenait meeting samedi à Marseille. Un discours bien plus musclé que d’ordinaire.
A tous ceux qui se demandent si nous sommes assez de droite, assez populaire, assez “en même temps”, je retourne la question : Etes-vous prêts à travailler avec nous pour construire un grand projet d’ordre, dans la rue, dans les comptes, de justice par le travail et le mérite, de prospérité par l’innovation et la jeunesse, de citoyenneté exigeante et de puissance nationale ?
Etes-vous prêts à mettre vos idées et vos valeurs au service d’une nouvelle ambition française ? Etes-vous prêts à construire avec nous la grande force politique, le bloc républicain et démocrate comme je l’ai appelé à Bordeaux qui respectera les identités de chacun mais qui sera capable de travailler et de se rassembler sur l’essentiel ?
Etes-vous prêts à travailler avec nous pour préparer les municipales ? Pour que unis nous puissions gagner dans les villes à conquérir plutôt que de perdre désunis dans les villes dont les maires sont pourtant proches de nous.
Edouard Philippe, président de Horizons et maire du Havre, le 17/05/2025
Une invitation qui s’adresse au premier chef à Bruno Retailleau. Entre celui qui fut le Premier ministre d’Emmanuel Macron pendant trois années et l’actuel poids lourd du gouvernement, on se comprend. N’ont-ils pas tous les deux préféré l’exercice du pouvoir à la posture de l’intransigeance des convictions ? A gauche, on parlerait de trahison. A droite, on appelle ça être dans l’action. Ce qui est quand même plus élégant, vous en conviendrez. Mais voilà, pour Laurent Wauquiez, ce chemin conduit inexorablement à la disparition de la droite. Il l’a répété même après sa défaite.
Ma conviction reste la même : il faut rassembler toute la droite et il faut porter un projet de rupture. Et nous ne pourrons le faire si nous sommes dilués dans le macronisme. Les Français attendent de nous que nous portions un projet de changement permettant de tourner la page du “en même temps”.
Laurent Wauquiez, députée LR et président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée nationale, le 18/05/2025
Le patron des députés LR a peut-être raison. Mais son propre parti vient de lui donner tort. Reste l’écueil du Rassemblement national. Ni Bruno Retailleau ni Edouard Philippe ne le comptent au rang des adversaires. Mais la droite dépouillée par le RN peut-elle prendre sa revanche ? Mordre à son tour sur l’électorat lepéniste ? Le nouveau président des LR le croit. Il veut voir dans le triplement des adhérents de son parti pendant la campagne interne un signe précurseur.
La certitude que j’ai eu quand j’ai vu revenir ces militants, c’est que demain on peut faire la même chose avec des électeurs. Des électeurs qu’on a déçus, qu’on peut faire revenir chez nous mais à la condition d’une ligne qui soit une ligne assumée de droite. Moi je ne veux pas d’une droite à moitié de droite. Je ne veux pas d’une droite à mi-temps.
Bruno Retailleau, président des Républicains et ministre de l’Intérieur, le 19/05/2025
Guerre des chefs
Si Jordan Bardella devient le candidat du Rassemblement national, le tandem Retailleau Philippe aura une autoroute devant lui. Car le président du RN n’a aucune expérience du pouvoir. En revanche, Bruno Retailleau et Édouard Philippe l’exercent ou l’ont exercé. En politique, l’électeur préfère toujours l’original à la copie. Cela s’est souvent vérifié avec le FN puis le RN.
Mais quand la copie dit exactement la même chose que l’original et qu’en plus elle sait gouverner, alors elle peut attirer du monde. Cette union décomplexée des droites devra faire ses preuves lors des prochaines élections municipales. Dans l’intervalle, Bruno Retailleau pourrait succomber à la tentation d’être lui aussi candidat à l’Élysée.
Ministre le plus populaire du gouvernement, assuré d’une totale liberté de parole, pourquoi ne se prendrait-il pas à rêver d’un destin national ? La droite retomberait alors dans une de ces guerres des chefs dont elle a le secret. Avec, à la clé, sa disparition.
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