Michel Barnier veut débaucher des personnalités de gauche pour former son gouvernement

Manifestation contre le « coup de force de Macron » à Paris le 7/09/2024 ©CLPresse

Comment ne plus être à la merci du Rassemblement national ? Comment éviter d’être renversé dans quelques semaines par une motion de censure du Nouveau Front Populaire que voteraient les députés de Marine Le Pen ? L’inverse étant pour l’instant exclu par la gauche. Michel Barnier a trouvé la solution. Il suffit de débaucher quelques figures de gauche. Il l’a dit vendredi soir sur TF1.

Un virage à droite, un virage à gauche, l’art de la godille n’a pas de secrets pour ce skieur. Oui, des gens de gauche. Il y a de bonnes idées partout, il faut aller les chercher partout. Voilà qui ressemble furieusement à un gouvernement d’union nationale. Pas vraiment de quoi rêver. Car il se murmure que plusieurs ministres sortants resteraient au gouvernement. Pas forcément avec les mêmes attributions. Quatre noms reviennent : Sébastien Lecornu, Rachida Dati, Gérald Darmanin et Catherine Vautrin.

Décidément, Barnier, c’est comment faire du neuf avec du vieux. A ces rescapés pourraient s’ajouter le maire de Cannes, David Lisnard et Xavier Bertrand. Concernant ce dernier nom, c’est surtout un souhait de l’Élysée. Quelques strapontins restent donc disponibles pour des transfuges de gauche. Mais au NFP, personne ne croit à un ralliement.

Je pense qu’aucune personnalité du PS ne rentrera dans son gouvernement. Je n’ai aucun doute là-dessus.

Olivier Faure, député PS et Premier secrétaire du PS, le 7/09/2024

Personne n’est dupe, d’abord. Et ensuite on sait très bien ce que Michel Barnier est venu faire. Il est venu faire une politique macroniste en pire, et une politique d’extrême droite puisqu’il est l’obligé de Marine Le Pen. Personne de gauche n’ira dans ce gouvernement. Et s’il y a une personne qui va dans ce gouvernement, évidemment elle ne sera pas de gauche.

Aurélie Trouvé, députée LFI, le 7/09/2024

Michel Barnier est « sous surveillance » du Rassemblement national

Ce refus ne fait pas l’affaire de Michel Barnier. Car dans le même temps, le RN durcit le ton.

Monsieur Barnier est un Premier ministre sous surveillance, sous surveillance démocratique, d’un parti politique qui est désormais incontournable dans le jeu parlementaire et dans le jeu démocratique, le Rassemblement national. Le fait de lui accorder un bénéfice du doute et de ne pas censurer à priori pour ne pas faire le jeu du désordre et du chaos institutionnel contrairement à la gauche ne veut pas dire que nous nous interdisons toute forme de censure au cours des prochains mois.

Jordan Bardella, député européen RN et président du RN, le 7/09/2024

Un avertissement auquel le Premier ministre a répondu par une pirouette.

Le gouvernement est sous la surveillance démocratique de tous les Français et de tous les groupes politiques.

Michel Barnier, Premier ministre, le 7/09/2024

Mais ce dimanche, Marine Le Pen en a remis une couche.

Nous n’accorderons pas de blanc-seing. Que les choses soient là encore très claires. Si au fil des semaines, les Français devaient à nouveau être pliés ou maltraités, nous n’hésiterons pas à censurer le gouvernement.

Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 8/09/2024

Pourquoi ce raidissement ? D’abord, parce que les électeurs du Rassemblement national ont du mal à suivre. Ils espéraient renverser la table avec leur bulletin et voilà qu’ils se retrouvent avec un ancien commissaire européen à Matignon. Et ce n’est pas le moindre, puisque c’est celui qui a négocié le Brexit. Le tête-à-queue est d’autant plus violent que Marine Le Pen est accusée dans le Journal du dimanche d’avoir orchestré la nomination de Michel Barnier avec Emmanuel Macron. L’intermédiaire de ces tractations est désigné : Thierry Solère, ancien député et surtout homme de réseaux. Accessoirement, c’est l’homme politique le plus mis en examen de France, puisqu’il est poursuivi dans 13 affaires.

Marine Le Pen a démenti les affirmations de l’hebdomadaire du groupe Bolloré.

Je vous enjoins de ne pas croire ce qui est écrit dans les journaux. J’ai eu un contact téléphonique avec Emmanuel Macron qui ne portait pas, d’ailleurs, sur le sujet de monsieur Barnier. Et puis c’est tout. Donc je n’ai pas choisi le Premier ministre, je ne suis pas DRH d’Emmanuel Macron.

Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 8/09/2024

Le Journal du dimanche affirme qu’il y aurait eu un autre coup de fil, jeudi dernier, quelques heures avant l’annonce de la nomination de Michel Barnier. Emmanuel Macron se serait inquiété des propos tenus par Jean-Philippe Tanguy, le matin même sur France inter.

Je peux vous dire que monsieur Barnier pense tout et le contraire de tout et surtout rien du tout. Pour Barnier, censure. J’en ai le ras-de-bol des apparents, parce que là on est dans le théâtre des ombres en permanence. Monsieur Barnier est réputé dans tout Paris comme un des plus stupides hommes politiques, ne comprenant rien à ce qu’on lui donne en dehors d’une fiche, qu’elle soit écrite par la commission de Bruxelles ou par un conseiller d’État quand il était au gouvernement.

Jean-Philippe Tanguy, député RN, le 5/09/2024

Jean-Philippe Tanguy sème la confusion et se ravise

Le chef de l’État aurait interprété cette charge comme une remise en cause du feu vert donné par Marine Le Pen à une candidature Barnier. Il aurait appelé cette dernière pour avoir des explications.. À l’Élysée, on dément l’existence d’un tel échange téléphonique. Quoi qu’il en soit, dimanche, Jean-Philippe Tanguy avait nettement changé de registre.

Je regrettais ces mots, c’est dans l’absolu, je n’aurais pas dû m’exprimer ainsi envers un autre homme politique, ou une femme politique, envers d’ailleurs n’importe qui. Ce ne sont pas des mots dignes d’un représentant des Français. Je m’en suis excusé tout de suite.

Jean-Philippe Tanguy, député RN, le 8/09/2024

Un autre élément explique que le Rassemblement national roule du muscle. Le 30 septembre s’ouvrira le procès dit des assistants parlementaires fictifs. Marine Le Pen et le RN sont suspectés d’avoir utilisé au profit du parti des fonds versés par Bruxelles pour rémunérer les assistants parlementaires des députés européens. Le préjudice est estimé à 7 millions d’euros. La période concernée va de 2004 à 2016.

Pour des faits similaires, une dizaine de responsables du MoDem ont été condamnés en février de cette année. François Bayrou a été relaxé, faute de preuve le reliant directement à ce système de détournement des fonds européens. Mais Marine Le Pen n’est pas dans ce cas. Plusieurs pièces du dossier l’incriminent directement. Surtout, elle encourt une peine d’inéligibilité. Bien sûr, la justice est indépendante. Mais la future candidate à l’élection présidentielle va se retrouver affaiblie le temps du procès. En montant d’un cran, elle signifie à Emmanuel Macron qu’il aurait tort d’essayer d’en profiter. Enfin, il y a une dernière raison à cette mise en garde.

Une courte majorité de Français est favorable à la démission du président de la République comme le montre un sondage IPSOS réalisé pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès, le Centre de recherches politiques de Sciences Po et l’Institut Montaigne. Ce sont les électeurs insoumis et Rassemblement national qui manifestent le plus fort rejet. Le RN ne peut donc prendre le risque d’apparaître comme le dernier rempart d’un pouvoir contesté. Et ce d’autant que la France insoumise entend surfer sur le rejet de la personne d’Emmanuel Macron. Il y a quelques jours, le groupe LFI, épaulé par quelques députés écologistes et communistes a déposé une proposition de résolution de destitution du président de la République au titre de l’article 68 de la Constitution.

Cette procédure n’a aucune chance d’aboutir tant elle est contraignante. Il faut que les deux tiers des députés et des sénateurs adoptent la motion puis que la Haute Cour se prononce. Mais cela n’effraie pas Jean-Luc Mélenchon comme il a tenu à le rappeler samedi, lors de la manifestation parisienne contre le “coup de force” du chef de l’État.

Je mets en garde les petits malins, les beaux esprits qui sur les plateaux cancanent et blatèrent. Si vous nous dites que ça ne sert à rien qu’il y a un article 68 de la Constitution, dites-nous quel autre article nous pouvons utiliser pour dire au monarque de s’en aller. Ou alors dites-nous que vous nous appelez à faire des barricades. Dites-nous que vous nous appelez à désobéir matin, midi et soir, à toute loi et tout règlement.

C’est parce que nous mettons l’article 68 de la Constitution que nous sommes légitimes à lui dire “va-t’en !”. Et nous attendons de voir qui va lui dire de rester.

Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie, le 7/09/2024

Ce n’est pas une surprise, Jean-Luc Mélenchon fait le pari d’une élection présidentielle anticipée. Un scrutin qui le verrait affronter Marine Le Pen au second tour. Mais peut-on vraiment construire toute une stratégie politique sur cette hypothèse ? Surtout quand on connaît l’obstination dont est capable le chef de l’État.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.