Michel Barnier nommé Premier ministre : Marine Le Pen a choisi

Michel Barnier nommé Premier ministre par Emmanuel Macron, le 05/09/2024 ©Matignon

Marine Le Pen a donc fait son choix pour Matignon. Ce sera Michel Barnier, ancien député, ancien ministre, encarté chez Les Républicains.

Qui peut douter un instant que sans le feu vert de la patronne des députés RN, cette figure de la droite française eut été nommée par Emmanuel Macron ? Pour avoir été un adversaire déclaré du RN, Xavier Bertrand, un temps pressenti, a été retoqué. Et pourtant, Michel Barnier représente tout ce que peut exécrer l’ancienne candidate à l’élection présidentielle.

Un eurocrate à Matignon

Ce Savoyard est l’archétype de l’eurocrate. Ministre délégué aux affaires européennes, commissaire européen, négociateur de l’Union européenne au moment du Brexit, l’homme a tout d’un épouvantail pour le mouvement lepéniste. D’ailleurs, c’est Jean-Philippe Tanguy qui en parlait le mieux, ce matin, au micro de France inter.

Je peux vous dire que monsieur Barnier pense tout et le contraire de tout, et surtout rien du tout. J’en ai ras-le-bol des apparents, parce que là on est dans le théâtre des ombres en permanence. Monsieur Barnier est réputé dans tout Paris comme un des plus stupides homme politique que la 5e République ait donné, ne comprenant rien à ce qu’on lui donne en dehors d’une fiche qu’elle soit écrite par la commission de Bruxelles ou par un conseiller d’État quand il était au gouvernement.

Jean-Philippe Tanguy, député RN, le 5/09/2024

Barnier est donc stupide. Et c’est peut-être là sa principale qualité pour Marine Le Pen. Celle-ci ne veut pas laisser entrer à Matignon davantage qu’un ministre de transition. À 73 ans, il serait étonnant que Michel Barnier se découvre une ambition présidentielle. Matignon, c’est son bâton de maréchal. Comme le souligne Jean-Philippe Tanguy, connaisseur en la matière, ses convictions sont d’une étonnante plasticité.

Lors de la primaire pour la présidence de LR en 2021, il s’était montré aussi conservateur que soporifique, ce qui n’est pas peu dire. Sur l’immigration, il marchait sur les brisées du RN, réclamant un moratoire de 3 à 5 ans. Concernant les retraites, il proposait de fixer l’âge de départ à 65 ans. Sur ce dernier point, il va devoir mettre de l’eau dans son vin.

Quid d’une motion de censure

Le 31 octobre, à l’occasion de leur niche parlementaire, Marine Le Pen et ses députés vont présenter une proposition de loi abrogeant la réforme des retraites. S’il ne veut pas finir en raclette, Barnier sait ce qu’il lui reste à faire. Dans l’intervalle, il y aura eu la rentrée parlementaire. Et avec elle une déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre éventuellement suivie d’un vote. Sinon, une motion de censure du Nouveau Front Populaire viendra vérifier les rapports de force. Et justement, le feu vert du RN à propos de Michel Barnier a un prix.

Nous, on ne censure pas immédiatement, c’est-à-dire à priori, un Premier ministre qui dirait qu’il va sur la proportionnelle, qu’il ouvre le dossier de la proportionnelle, qu’il s’attaque aux chantiers immigration, sécurité, pouvoir d’achat des Français et qui respecte le Rassemblement national comme première force politique.

Sébastien Chenu, député RN, le 04/09/2024

Pourquoi le Rassemblement national est-il autant attaché à la proportionnelle ? Parce que ce mode de scrutin à un seul tour élimine l’écueil d’un éventuel Front républicain. Comme la plupart des groupes parlementaires, le RN parie sur des législatives anticipées. La configuration actuelle de l’Assemblée nationale n’est pas viable sur le long terme. 2025 pourrait voir les électeurs être convoqués de nouveau.

Michel Barnier est contraint de s’engager sur la proportionnelle et surtout de tenir sa promesse. Car le RN le soutient comme la corde soutient le pendu. Un écart et c’est la censure. Du côté de la Droite républicaine, l’heure est à la satisfaction. Ce n’est pas tous les jours qu’on réussit à décrocher Matignon après avoir perdu une grosse dizaine de députés.

Pour Laurent Wauquiez, Michel Barnier “est un homme d’une grande qualité qui a tous les atouts pour réussir dans cette difficile mission qui lui est confiée”. S’en étonnera-t-on, les insoumis s’offusquent.

Le président de la République vient de nommer le Premier ministre. C’est monsieur Michel Barnier. Le sujet, c’est que le président bien de décider de nier officiellement le résultat des élections législatives qu’il avait lui-même convoquées.

Ce n’est pas le Nouveau Front Populaire, qui est arrivé en tête de l’élection, qui aura le Premier ministre et la responsabilité de se présenter devant les députés. Ce sera un membre, parmi d’autres, d’un parti qui a été le dernier à l’élection législative, qui a fait le plus petit score, et qui a fait l’un des plus petits nombres de députés pour finir présent à l’Assemblée nationale.

Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie, le 5/09/2024

Le patron du PS, Olivier Faure, n’est pas moins cinglant : “Le déni démocratique porté à son apogée : un Premier ministre issu du parti qui est arrivé en 4e position et qui n’a même pas participé au front républicain. Nous entrons dans une crise de régime.”

Même tonalité chez Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste : “Libéral, européiste, antisocial, Barnier est aux antipodes du message envoyé par les Français aux législatives. Un bras d’honneur aux Français qui aspirent au changement.”

Emmanuel Macron entame son crépuscule

Le président de la République a perdu l’initiative. En se substituant aux députés pour dire si tel ou tel candidat à Matignon aurait la confiance de l’Assemblée, il s’est placé dans la main du Rassemblement national. Au lieu de rester l’arbitre de la situation, comme le prévoit la Constitution, Emmanuel Macron a forgé une coalition qui va des macronistes au Rassemblement national en passant par la Droite républicaine. Ces trois blocs additionnés représentent 355 députés. Soit la majorité absolue.

Pour que l’attelage se maintienne, le bloc central et la droite devront faire toujours plus de concessions. La surenchère à laquelle a donné lieu le vote de la loi immigration en décembre 2023 montre où cela même. À l’alignement pur et simple sur les positions du Rassemblement national. L’Union des droites est désormais une réalité. La crise actuelle n’est pas qu’institutionnelle. Elle est politique, sociale et économique.

Même si samedi, des manifestations de protestation sont organisées un peu partout dans le pays, la grande masse des Français ne descendra pas dans la rue. En revanche, n’importe quel mouvement social peut désormais se transformer en mouvement insurrectionnel. Car la confiance dans les cadres institutionnels du pays est en train de s’évaporer. “À quoi bon aller voter ?” se disent ce soir des millions et des millions de Français. Et pas seulement ceux qui ont voté pour le Nouveau Front Populaire. Les électeurs du Rassemblement national n’ont pas fini de se demander pourquoi leurs dirigeants soutiennent l’incarnation flamboyante d’une bureaucratie européenne qu’ils prétendent combattre par ailleurs.

Emmanuel Macron entame son crépuscule. Cela nous laisserait de marbre s’il n’affaiblissait dans le même mouvement la République et la démocratie. Un gouffre amer est en train de s’ouvrir.

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