Les 100 jours de Gabriel Attal

Le Premier ministre Gabriel Attal à Viry-Châtillon le 18/04/2024 ©Matignon
Le Premier ministre Gabriel Attal à Viry-Châtillon le 18/04/2024 ©Matignon

C’est la tradition politico-médiatique. Dresser un premier bilan de l’action du locataire de Matignon 100 jours après sa nomination. Au point d’ailleurs que Gabriel Attal s’est offert un petit clip à sa gloire. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.

D’ordinaire, la rétrospective se borne à enregistrer un début d’érosion dans les sondages du chef du gouvernement. Mais avec Gabriel Attal, on en est déjà à se poser la question de la survie. Car, dans moins de deux mois, le Premier ministre devra endosser la responsabilité de la méga branlée électorale qui se profile pour le camp présidentiel.

Avec Napoléon, la Bérézina précédait les 100 jours. Avec Attal, elle les suit. Les sondages pointent le recul de la candidate de Renaissance. Comme dans celui-ci, livré par Harris interactive pour Challenges, M6 et RTL. Valérie Hayer pourrait bientôt être dépassée par le candidat du Parti socialiste, Raphaël Glucksmann. Et reléguée, par voie de conséquence, en troisième position, loin derrière Jordan Bardella. Marine Le Pen en est déjà à réclamer la dissolution de l’Assemblée nationale auprès d’Emmanuel Macron.

A partir du moment où il subit un échec électoral, si tant est que cet échec électoral intervienne, oui, bien sûr, il doit en tirer les conséquences et il doit dissoudre l’Assemblée nationale pour que la représentation nationale soit à l’image, en réalité, de la volonté du peuple français.

Marine Le Pen le 17/04/2024

Piètre bilan

Gabriel Attal s’agite depuis son installation à Matignon. Trop sans doute. Ses tirades sur l’autorité rappellent celles d’un ancien président de la République qui se voulait le Mozart du nettoyeur haute pression. Comme le disait le grand philosophe Jean-Philippe Smet : “on a tous quelque chose de Sarkozy, ce rêve en nous” avec ses mots à lui. Cette martiale déclaration a bien vite été rattrapée par la chronique criminelle. Depuis la rixe de Crépol l’année dernière, les meurtres d’adolescents se succèdent, qu’il s’agisse de règlements de compte ou d’agressions opportunistes. Ce macabre enchaînement a ancré l’opinion dans le sentiment que la violence des mineurs devient incontrôlable.

Ce jeudi soir, sur BFM, Gabriel Attal doit détailler son plan pour restaurer l’autorité de la République. Mais ce matin, il en a donné un avant-goût depuis Viry-Châtillon, commune de l’Essonne, récemment marquée par la mort de Shemseddine, 15 ans, passé à tabac aux abords de son collège.

Aujourd’hui, c’est la République qui contre-attaque. C’est cela que nous sommes venus lancer aujourd’hui depuis Viry-Châtillon. La mobilisation générale de la nation pour renouer avec ses adolescents, juguler la violence, réaffirmer notre projet d‘une jeunesse libre et émancipée, reconquérir le droit à la France tranquille, confiante dans l’avenir et sereine dans sa vie.

La République contre-attaque mais elle ne pourra pas le faire seul. Nous ne pourrons pas le faire seul. Nous aurons besoin de toutes les bonnes volontés, de la société civile, des familles, des maires, des élus, des parlementaires, de la majorité comme de l’opposition. Aujourd’hui certains jeunes ont le sentiment que leur âge leur autorise tout. Ils croient que parce qu’ils ont 13 ans, 14 ans, 15 ans, rien ne leur arrivera jamais. Et c’est vrai que certains leur ont toujours cherché des excuses pour justifier leurs actes. Certains sont même devenus des professionnels de l’excuse.

Je le dis : chercher des excuses, ça n’a jamais rendu une vie, ça n’a jamais réparé le traumatisme d’un jeune agressé, ça n’a jamais amélioré le quotidien d’un quartier, ça n’a jamais remis personne dans le droit chemin. Alors devant vous je le dis : la culture de l’excuse, c’est fini.

Gabriel Attal le 18/04/2024

Ah l’invocation de la culture de l’excuse. Du Sarkozy dans le texte, je vous le disais. Mais il y a belle lurette que cette culture s’est évaporée devant le réel. Pendant les émeutes de juillet dernier, il ne s’est trouvé quasiment personne pour justifier les désordres. Seule la France insoumise a voulu y lire les prémices d’un soulèvement populaire, s’attirant la critique de ses partenaires de la NUPES. Et s’il s’est refusé à appeler au calme, Jean-Luc Mélenchon a toutefois demandé que les bâtiments publics soient préservés.

En revanche, on aimerait bien comprendre pourquoi il a fallu deux mois et demi au Premier ministre, après sa déclaration de politique générale, pour engager cette contre-attaque. Une contre-attaque qui ne va pas débuter tout de suite.

Je donne huit semaines, pas une de plus, à ce travail collectif pour aboutir et je fixe d’ores et déjà un point d’étape central dans quatre semaines sur l’avancée des travaux et les premières mesures que nous pourrons annoncer.

Gabriel Attal le 18/04/2024

La culture de l’excuse

Huit semaines, pas une de plus. Oh surprise, ce délai nous conduit juste au lendemain des Européennes. Comme ça, si la montagne accouche d’une souris, il sera trop tard pour manifester une quelconque colère dans les urnes. Ces atermoiements sur la sécurité ne constituent pas le seul grief à retenir contre Gabriel Attal.

La séquence sur la dégradation des finances publiques et les mensonges ministériels qui l’ont accompagnée – en particulier celui de Bruno Le Maire – ont singulièrement entamé le capital de confiance du Premier ministre. D’autant que les Français ne sont pas dupes. Dès le lendemain des élections européennes, ils auront droit à des mesures d’austérité. Chômeurs, assurés sociaux, retraités, tout le monde va trinquer. Et puis il y a la menace de la motion de censure agitée par les Républicains. Pour l’heure, il ne s’agit que de postures de matamores.

Mais si les amis d’Éric Ciotti retrouvent leur courage, le Premier ministre devra faire ses valises. Damoclès plane sur Matignon. Pressentant la catastrophe électorale du 9 juin, Gabriel Attal se garde bien de s’impliquer outre mesure dans la campagne de Valérie Hayer. Au point qu’Emmanuel Macron a dû donner de sa personne. Hier soir, mercredi, à Bruxelles, il a volé au secours de sa tête de liste.

On s’organise, on a la bonne candidate et je suis confiant. Et surtout, pour moi, les bonnes idées, celles qui se sont mises en place en Europe ces dernières années. Il faut convaincre les peuples européens des projets parce que je pense aussi qu’il y a beaucoup de peurs, d’inquiétudes dans le moment que nous vivons et que ces colères profitent toujours aux réponses les plus simplistes.

Emmanuel Macron

Cette déclaration a été filmée et mise en ligne. Mais vous ne la verrez pas. Car l’Élysée s’est rendu compte après coup qu’il s’agissait d’une immixtion dans la campagne électorale et l’a retirée.

De son côté, Manuel Bompard a décidé de saisir la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Quels que soient les efforts de Gabriel Attal pour prendre ses distances avec Valérie Hayer, il faudra bien, à un moment qu’il se jette à l’eau. Si Emmanuel Macron l’a choisi, c’est d’abord pour contrer Jordan Bardella. Le Premier ministre ne pourra éternellement différer ce rendez-vous.

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