Législatives : le barrage prend l’eau mais ne s’effondre pas

Marine Tondelier sur RMC, le 26/06/2024 ©RMC

À l’évidence, les Français ont saisi l’importance du scrutin qui vient. L’Institut IPSOS estime aujourd’hui que la participation devrait avoisiner dimanche les 63 %. En juin 2022, la participation au premier tour n’était que de 47,5 %. L’estimation d’IPSOS s’appuie sur un échantillon de 12 000 personnes. Si elle se confirme, la participation se rapprocherait du 1er tour des législatives de 2002. 64,42 % des inscrits étaient allés voter. Ces élections survenaient juste après la présidentielle qui avait vu le second tour opposer Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen.

Si, à l’époque, la question du barrage républicain n’avait pas fait débat, il n’en va pas de même aujourd’hui. Le bloc présidentiel est divisé. Comme ce qu’il reste de la droite. Il y a d’abord ceux qui appellent à un accord de désistement réciproque contre le RN. Il s’agit des anciens ministres Clément Beaune, Aurélien Rousseau, Barbara Pompili et Stéphane Travert, d’Agnès Pannier-Runacher, encore ministre, et de Bernard Guetta, député européen Renaissance.

À droite et au bloc central, tous pour un et chacun pour soi

Mais d’autres renvoient dos à dos le RN et LFI, voire le Nouveau Front Populaire. Quand ils ne préfèrent pas tout simplement la formation lepéniste aux insoumis.

Il faut tout faire que les extrêmes n’arrivent pas au pouvoir. Vous les renvoyez dos à dos. Moi, ce que je recommanderai le cas échéant c’est qu’on vote sans aucune difficulté pour des candidats écologistes, pour des candidats communistes, pour des candidats socialistes.

Yaël Braun-Pivet, députée sortante Renaissance et ancienne présidente de l’Assemblée nationale, le 14/06/2024

Moi je ne voterai pas pour les candidats de la France insoumise. Et je ne voterai pas pour les candidats du Rassemblement national.

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, le 13/06/2024

Je ne ferai pas le choix, pas le choix de la France insoumise, ni du Rassemblement national.

Gérald Larcher, sénateur LR et président du Sénat, le 12/06/2024

Moi je n’ai aucun problème, je fais barrage évidemment à la France insoumise, et à cette alliance de la gauche.

François-Xavier Bellamy, député européen LR, le 13/06/2024

On fera remarquer à ces nobles esprits que, quoi qu’il arrive, LFI n’obtiendra pas la majorité absolue. En vertu de l’accord qui cimente le Nouveau Front Populaire, la formation de Jean-Luc Mélenchon ne présente que 229 candidats. Il en faut 289 pour atteindre la majorité absolue. En revanche, le Rassemblement national avec ses 498 candidats – auxquels viennent s’ajouter les 59 partisans d’Éric Ciotti – peut très bien atteindre ladite majorité absolue. Quoi qu’il en soit, ce “ni ni” est une vraie peau de chien. Au point que Marine Tondelier a pris sa plume.

Si nous sommes en troisième position et que nous risquons de faire élire quelqu’un de l’extrême droite, nous nous désisterons. J’écrirai aujourd’hui, aux chefs des différents partis de la majorité présidentielle, parce que les sondages montrent que ce désistement républicain pourrait faire basculer des dizaines de circonscriptions à l’extrême droite, ou pas, selon que la consigne est tenue par tous les partis de ce pays.

Marine Tondelier, Secrétaire nationale des Écologistes, le 26/06/2024

Le désistement républicain au centre de toutes les attentions

Pour l’heure, la secrétaire nationale des Écologistes n’a pas reçu de réponse. Le blocage autour du désistement républicain porte un nom. Celui de Jean-Luc Mélenchon. C’est ce que disent les sondages. Comme celui-ci réalisé par Odoxa. Jean-Luc Mélenchon est davantage perçu comme un handicap plutôt qu’un atout par les Français et les électeurs de gauche.

Du coup, l’étiquette LFI devient difficile à porter si l’on en croit le dernier sondage livré par l’IPSOS. 14 % des électeurs ne voteront pas pour le Nouveau Front Populaire, parce que le candidat est encarté à la France insoumise. Pour François Ruffin, Jean-Luc Mélenchon est devenu un boulet.

Ce n’est pas un appui, Jean-Luc Mélenchon, ici. C’est plutôt quelque chose qui repousse les électeurs. C’est un obstacle, pour vous aujourd’hui, Jean-Luc Mélenchon ? Je pense que c’est un obstacle à la victoire du Front Populaire.

François Ruffin, député sortant LFI, le 25/06/2024

Adrien Quatennens a aussitôt réagi sur X. “Ce n’est plus de melon là, c’est une pastèque ! Attention : à force de gonfler, ça va exploser. Si Mélenchon et la FI ne t’avaient pas investi, tu n’existerais pas. Et aujourd’hui, tirer contre lui est ton assurance-vie. Si belle soit-elle, la Picardie n’est pas le pays. Rejoins le RN direct ! On gagnera du temps et de l’énergie.” Hier, Jean-Luc Mélenchon semblait déconcerté par la charge du député sortant de la Somme.

Je crois qu’il en est parti tout seul de la France insoumise. Il n’y a même pas besoin de lui demander de la quitter. Il a dit qu’en toute hypothèse il n’avait plus rien à voir avec ça. Nous, nous l’avons investi. Je ne sais pas ce qui me vaut de sa part une telle hargne parce que la France insoumise l’a investi une première fois, et une seconde, qu’il a été élu. Mais je ne dirai de mal de personne, même pas de François Hollande qui vient pourtant d’en dire beaucoup de moi.

Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie, le 26/06/2024

Oui, hier c’était la Saint Jean-Luc. Et ils étaient tous au rendez-vous pour lui souhaiter une retraite paisible chez les moines trappistes. À commencer par le roi du scooter et de la blagounette.

Dans la gauche, de toute la gauche, il a été convenu qu’il ne pouvait plus être celui qui devait diriger. Lui continue. Il peut continuer, au sein de la France insoumise, de la même manière. Il n’est pas reconnu pour pouvoir être celui qui doit gouverner le pays. Il ne sera pas choisi forcément par le président de la République. Et s’il l’était, il n’est pas l’homme du consensus. Il faudra chercher une homme ou une femme de consensus.

François Hollande, ancien président de la République française, le 26/06/2024

François Hollande parle d’expérience, lui qui n’a pu se représenter en 2017 tant les Français le méprisaient. Comme quoi, en politique, tant qu’on n’est pas coulé dans une dalle de béton, tous les espoirs de retour sont permis.

Au 20 heures, Olivier Faure en a remis une couche. Juste pour la route.

Ça ne peut pas être Jean-Luc Mélenchon. D’abord parce que lui-même a expliqué qu’il fallait passer le relais à une nouvelle génération. Ensuite parce que notre pays est un pays fracturé, divisé comme jamais, et que nous avons besoin d’un profil qui permette d’apaiser, qui permette de fédérer, qui permette de rassembler, et qui soit aussi un profil déterminé.

Olivier Faure, député sortant PS et Premier secrétaire du PS, le 26/06/2024

On ne saurait trop conseiller à celui qui a tué la gauche en cinq ans de mandat d’appliquer le conseil à son auguste personne. Parce que pour faire fuir l’électeur de gauche, il n’y a pas mieux que François Hollande. Les socialistes en sont les premiers convaincus. Mais trop tard. Dimanche, depuis Montpellier, Jean-Luc Mélenchon en a remis une couche. Mais la messe était déjà dite. De guerre lasse, le chef de file des insoumis a jeté l’éponge.

Je ne dis ni oui, ni non. Je suis obligé, tout le monde peut le comprendre, de tenir compte de deux aspects, ou de trois. Le premier c’est que je m’en sens capable, vous ne m’en voulez pas trop. Le deuxième, c’est que les partis de gauche, pour une raison qui leur appartient, qui me paraît assez surprenant, décident que, non, ce n’est pas moi. Et puis, troisième élément, c’est que moi je souhaite que ça marche.

Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie, le 26/06/2024

Jean-Luc Mélenchon renonce à Matignon

Si Jean-Luc Mélenchon semble avoir renoncé à prendre le chemin de Matignon, il n’a pas abandonné l’idée que les insoumis puissent être au cœur du dispositif gouvernemental en cas de victoire du Nouveau Front Populaire. Manuel Bompard est sur la rampe de lancement. D’autant que tout le monde reconnaît sa bonne prestation lors du débat avec Gabriel Attal et Jordan Bardella.

Un tweet posté par Jean-Luc Mélenchon après le débat en question le présente comme la relève. “Ce soir, Manuel Bompard a démontré une force, un niveau de connaissance et une sensibilité humaine que les autres n’ont pas égalé. Ce débat entre futurs premiers ministres montre qu’il est mieux qu’au niveau.”

Piètre consolation pour Jean-Luc Mélenchon, la droite a aussi son François Ruffin. Il s’appelle Aurélien Pradié. C’était le chef de file des frondeurs LR au moment de la réforme des retraites. Dans un entretien accordé à la Dépêche du midi, le député sortant du Lot déclare : “LR est dans une situation inextricable. Le gaullisme n’est pas mort, il est plus vivant mais LR est mort. Il est temps que je reprenne ma liberté. C’est une étape de construction, y compris une ambition politique personnelle nouvelle car le parti auquel j’appartenais n’est plus capable de parler aux Français.”

Depuis cet entretien, Pradié est revenu sur une partie de ses propos dans le Parisien. Il n’aurait pas quitté LR, c’est LR qui aurait cessé d’exister. Ce qui change tout, bien sûr.

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