D’ordinaire, les recadrages entre le chef de l’État et le Premier ministre se font en tête-à-tête. Ce n’est que quelques années plus tard, quand l’un ou l’autre rédige ses mémoires qu’on découvre leur existence. Mais jeudi dernier, c’est publiquement qu’Emmanuel Macron a choisi d’exprimer son mécontentement à l’égard de François Bayrou. Le Premier ministre « doit diriger son gouvernement » et les ministres « doivent s’occuper des politiques qu’ils conduisent » a déclaré le Président en marge d’un déplacement dans l’Aveyron.
Humiliation publique
Qu’il y ait eu l’intention d’humilier le Premier ministre par ce rappel à l’ordre devant les caméras est certain. Emmanuel Macron ne supporte plus l’homme qui lui a forcé la main pour entrer à Matignon. Mais au-delà, c’est la dislocation du socle commun que le président entendait prévenir.
Retailleau en roue libre
Le ministre de l’Intérieur use et abuse de sa fonction pour s’exprimer en chef de parti, voire en candidat à l’élection présidentielle. S’il s’agissait de la sécurité des Français, cela resterait tolérable. Mais Bruno Retailleau a désormais un avis sur tout. Dans une tribune publiée dans le Figaro, jeudi, voilà qu’il réclamait l’arrêt des subventions publiques pour l’éolien et le photovoltaïque. On est loin du domaine de compétence d’un ministre de l’Intérieur.
Les caves se rebiffent
Gabriel Attal – qui est sans doute l’homme qui déteste le plus Emmanuel Macron aujourd’hui – et Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique sont aussitôt montés au créneau. Dans les colonnes du Monde, vendredi, la seconde estime « absurde et dangereuse » la proposition de son collègue qu’elle accuse de vouloir « faire des chèques à l’Algérie pour importer du gaz » et de « courir derrière le Rassemblement national ». Trois jours plus tôt, elle avait déjà dénoncé le populisme du ministre de l’Intérieur.
Qui partira le premier ?
À lui seul, cet esclandre acte la fin de l’étrange attelage qui tente de gouverner le pays. Les intérêts sont devenus trop divergents. Bruno Retailleau prépare son départ. François Bayrou, lui, attend sa mise à mort. Car il ne survivra pas au prochain budget. Marine Le Pen n’en fait pas mystère, c’est plutôt la motion de censure qui a ses faveurs pour l’instant.
La rumeur d’une démission
Ces derniers jours, la rumeur d’une démission du Premier ministre circulait. Celui-ci prendrait prétexte du rejet de ses propositions budgétaires – celles qu’il annoncera le 15 juillet – pour claquer la porte. Une sortie théâtrale qui ne serait pas pour déplaire à Emmanuel Macron. Car le chef de l’État sent bien que François Bayrou est devenu un boulet qui l’entraîne dans les tréfonds des sondages. S’il ne se fait aucune illusion sur ses chances de redevenir populaire, il entend bien, en revanche, terminer son second quinquennat dans un relatif apaisement. Il y va de son avenir politique. À commencer par un éventuel retour en 2032.
Serge Faubert
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