Que Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan n’aient pu tenir une conférence dans l’enceinte de l’université de Lille doit interpeller tous ceux qui sont attachés au respect du débat démocratique. La liberté de réunion est la règle, l’interdiction doit rester l’exception.
À l’évidence, s’agissant de la France insoumise, l’exception aurait parfois la tentation de devenir la règle. Et, à bon droit, des voix se sont élevées, à gauche, pour protester contre l’interdiction de la conférence de Lille, jeudi 18 avril.
La crainte de troubles
Le président de l’université, après avoir donné son accord pour la tenue de la réunion, s’est ravisé à quelques heures de l’événement. Dans un communiqué, il justifie sa décision en ces termes : « L’escalade militaire, intervenue les 13 et 14 avril au Moyen-Orient, a provoqué une montée préoccupante des tensions internationales au cours des derniers jours. Ces tensions se répercutent à l’échelle nationale et locale, tout comme à l’université (…) les conditions ne sont plus réunies pour garantir la sérénité des débats et [la présidence] a décidé de ne plus autoriser la tenue, en ses murs, de la conférence de Monsieur Mélenchon et de Madame Hassan, prévue ce jeudi 18 avril ».
C’est donc la crainte de troubles à l’ordre public qui a conduit à l’annulation de la réunion. Le président de l’université aurait pu faire appel aux forces de police. Il ne l’a pas souhaité. Soit. On peut le regretter. On peut juger ses craintes disproportionnées. Mais aussi déplorable que cette annulation apparaisse, elle ne fait pas de la France un État qui serait dans l’antichambre du fascisme.
Censure
Jean-Luc Mélenchon n’accepte pas les justifications apportées par le communiqué de l’université. Il dénonce une volonté de le censurer, lui et Rima Hassan. Le président de l’université aurait cédé aux pressions du président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, de la députée Renaissance du Nord, Violette Spillebout, et du député RN du Nord, Sébastien Chenu, le tout sous « l’impulsion » du député socialiste Jérôme Guedj choqué par une carte de Palestine d’où avaient disparu les frontières d’Israël.
Jeudi, devant la salle où les organisateurs avaient envisagé de déplacer la conférence avant que le préfet n’interdise cette deuxième réunion, Jean-Luc Mélenchon a oublié toute mesure, toute prudence, toute culture, lui pourtant qui en a tant.
Adolf Eichman
Il a comparé Jérôme Guedj à « un lâche de cette variété humaine que l’on connaît tous, les délateurs, ceux qui aiment aller susurrer à l’oreille du maître ».
Pour sa part, le président de l’université s’est vu assimiler au nazi Adolf Eichman, un des artisans de la solution finale, au terme d’une hallucinante envolée qui a convoqué les parallèles les plus ignominieux avec la collaboration.
Un accès de colère ? On aurait pu l’entendre. Les mots peuvent aller plus loin que les pensées. Mais Jean-Luc Mélenchon n’est pas homme à reconnaître ses erreurs. Par tempérament, par refus de concéder quoi que ce soit à l’adversaire, il préfère persister dans ses emportements.
Hannah Arendt convoquée en défense
Invité sur BFM, ce vendredi, le fondateur de la France insoumise s’est abrité derrière Hannah Arendt et son ouvrage majeur paru en 1951, « Les Origines du totalitarisme », pour justifier ses outrances. L’ancien candidat à la présidentielle a expliqué qu’il avait voulu fustiger la « propagation du mal » dont le président de l’université aurait été un chaînon.
Faiblesse politique
Il n’empêche : la disproportion entre l’injustice de l’interdiction et la violence des mots employés en réaction reste irrecevable. En quelques heures, le chef de file des insoumis aura une nouvelle fois abîmé le crédit d’une organisation qui portait l’espoir de millions de Français, il y a encore deux ans. Cette fuite en avant dans l’excès est un signe d’extrême faiblesse politique. Il serait étonnant que cela ramène des électeurs.
Serge Faubert
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