L’Assemblée nationale est ensevelie sous une avalanche de textes à examiner

Philippe Gosselin, député « Droite Républicaine », le 20/05/2025 ©PurePolitique

Les députés en ont ras-le-bol. Sur tous les bancs, on dénonce l’asphyxie progressive de l’Assemblée nationale. Les représentants de la nation doivent faire face à une avalanche de textes. Le retard est tel que l’Assemblée va vraisemblablement être convoquée en session extraordinaire au mois de juillet et peut-être en septembre.

On se retrouve avec énormément de textes en première lecture. On ne sait pas si dans les deux ans qui vont rester jusqu’à la fin du mandat d’Emmanuel Macron on aura le temps de tous les réétudier en deuxième lecture. Et aujourd’hui on embouteille, effectivement, avec de nombreux textes, on donne des espoirs aux Français sur de nombreux textes et on n’est pas sûrs de pouvoir aller au bout.

Perrine Goulet, député « Les Démocrates », le 20/05/2025

Petit rappel. Il y a deux types de textes qui sont soumis aux députés. Les propositions de loi qui sont présentées par des députés ou des sénateurs. Et les projets de loi qui émanent, eux, du gouvernement. Le gros problème, c’est que le gouvernement n’a aucun programme. Il avance à tâtons avec pour unique préoccupation de ne pas être renversé.

Le gouvernement n’ayant pas de programme préalable, sa constitution, il pose des textes au fur et à mesure dès qu’il pense qu’il y a une petite fenêtre, éventuellement quelque chose. Mais il ne prévoit jamais le temps nécessaire pour que les débats aillent au bout. Donc les textes sont coupés, on s’arrête au milieu, on reprend on ne sait pas quand. Il y a une proposition de loi sur la simplification, on ne sait pas si elle reviendra. Il y a eu tout le feuilleton avec la loi portée par Dati sur l’audiovisuel qui est tombée à l’eau, on ne sait pas où ça en est, ça va revenir, pas revenir.

Jérémie Iordanoff, député « Écologiste et social » et vice-président de l’Assemblée nationale, le 20/05/2025

Résultat, les députés ont l’impression qu’ils ne servent à rien. Un sentiment qui est partagé par une partie de l’opinion, prompte à fustiger des élus qui seraient grassement payés pour se tourner les pouces.

Le système ne produit plus rien. Il y a une telle désorganisation dans le pilotage des textes, le pilotage du travail parlementaire, qu’aujourd’hui objectivement le rendement utile du travail parlementaire était bientôt égal à zéro. Les députés c’est des mouches qui se heurtent aux parois du bocal toute la journée avec une efficacité, un rendu qui est objectivement nul et décevant.

Harold Huwart, député LIOT, le 20/05/2025

Circulez, tout va bien !

On est allé demander des explications à Patrick Mignola, le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Il y a eu depuis le début de cette année 28 textes adoptés définitivement par les députés et les sénateurs. Alors quand il y en a 28, ça donne l’impression qu’il n’y a pas de priorité parce qu’évidemment il a fallu remonter le retard de l’année dernière. En remontant le retard, aujourd’hui, on retrouve enfin des textes qui vont produire un effet dans le quotidien des Français.

Après les textes budgétaires, il y a eu tous les textes agricoles et on aura le texte la semaine prochaine sur les levées des contraintes au métier d’agriculteur. Ensuite, il y a eu tous les textes qui concernent les collectivités locales parce qu’on était à une année de l’élection des maires. Ensuite il y a eu les textes régaliens avec le narcotrafic et justice des mineurs qui a été fini hier.

Aujourd’hui, on est sur les textes sociétaux avec les soins palliatifs et l’aide à mourir qui, je crois, intéresse beaucoup les Français. Et on aura les textes sur l’énergie et sur la reconstruction de Mayotte au mois de juin.

Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, le 20/05/2025

Il s’agit donc de rattraper le retard entraîné par la dissolution de la précédente Assemblée. Ce qui ne va pas sans conséquences. Avant d’être examiné dans l’hémicycle, un projet ou une proposition de loi est débattu en commission. Il y en a huit, chacune spécialisée dans un domaine de compétences. Finances, défense, affaires culturelles… Et c’est là que ça coince. Les députés ne peuvent pas être à deux endroits à la fois. Résultat, les bancs de l’hémicycle sont parfois dégarnis y compris lorsqu’il y a des votes importants. Et bien sûr, l’opinion y voit la confirmation que les députés sont de sacrés glandeurs.

Par exemple, la semaine dernière, parce que ça a été décrié parfois sur la fin de vie d’avoir un hémicycle un peu désert ou en tout cas pas très garni, à la même heure et au même moment on avait des commissions du développement durable ou commissions des affaires économiques sur un texte important, la fameuse loi, ou future loi Duplomb, sur l’agriculture. Vous avez aussi le travail en circonscription avec la rencontre avec des chefs d’entreprise, nos concitoyens, les rendez-vous à la permanence, des inaugurations, etc.

Philippe Gosselin, député « Droite Républicaine », le 20/05/2025

Un embouteillage organisé ?

Qui est donc responsable de cette désorganisation parlementaire ? De ces textes de loi qui se chevauchent et de ces commissions qui se tiennent à des horaires inadaptés ? Réponse : ceux qui fixent l’ordre du jour. C’est-à-dire pour moitié le gouvernement et pour l’autre moitié la conférence des présidents. Cette instance réunit chaque mardi les présidents des onze groupes de l’Assemblée plus les huit présidents des commissions permanentes. Sans oublier, bien sûr, Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale.

Ce partage moitié-moitié est en réalité biaisé. Pour faire passer ses textes, le gouvernement a souvent recours à des députés qui soutiennent son action. Le parlementaire devient en quelque sorte le prête-nom de l’exécutif. Et la proposition de loi qu’il défend est en réalité un projet de loi déguisé. Dans les faits, c’est le gouvernement qui a la main sur la majeure partie de l’ordre du jour. Et s’il le voulait vraiment, le travail parlementaire pourrait aller beaucoup plus vite.

On a de très nombreux textes transpartisans sur des sujets extrêmement réduits. Moi je ne dis pas que ces sujets soient inintéressants et ne doivent pas être traités. La gratuité des fauteuils roulants pour les personnes handicapées. Ca a fait l’objet d’un texte de loi.

Donc on a passé un circuit complet de loi, de travail en commission, en hémicycle, Assemblée, Sénat, sur le sujet. C’est un texte très important, il a été voté. Mais dans une Assemblée où on aurait un texte sur la santé, ça aurait fait l’objet d’un amendement, il aurait été voté, on aurait passé peut-être une heure dessus parce que c’est un sujet important mais on n’aurait pas passé trois, quatre jours.

Même chose pour le statut de “parents d’enfant malade”. J’en parle en connaissance de cause, dans ma famille proche, nous-mêmes, on a eu une fille malade et donc ce texte je peux vous dire que je l’ai voté, et si j’avais pu le voter 25 fois je l’aurais voté 25 fois. Mais pour autant, c’est un texte, pour important qu’il soit, qui dans un cadre politique habituel aurait fait l’objet d’un amendement dans un texte plus large.

Philippe Gosselin, député « Droite Républicaine », le 20/05/2025

Comment ne pas soupçonner que cet émiettement législatif soit volontaire. Que le gouvernement cherche, en quelque sorte, à occuper les députés avec des textes à tiroir, plutôt consensuels, par peur de s’exposer à une motion de censure. Un soupçon qui est devenu certitude pour Éric Coquerel.

Ce qui est vrai, c’est qu’on a l’impression d’une accumulation de petits textes, mais ça c’est la responsabilité du gouvernement, quelque part, qui prend cette responsabilité très certainement parce qu’il a sans arrêt peur d’être minoritaire, de devoir actionner un 49-3, une motion de censure. Donc le problème vient plutôt de ce côté-là du gouvernement.

Le gouvernement essaie de tenir, donc pour essayer de tenir, en dehors des textes obligatoires sur lesquels il va bien falloir qu’il affronte une majorité puisqu’il est minoritaire, par exemple le budget, il évite sinon au maximum des textes où il pense qu’il peut être minoritaire.

Éric Coquerel, député « La France insoumise », le 20/05/2025

Ce gouvernement est-il un repaire d’amateurs ou un conclave d’apprentis sorciers ? Un peu des deux, sûrement. Comment s’étonner que les Français ne fassent plus confiance à nos institutions après pareil travail de sape. L’air de rien, c’est la République qu’on abîme.

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