La loi sur le métier d’agriculteur a du plomb dans l’aile

C’est un sacré bras de fer avec les agriculteurs et les députés qui se prépare pour le gouvernement. Pas tous les agriculteurs. Ceux de la FNSEA et son appendice, les « Jeunes agriculteurs ». Ces deux mouvements appellent à se rassembler à Paris, lundi, devant l’Assemblée nationale.

Une proposition de loi inspirée par la FNSEA

Ce jour-là, les députés doivent commencer l’examen d’une proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. On la doit à deux sénateurs, Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (Union centriste). Deux agriculteurs dont le premier fut président FNSEA de la Chambre d’agriculture de Haute-Loire. Comme on se retrouve.

Le retour des néonicotinoïdes

Le texte sénatorial entend autoriser l’utilisation d’insecticides néonicotinoïdes comme l’acétamipride. Le ministère de l’Agriculture pourrait ainsi passer outre aux décisions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES). Autorisés dans le reste de l’Union européenne, les néonicotinoïdes sont interdits depuis 2018 en France. Les néonicotinoïdes s’attaquent au système nerveux des abeilles qui assurent 80 % de la pollinisation. Désorientés, les insectes ne retrouvent plus le chemin des ruches et finissent par mourir. Réintroduire l’acétamipride, c’est donc mettre en péril la biodiversité.

La proposition de loi prévoit encore de faciliter l’installation d’élevages industriels et d’assouplir la réglementation sur les bassines et la protection des zones humides.

Bref, il s’agit de revenir sur les grandes avancées environnementales de ces dernières années.

Détricotage en règle en commission

Voté en janvier au Sénat, le texte a été examiné en commission du développement durable le 6 mai puis en commission des Affaires économiques le 13 mai.

À grand renfort d’amendements, les députés écologistes et insoumis ont vidé la proposition de loi de la plupart de ses mesures dangereuses pour l’environnement et la santé. Ils s’apprêtent à faire de même dans l’hémicycle à partir de lundi. Sur les 3 500 amendements déposés, 1 500 amendements l’ont été par les écologistes et 800 par les insoumis.

Ce détricotage déplaît, bien sûr, à la FNSEA qui reste le syndicat des grands céréaliers.

Le rapporteur veut esquiver le débat

Le rapporteur, Julien Dive, a donc imaginé une parade. Elle peut sembler paradoxale. Le député LR de l’Aisne a déposé une motion de rejet préalable de la proposition de loi. Elle sera soumise au vote à l’ouverture de la séance.

Si elle est adoptée, le texte sera aussitôt renvoyé en commission mixte paritaire. Sept sénateurs et sept députés tenteront alors de rédiger un texte de compromis. Ce qui n’est pas gagné. Mais les débats seront plus aseptisés.

Cette manœuvre dilatoire ne peut fonctionner qu’avec l’appui des groupes composant le socle commun – macronistes et LR. Mais des tiraillements se font sentir. Il n’est pas dit que la motion trouve une majorité.

Addition des conflits en vue

Cet affrontement parlementaire tombe mal. Le gouvernement a déjà du mal à juguler la mobilisation des taxis. Si la mobilisation des agriculteurs s’y rajoute et se double d’un conflit ouvert avec les partis de gauche, tous les dérapages sont possibles. On ne va pas beaucoup dormir à Matignon dans les heures qui viennent.

Serge Faubert

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