S’il n’obtient pas la majorité absolue, il n’ira pas à Matignon. Jordan Bardella l’a répété mardi. Le président du RN n’acceptera la charge de Premier ministre qu’à la condition d’avoir derrière lui au moins 289 députés sur les 577 qui siègent à l’Assemblée nationale.
Si demain les Français plaçaient le pays dans une situation de majorité relative, c’est-à-dire dans une situation de blocage avec un Premier ministre qui n’aurait pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale, lui-même en situation de cohabitation, alors on ne pourrait pas changer les choses.
Je dis au peuple français : il y a une occasion historique d’inverser le cours de l’histoire, de changer la politique dans notre pays et de changer de cap, mais pour cela moi j’ai besoin d’avoir une majorité absolue. Donc je n’envisage d’être le collaborateur du président de la République.
Jordan Bardella, député européen RN et président du Rassemblement national, le 18/06/2024
Dans l’hypothèse où son parti serait en tête au soir du second tour, Jordan Bardella ne veut pas se retrouver dans la situation du gouvernement sortant, contraint de chercher des alliés pour faire passer son programme. D’autant qu’à la différence de Gabriel Attal, le nouveau Premier ministre ne pourrait pas compter sur le président de la République. Mais cette exigence d’une majorité absolue vient surtout s’inscrire dans une dynamique de renoncement.
Le Rassemblement national se dégonfle
Pour le dire autrement, le RN est déjà en train de nous expliquer pourquoi il ne tiendra pas les promesses de son programme social. Ainsi l’abrogation de l’emblématique réforme des retraites se voit-elle reportée à l’automne prochain. Le non-assujettissement des moins de 30 ans à l’impôt sur le revenu, seule audace du programme du RN, a carrément disparu. La suppression de la TVA sur 100 produits de première nécessité est désormais subordonnée à la réalisation d’un audit des comptes du pays. Comme les mesures concernant les services publics, en particulier l’école et la santé.
Autrement dit, il y a de fortes chances que ces mesures ne voient jamais le jour. Et si elles venaient à être mises en chantier, ce ne serait pas avant 2026. Bref, Bardella, c’est aujourd’hui peut-être ou alors demain. Et sinon jamais. Mardi, le président du RN a justifié ces reports.
Il n’y a pas de changement, mais vous ne pouvez pas comparer un projet qui a été bâti pour une élection présidentielle, il y a deux ans, dans un contexte économique, politique et social bien défini, et un projet pour une élection législative qui s’inscrit dans un cadre institutionnel bien précis qui est celui d’une cohabitation.
Jordan Bardella, député européen RN et président du Rassemblement national, le 18/06/2024
Des mesures en faveur du pouvoir d’achat ne subsiste que la baisse de la TVA à 5,5 % sur les énergies – électricité, gaz, fioul et carburant -. Encore faut-il que la Commission européenne donne son feu vert. Or le gaz et le fioul ne figurent pas sur la liste des produits susceptibles d’être taxés à taux réduit. Quant à l’électricité, Jordan Bardella invoque le modèle espagnol où le prix de gros est très largement inférieur à celui de la France.
Mais pour que notre pays puisse s’aligner sur le voisin ibérique, il faut que la Commission européenne donne son accord. Deux bras de fer en perspective donc. À supposer qu’ils soient gagnés, cela prendra des mois et des mois. Quant au financement de la TVA à taux réduit, la solution retenue laisse perplexe. Le président du RN explique qu’il entend diminuer de 2 milliards d’euros la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Et ce, dès cet été.
Peut-on croire qu’il n’y aura pas de mesures de rétorsion ? De sanctions ? Le candidat à Matignon ne dit rien sur le sujet. Peut-être parce qu’il n’a pas vraiment l’intention d’engager le combat contre la Commission européenne. Il sera toujours temps de rendre celle-ci responsable des renoncements qui se profilent. Tous ceux qui croyaient encore à la fibre sociale du Rassemblement national savent maintenant à quoi s’en tenir.
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