C’est peu courant dans l’histoire de la République. Un président qui en est réduit à donner ses consignes par voie de presse à son Premier ministre. C’est ce qu’a fait Emmanuel Macron pas plus tard que samedi. Dans l’entretien qu’il a accordé à l’édition dominicale de la Tribune, le chef de l’État invite Gabriel Attal à se bouger. Et fissa.
Je souhaite qu’il s’engage au maximum dans la campagne en faisant des débats, des meetings, en allant sur le terrain. C’est ce que je lui ai demandé, comme aussi à l’ensemble du gouvernement.
Emmanuel Macron le 4/05/2024
De fait, à part une distribution de tracts avec Valérie Hayer, le locataire de Matignon est aux abonnés absents. Un comble alors qu’il avait été désigné pour contrecarrer Jordan Bardella. Mais voilà, pressentant la catastrophe électorale, le chef du gouvernement cherche à prendre ses distances avec la tête de liste Renaissance. Car en cas de défaite, c’est à lui qu’Emmanuel Macron fera porter le chapeau. Tout le gouvernement est d’ailleurs sur la réserve. Ce qui ne plaît pas du tout à Jupiter qui a l’impression d’être le seul à tirer la charrette.
Depuis son discours de la Sorbonne, le 25 avril – discours décompté du temps de parole de Valérie Hayer par l’Arcom – le chef de l’État a multiplié les interventions. Entretien avec les 9 titres du groupe de presse Ebra puis avec la presse britannique. Et ce week-end, donc, interview fleuve dans la Tribune dimanche. Mais tout vient à point pour qui sait attendre. Gabriel Attal doit prendre la parole demain à la Mutualité, à Paris, où Valérie Hayer tiendra son second meeting. Ça devrait le faire, les salles ne sont pas trop grandes.
Il a dit effectivement, j’en suis très heureuse, qu’il souhaitait s’impliquer dans cette campagne. Je lui laisserai le soin, évidemment, de décider du moment et de la manière dont il s’impliquera. Mais déjà, effectivement, cette photo c’est l’illustration de ce que c’est que la France en Europe et l’engagement de la France en Europe, et des conditions de la réussite de notre bilan et de notre projet.
Valérie Hayer le 6/05/2024
Un scrutin pour l’Europe ou pour la France ?
L’ennui, c’est que cette entrée en fanfare dans la campagne bouleverse l’enjeu du 9 juin. Pour qui va-t-on voter en définitive ? Pour l’Europe ou pour la France ? Déjà, deux forces politiques entendent faire de cette élection un scrutin national. Il y a quelques semaines, devant les étudiants de Nanterre, Jean-Luc Mélenchon présentait ce vote comme le premier tour de la présidentielle de 2027. Pour sa part, Jordan Bardella réclame la dissolution de l’Assemblée nationale s’il arrive en tête au soir du 9 juin. Pronostic qui a de bonnes chances de se vérifier.
En s’impliquant personnellement, Emmanuel Macron apporte de l’eau au moulin de ses opposants. Le scrutin du 9 juin est en train de tourner au référendum de mi-mandat. Exactement ce que recherchent la France insoumise et le Rassemblement national. Si le président a sauté à pieds joints dans le piège tendu par les oppositions, c’est parce que lui-même cherche une nouvelle légitimité électorale. Que voulez-vous, cet homme ne se résigne pas à sortir de l’écran en 2027. La retraite à 49 ans, surtout lorsqu’on a repoussé l’âge de départ à 64 ans pour les autres, c’est dur… D’ailleurs, confie-t-il à la Tribune, il regrette bien de ne pouvoir briguer un troisième mandat.
Je ne suis pas forcément en train de vous dire que j’aurais aimé être candidat à un troisième mandat. Mais je pense avec le recul qui est aujourd’hui le nôtre que quand on met des interdictions dans la loi on capture en quelque sorte une part de la liberté des électeurs qui sont souverains.
Emmanuel Macron le 4/05/2024
Conserver l’unité du bloc central
Eh oui, vous ne pouvez pas rester là, Monsieur le président… Mais il faut plus que ce veto constitutionnel pour désarmer Emmanuel Macron. Toujours dans la Tribune, il confie à quoi il va consacrer les trois années de mandat restant.
Dans mes responsabilités, il y aura celle de préparer la suite et de garder la force et l’unité de ce bloc central né en 2017.
Emmanuel Macron le 4/05/2024
Garder la force et l’unité du bloc central. Vaste programme… Pour y parvenir, Emmanuel Macron s’affiche donc ce lundi, au sens propre, avec la tête de liste Renaissance. Car Valérie Hayer… C’est notre projet ! Après 7 ans de mandat, on a plutôt envie de dire que c’est l’heure des bilans. Mais le chef de l’État n’a pas envie de s’attarder sur ce point. On le comprend. Il préfère jouer les visionnaires en clamant fièrement que “nous avons besoin d’Europe !”. Oui, mais pour quoi faire ? Les plus courageux des Français, ou les plus désœuvrés, auront cherché une réponse dans le débat coorganisé ce dimanche par RTL, Le Figaro, M6 et Paris Première. On ne le résumera pas ici tant la cacophonie a pris le pas sur les démonstrations. Mais avec un plateau à 7 intervenants, il était difficile de dépasser le stade des punchlines.
Les sondages, en tout cas, ne traduisent aucun frémissement. En un mois, Bardella gagne deux points. Valérie Hayer et Raphaël Glucksmann se stabilisent. Et LFI gagne un point. Quelque chose nous dit que cette fois nous aurons moins de commentaires sur la fragilité scientifique des sondages…
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