Il y a quelques jours encore, on pouvait mettre sur le compte de la maladresse les propos de François Bayrou sur l’immigration. Invité de LCI, il avait évoqué un « sentiment de submersion ».
Retour en 2008
Ce n’était pas une formule malheureuse. Le Premier ministre veut maintenant relancer le débat sur l’identité nationale. « Qu’est-ce que c’est qu’être Français ? Qu’est-ce que ça donne comme droit ? Qu’est-ce que ça impose comme devoirs ? Qu’est-ce que ça procure comme avantages ? Et en quoi ça vous engage à être membre d’une communauté nationale ? À quoi croit-on quand on est Français ? » a-t-il déclaré au micro de RMC. On se croirait revenu en 2008 avec Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux.
Comme chacun sait, en politique comme en géométrie, deux points suffisent à tracer une ligne. Pour François Bayrou, c’est même une ligne de vie. Il s’agit de s’assurer les bonnes grâces de la droite extrême et de l’extrême droite.
Darmanin, Retailleau, Bayrou : la surenchère
Ces propos faisaient suite, en effet, à ceux du ministre de la Justice, Gérald Darmanin. Jeudi soir, ce dernier a exprimé son souhait de remettre en cause le droit du sol en France. Une prise de position formulée au sortir d’une séance particulièrement houleuse à l’Assemblée nationale. Les députés ont durci les conditions d’accession à la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte.
À la même heure, sur LCI, Bruno Retailleau se prononçait, lui, pour un référendum sur l’immigration. Et tant pis si la Constitution ne le permet pas. Le ministre de l’Intérieur propose de contourner l’obstacle en demandant aux Français de se prononcer sur l’instauration d’un délai de carence avant qu’un étranger puisse percevoir les allocations familiales. Voilà la grave question qui leur serait soumise.
Petits calculs
Cette surenchère ne vise en fait qu’à occuper l’espace politique. Bruno Retailleau espère s’emparer de la présidence de LR et se placer pour la présidentielle de 2027, Gérald Darmanin entend lui barrer la route et François Bayrou veut éviter que le RN, par trop délaissé, ne tente de le renverser dans un mouvement de colère. La fine équipe que voilà.
Pour l’heure, le seul résultat probant est d’avoir ressoudé les rangs d’une gauche qui venait pourtant de se fracasser sur la motion de censure. Il ne faut pas exclure, d’ailleurs, que ce prurit sur l’immigration vienne perturber les votes sur les deux motions de censure présentées la semaine prochaine. Le Parti socialiste, par exemple, pourrait juger difficile, voire impossible, de ne pas censurer le Premier ministre après ses déclarations. On suppose que ce n’était pas là le but recherché par les incendiaires du gouvernement.
Serge Faubert
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