La Première ministre s’apprête gaillardement à utiliser son article préféré de la Constitution pour faire adopter le budget en fin d’année. Elle l’a annoncé, dimanche 3 septembre.
Voter un budget, c’est dire son appartenance à une majorité. Donc les oppositions ne voudront pas dire leur appartenance à la majorité, c’est tout à fait respectable. On aura à recourir, certainement, cet automne, à des 49-3.
Élisabeth Borne, Première ministre, RTL, 3 septembre 2023
« Vertu du dialogue »
Mais voilà, cette éventualité fait tousser Gérard Larcher, le président LR du Sénat. Écoutez le réagir à la déclaration d’Élisabeth Borne :
C’est contraire à l’esprit, le 49-3 il est constitutionnel, le gaulliste que je suis n’a pas de problème, mais… je crois d’abord à la vertu du dialogue. Le premier des tests c’est : est-ce qu’on fait passer la loi de programmation des finances publiques au 49-3 ? Si on fait passer la loi de programmation des finances publiques au 49-3, c’est qu’on aura échoué dans le dialogue.
Gérard Larcher, sénateur LR des Yvelines et président du Sénat, France Inter, 3 septembre 2023
C’est quoi, cette histoire de loi de programmation des finances publiques ? Derrière, il y a une de ces manœuvres tordues qu’affectionne le gouvernement. Pour l’instant, on n’en parle pas beaucoup, c’est pourtant un coup à 20 milliards d’euros. Excusez du peu.
Baisser les dépenses de 14 milliards
En 2024, l’État prévoit de baisser les dépenses de 14 milliards. Une économie qui résulte, pour l’essentiel, de l’arrêt des boucliers tarifaires. Cette réduction de la dépense publique s’inscrit dans un objectif précis : ramener à 3 % le déficit public en 2027, comme le réclame la Commission européenne.
Pour atteindre la barre des 3 %, le gouvernement prévoit de procéder par étapes. Un échéancier en quelque sorte, sur lequel les députés et les sénateurs doivent se prononcer. Ça s’appelle une loi de programmation des finances publiques. C’est une obligation imposée par les traités européens. Tant que la France ne satisfait pas à cette obligation, la Commission européenne ferme le robinet des financements. En l’occurrence, un pactole de 20 milliards d’euros, promis au gouvernement dans le cadre du plan de relance européen. Il y a donc le feu au lac.
En décembre dernier le gouvernement avait soumis aux députés et aux sénateurs un projet de loi de programmation. Catastrophe pour Matignon, le texte a été repoussé en commission mixte paritaire par les Républicains. La droite trouve en effet que l’échéancier ne va pas assez loin dans les coupes budgétaires. Comme dirait Macron : « Tout ça coûte un pognon de dingue. »
Expert en contournement de la Constitution
Le texte revient donc en seconde lecture devant l’Assemblée et le Sénat. Histoire d’en finir, Élisabeth Borne est décidée à faire adopter cette loi de programmation des finances publiques en recourant l’article 49-3 si nécessaire. Décidément, c’est une manie. Seulement voilà, aussi curieux que cela paraisse, une loi de programmation des finances publiques n’est pas considérée par la Constitution comme un texte budgétaire. Comme chaque citoyen le sait depuis la réforme des retraites, hors texte budgétaire, le gouvernement ne peut recourir à l’article 49-3 qu’une fois par session parlementaire. C’est un peu comme le totem d’immunité de Koh-Lanta.
Élisabeth Borne prend donc un gros risque. En effet, si le gouvernement se retrouve en minorité sur l’un de ses projets de loi, plus moyen d’éviter la défaite. « Élisabeth, les députés ont décidé de vous éliminer et leur sentence est irrévocable. » La Première ministre est donc coincée, en concluez-vous. C’est oublier que ce gouvernement est devenu expert en contournement de la Constitution.
Mesures de rétorsion
Pour se tirer d’affaire, Matignon a tout bonnement rajouté une session extraordinaire d’une semaine à l’agenda des députés et sénateurs. Ce sera la dernière semaine de septembre. Et cette session extraordinaire donne droit à une utilisation de l’article 49-3. C’est un peu comme les balais d’essuie-glace offerts chez un spécialiste du remplacement des pare-brises. Malin, n’est-ce pas ?
Mais voilà, la manœuvre n’a pas échappé à Gérard Larcher, le président du Sénat. Il n’a pas l’intention de laisser Élisabeth Borne passer en force. Et il la menace. Si la Première ministre utilise le 49-3 pour faire passer la loi de programmation des finances publiques, alors il y aura des mesures de rétorsion. Cela peut vouloir dire le dépôt d’une motion de censure. Sur la loi de programmation des finances publiques. Ou sur le budget. Suspense à tous les étages.
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