
Nous dépensons trop par rapport à nos recettes. C’est ainsi que François Bayrou a entamé sa présentation, graphiques à l’appui.
Il y a plus de 50 ans que notre pays, tous courants politiques confondus, n’a pas présenté un budget en équilibre. 50 années que nos dépenses publiques dépassent, chaque année, les recettes.
François Bayrou, Premier ministre, le 15/07/2025
Les Français seraient d’indécrottables dépensiers. Et leur insouciance, pour ne pas dire leur inconscience, serait responsable de la dégradation des finances publiques. Culpabilisation collective garantie. Ce que se garde bien de commenter le Premier ministre, c’est justement la baisse des recettes. Elles ne cessent de dégringoler depuis 2017.
Il y a une explication à cela : les réductions d’impôts et les exonérations sociales mises en place par les différents gouvernements depuis qu’Emmanuel Macron est entré à l’Élysée. En juillet 2024, la Cour des Comptes estimait à 62 milliards d’euros le manque à gagner annuel pour l’État. On aurait pu imaginer que le Premier ministre, qui cherche 44 milliards, aurait questionné cette politique fiscale. Mais non. A aucun moment elle n’a été remise en cause. A Matignon, on préfère plutôt faire payer les pauvres que les riches.
Un rapport du Sénat vient de mettre en évidence la somme si importante que l’État apporte aux entreprises : 211 milliards sur une seule année. Alors j’ai tout à fait conscience, sans vouloir critiquer la Haute Assemblée, que cette addition ajoute de manière un peu rapide des allègements de charges à des subventions, il y a de multiples avantages de nature très différente, tout cela est un peu vertigineux mais 211 milliards, disons en tout cas plus de 100 milliards, ce sont des sommes très importantes et il me semble qu’il faut reprendre la réflexion sur tout cet ensemble d’orientation nouvelle et franche.
Alors je vous propose que cette réflexion soit organisée autour d’un principe d’échange d’avantages. Moins de subventions contre plus de liberté, de simplification et de confiance.
François Bayrou, Premier ministre, le 15/07/2025
Une poutre dans l’oeil
211 milliards, 100 milliards, c’est pareil hein ! On ne va pas en faire un fromage. Éclairons donc la lanterne de Matignon comme disent ceux qui fréquentent le pavillon du même nom. Ces 211 milliards se décomposent en exonérations fiscales et sociales, en subventions directes et en participations de la Banque publique d’investissement. Un peu plus de 2000 dispositifs permettent de distribuer cette manne. Les aides aux entreprises constituent ainsi le premier poste de dépense de l’État. François Bayrou considère que le rapport additionne des aides de nature trop différentes.
Les auteurs du document, le sénateur LR Olivier Rietmann et le sénateur communiste Fabien Gay ont anticipé l’objection. Si l’on écarte un certain nombre de dispositifs, on arrive quand même à 108 milliards d’euros. On peut légitimement se demander si le rôle de l’État est de distribuer l’argent public au secteur privé. Ce n’est pas le moindre paradoxe d’un système libéral qui dénonce l’assistanat, mais subventionne à tour de bras les entreprises. “S’il ne le faisait pas, les boîtes fermeraient et l’emploi s’effondrerait” objecte-t-on. L’affirmation a ses limites. Les auteurs du rapport pointent en effet une sacrée lacune. Il n’existe aucun dispositif d’évaluation des exonérations fiscales en faveur des entreprises.
“On comptait en 2023 pas moins de 255 dépenses fiscales en faveur des entreprises, pour un coût supérieur à 43 milliards d’euros. Certaines dépenses fiscales sont évaluées ponctuellement. Mais la majorité des dépenses fiscales majeures réchappent à une évaluation régulière par un organisme dédié et selon une méthodologie concertée et harmonisée.”
Vous avez bien entendu, personne n’est capable de dire si ces 43 milliards ont eu un effet sur la croissance et l’emploi. On n’en sait rien. Chapeau, les champions de la rigueur ! Mais ça n’empêche pas le Premier ministre de faire la morale aux Français. Ce sont de grosses feignasses qu’il va remettre au boulot…
Il faut travailler plus. Il faut que toute la nation travaille plus. Je propose donc que deux jours fériés soient supprimés pour tout le pays. Je cite comme exemple, mais je suis prêt à accepter d’autres idées, le lundi de Pâques, qui n’a aucune signification religieuse, et le 8 mai.
François Bayrou, Premier ministre, le 15/07/2025
Tordons d’abord le cou à une légende. Les Français ne se roulent pas les pouces. La France compte 11 jours fériés comme six autres pays de l’Union européenne. A titre de comparaison, Chypre en a 15, l’Espagne 14 et le Portugal 13. Sur le fond, les salariés vont-ils travailler gratuitement le 8 mai ? Cette question a provoqué un vif échange mercredi, en commission des finances entre Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics et Éric Coquerel, le président de la Commission.
La monétisation de la cinquième semaine de congés payés est dans les projets du gouvernement. Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre du travail l’a annoncé lors de la présentation des orientations budgétaires.
Un objectif également d’incitation à augmenter le temps de travail dans un contexte où déjà 4 salariés sur 10 font des heures supplémentaires. Avec par exemple la possibilité de monétiser la 5e semaine de congés payés.
Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail, le 15/07/2025
Le musée des horreurs
La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, a douché l’enthousiasme du gouvernement.
Ca, ça fait partie du musée des horreurs. Ce n’est pas aux salariés eux-mêmes de se payer un peu plus de marge de manoeuvre pour boucler les fins de mois en rognant sur leurs congés.
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, le 16/07/2025
Si, dans le discours gouvernemental, les Français sont paresseux, les retraités, eux, deviennent d’abominables privilégiés.
C’est pourquoi le fameux abattement de 10 % pour le calcul de l’impôt sur les revenus, sur le revenu pour les retraités, alors ce n’est pas les pensions de retraite, c’est la part dans le calcul de l’impôt sur le revenu de ces pensions de retraite. Ce sont des pensions de retraite pour frais professionnels. On peut vérifier que des avantages pour frais professionnels ne sont pas absolument justifiés mais il ne faut pas toucher les petites retraites et les retraites moyennes.
François Bayrou, Premier ministre, le 15/07/2025
Quel magnifique bobard que voilà. L’abattement de 10% n’a rien à voir avec les frais professionnels. Il a été mis en place en 1978 par Raymond Barre, ministre de l’Économie et des finances puis premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing. Barre n’avait rien d’un bolchévique. Pourtant il considérait qu’il était injuste que les salariés bénéficient d’un abattement forfaitaire de 10% pour frais professionnels alors que les retraités en étaient privés. L’abattement en question était en effet souvent consacré à autre chose qu’à des frais professionnels.
C’est donc une mesure d’équité qui a été prise en 1978. Par un homme de droite qui plus est. Et voilà qu’on nous le présente aujourd’hui comme un avantage indu. François Bayrou présentera son budget le 1er octobre. Dans l’intervalle, il espère débaucher suffisamment de députés pour éviter la motion de censure. Pour l’instant, au Rassemblement national comme à gauche, la tendance est plutôt à la censure. Ce qui est certain, c’est que le coup du conclave sur les retraites ne pourra pas se répéter.
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