Va-t-on bientôt en terminer avec l’hystérie qui s’est emparée du pays à propos de l’abaya ? Toutes les chaînes en font leur miel. Et le moins qu’on puisse dire est que la rationalité semble avoir déserté des esprits d’habitude plus brillants. Plus intéressant que la bataille médiatique, il y a la bataille du droit.
Le 8 ou 9 septembre, le Conseil d’État doit rendre sa décision après le recours déposé par l’association Action droits des musulmans contre la décision de Gabriel Attal d’interdire l’abaya dans les écoles, les collèges et les lycées publics. L’avocat de l’association, Vincent Brengarth, reproche au ministre d’être allé plus loin que ce que prévoit la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école. Pour qu’on comprenne bien, voici la lettre de la loi :
Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève.
Loi du 15 mars 2004
298 élèves sur 12 millions
Et voici ce que dit l’avocat :
L’abaya n’est pas un vêtement religieux. En l’absence de caractère religieux par principe, il appartenait au chef d’établissement de prendre en considération le comportement de l’élève comme on peut d’ailleurs le faire pour d’autres signes dont le bandana. De façon un peu spectaculaire, on a vu en fait un total tête-à-queue par rapport à cette position qui est notamment défendue par monsieur Pap Ndiaye.
Vincent Brengarth, avocat de l’association Action droits des musulmans, BFMTV, 5 septembre 2023
Sur les douze millions d’élèves qui ont repris le chemin de l’enseignement public, 298 se sont présentées en abaya. Et 67 ont refusé de l’enlever. Des chiffres qui devraient déjà calmer le jeu. Même Emmanuel Macron, dans un éclair de lucidité, l’a reconnu.
Tenue commune
Moi je pense que ce n’est pas le sujet le plus important. C’est un sujet où il faut être intraitable et clair. Et on le sera.
Emmanuel Macron, président de la République, chaîne Youtube Hugo Décrypte, 4 septembre 2023
Du coup, si le phénomène est aussi minoritaire, on se demande pourquoi le chef de l’État veut envisager une tenue commune.
Sans avoir un uniforme, on peut dire : « Vous vous mettez en jean, t-shirt et veste. » La question de la tenue unique, qui n’est pas l’uniforme, qui à mon avis est plus acceptable, peut paraître un peu moins stricte d’un point de vue disciplinaire, elle règle beaucoup de sujets.
Emmanuel Macron, chaîne Youtube Hugo Décrypte, 4 septembre 2023
La laïcité n’est pas négociable
Revenons aux 298 élèves qui se sont présentées vêtues d’une abaya. Combien de ces comportements relèvent de la simple provocation adolescente ? Et combien appartiennent à une entreprise confessionnelle qui défie la République ? Il n’est pas simple de le déterminer. Chaque époque a connu son cortège de provocations et son lot de transgressions vestimentaires. Du port de simples baskets aux épingles à nourrice des punks, en passant par les cheveux longs, les casquettes à l’envers ou les capuches. Avec l’objectif d’emmerder le proviseur, les profs et les parents. Ce qui a souvent été le cas.
Cependant, même s’il s’agit simplement de choquer le bourgeois, peut-on laisser faire ? Que dirait-on si une jeune femme se présentait habillée en bonne sœur à la porte de son lycée ? Ou un garçon se déguisait en moine tibétain à la façon du dalaï-lama ? On peut multiplier les exemples, le vestiaire à connotation religieuse étant large. Quant aux élèves qui cherchent délibérément à tester les limites de la République au nom d’une conviction, il faut leur rappeler fermement que la laïcité n’est pas négociable.
« La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter sa loi », disait Aristide Briand, le rapporteur de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Ces mots, à Pure Politique, nous les faisons nôtres.
Compétitions de football
En juin dernier, les esprits avaient commencé à s’échauffer autour de l’interdiction du voile islamique dans les compétitions féminines organisées par la Fédération française de football. Le Conseil d’État, saisi par l’association Les hidjabeuses – c’est leur nom –, avait estimé que les joueuses de football n’étaient pas soumises à un devoir de « neutralité ».
Mais les magistrats avaient également considéré que la Fédération française de foot était en droit d’édicter les règles qu’elle jugeait nécessaires au bon déroulement des matchs. En 24 heures, la fièvre est retombée. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il en soit ainsi dans quelques jours.
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