Palestine : le bon moment, c’est maintenant

Ce ne serait pas le bon moment. On récompenserait le terrorisme du Hamas. Il s’agirait d’un fusil à un coup… Que n’a-t-on entendu depuis 48 heures ! Depuis qu’Emmanuel Macron a annoncé sur le réseau X que la France reconnaîtrait l’État de Palestine en septembre prochain. 

Faute politique et morale

Les critiques fusent de partout. À droite, le Rassemblement national par la voix de Marine Le Pen dénonce « une faute politique et morale ». Pour la présidente du groupe à l’Assemblée nationale « reconnaître aujourd’hui un État palestinien, c’est reconnaître un État Hamas et donc un État terroriste ». Formidable glissement qui fait de tous les Palestiniens des terroristes du Hamas. 

Éric Ciotti dénonce « une décision précipitée, prise pour de pures raisons électoralistes et indécente après les massacres du 7 octobre ».

Victoire du Hamas

A peine un ton en-dessous, Les Républicains soulignent que « la reconnaissance d’un État de Palestine donnerait une victoire au Hamas, organisation terroriste alors même que les otages ne sont pas libérés ».

À gauche, on estime que cette reconnaissance est insuffisante et vient tardivement « Pourquoi en septembre et pas maintenant ? Et l’embargo sur les armes ? Et la rupture de l’accord de coopération ? » tempête Jean-Luc Mélenchon sur X.

Sanctions

Le Parti socialiste n’est pas en reste. « Cette reconnaissance serait vaine si elle n’était accompagnée de sanctions visant à mettre immédiatement un terme au génocide en cours à Gaza, à la libération des otages israéliens encore détenus par le Hamas et à l’arrêt de l’annexion de la Cisjordanie votée par la Knesset. Les convois humanitaires doivent pouvoir accéder aux populations sinistrées et les journalistes travailler en toute indépendance. »

Bref, l’intention affichée d’Emmanuel Macron mécontente tout le monde. Un pis-aller pour la gauche, un artifice électoraliste pour la droite. 

Les lunettes de la chronologie

Pour y voir clair, remettons un peu de chronologie dans ce dossier. C’est le 9 avril, dans l’avion qui le ramène d’Égypte que le chef de l’État évoque pour la première fois la reconnaissance de la Palestine. Dans l’esprit d’Emmanuel Macron, cette reconnaissance serait le point d’arrivée d’un processus qui prévoirait la conclusion d’un cessez-le feu, la libération des otages, la capitulation du Hamas et la prise de contrôle de la bande de Gaza par une Autorité palestinienne assainie. 

L’Arabie saoudite prête à reconnaître Israël

Cette initiative diplomatique de la France s’accompagnerait également d’un geste fort de l’Arabie saoudite : la reconnaissance de l’État d’Israël. 

Dans cette optique, le prince héritier Mohammed ben Salmane et Emmanuel Macron avaient coorganisé une conférence sur une solution à deux États. Elle devait se dérouler à New York, au siège de l’ONU, le 18 juin. 

Mais l’attaque préventive d’Israël contre l’Iran est venue contrecarrer le scénario. La conférence a été reportée à ce lundi 28 juillet.

Emmanuel Macron se devait donc d’annoncer son intention avant que ne s’ouvrent les travaux de cette conférence. Ne serait-ce que pour fixer un objectif.

Annexion de la Cisjordanie

D’autant qu’il y a urgence : le 23 juillet le parlement israélien a adopté une résolution appelant à l’annexion de la Cisjordanie. Un vote symbolique, mais qui augure cependant d’une extension de la guerre.

Certes, le chef de l’État aurait pu néanmoins différer son annonce. Mais le mois de septembre se prêtait mal à une annonce diplomatique de cette importance. La discussion budgétaire et les mouvements de contestation sociale vont occuper le devant de la scène. Imagine-t-on le président de la République annoncer la reconnaissance de la Palestine par la France alors que des milliers et des milliers de manifestant contestent au même moment son autorité. Bonjour la légitimité sur le plan international.

Voilà pour le contexte. 

Dans les pas de De Gaulle

Sur le fond, Emmanuel Macron s’inscrit dans la droite ligne de la position française. La fameuse politique arabe du Général de Gaulle. Celle d’une solution à deux États que François Mitterrand avait été jusqu’à rappeler à la Knesset en mars 1982. Celle qu’ont voté, en 2014, l’Assemblée nationale et le Sénat à l’instigation des socialistes. Mais François Hollande, toujours décevant, se garda bien de traduire cette expression des assemblées au niveau diplomatique. 

Le point d’arrivée devient le point de départ

Alors oui, on peut considérer qu’Emmanuel Macron a inversé son intention initiale. Cette reconnaissance de la Palestine n’est plus soumise à condition. Et donc le Hamas peut crier victoire. Ce dont il ne se prive pas d’ailleurs.

Cependant, comme l’a rappelé Jean-Noël Barrot, le ministre des affaires étrangères, la France réaffirme son attachement à une solution à deux États. Le Hamas, mouvement terroriste et antisémite veut, lui, détruire Israël. Quoi qu’il claironne, cette reconnaissance n’est en rien son triomphe. Ni aujourd’hui, ni demain. 

À ce jour, 148 États sur les 193 membres de l’ONU reconnaissent l’État de Palestine. 
La France, membre du Conseil de sécurité, sera le premier État du G7 à reconnaître la Palestine. Le geste sera fort. Surtout s’il est accompagné par d’autres pays. Si l’Arabie Saoudite reconnaît Israël dans la foulée, alors cette initiative du Président de la République aura été utile. Malgré son piètre bilan sur le plan national, on ne lui jettera pas la pierre pour avoir tenté de faire bouger les choses au niveau international.

Serge Faubert

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.