Mardi prochain, l’Assemblée nationale débattra enfin de la situation en Ukraine et des limites de l’engagement de la France auprès de ce pays. Débat qui sera suivi d’un vote.
On s’en souvient, le 26 février, Emmanuel Macron avait affirmé qu’on ne pouvait exclure, dans un avenir à déterminer, l’envoi de soldats français. Tout en reconnaissant que, pour l’heure, il n’y avait pas de consensus sur ce point entre les alliés de l’Ukraine.
L’hypothèse d’une défaite de l’Ukraine
Dérapage ? Pour une part, seulement. Le président de la République inscrit sa réflexion dans l’hypothèse d’une défaite de l’Ukraine. Que se passera-t-il ensuite ?
La Russie s’attaquera-t-elle aux pays Baltes ? À la Moldavie ? Ou bien se contentera-t-elle d’annexer purement et simplement les zones qu’elle contrôle militairement aujourd’hui ? En gros, le Donbass, la bande côtière qui longe la mer d’Azov et la Crimée.
Munich, vraiment ?
De la réponse à cette question dépend la conduite à tenir. Si l’on considère que se joue devant nos yeux le scénario qui a prévalu avec l’Allemagne nazie juste avant la Seconde Guerre mondiale, alors il convient d’écraser l’agresseur avant qu’il n’aille plus loin.
De nombreux commentateurs fustigent ce qu’ils croient être un esprit munichois – référence à Édouard Daladier et Neville Chamberlain qui, en 1938, abandonnèrent la Tchécoslovaquie à Hitler dans l’espoir de sauver la paix.
Le précédent de la guerre de Corée
Il faudrait, d’après ces généraux de plateau, rejouer un scénario voisin de celui de la guerre de Corée (1950-1953). Une guerre oubliée aujourd’hui. Une coalition de 16 pays, sous mandat de l’ONU, y affronta les troupes de la Chine communiste et de l’Union soviétique, alliées des communistes coréens. Le bataillon français comptait environ 3 500 hommes. L’emploi de l’arme atomique fut envisagé à plusieurs reprises. Les Américains se contentèrent finalement du napalm. L’affaire se termina par la partition de la Corée, encore en vigueur aujourd’hui.
Un conflit régional ou mondial ?
L’autre lecture possible du conflit est celle d’une guerre régionale. L’ancienne Union soviétique voudrait seulement rattacher les provinces russophones à l’empire. Engager des soldats français, ce serait à coup sûr internationaliser la guerre et provoquer une escalade. S’agissant de puissances atomiques, nul ne peut prévoir l’issue d’une pareille confrontation.
Dès lors, la question est de savoir de quelles informations le président dispose. Ces jours-ci, la dramatisation va crescendo : entretien avec les anciens présidents, échanges avec les chefs de parti et le débat mardi.
Zones d’ombre
Dans cette équation militaire, il y a plusieurs inconnues : les intentions de Poutine, l’engagement des alliés européens, le nom du prochain président américain…
Autant de zones d’ombre qui invitent à la prudence. Dans l’immédiat, il faut bien évidemment augmenter les livraisons d’armes aux Ukrainiens. Les obus, mais aussi les missiles qui permettent de frapper les points névralgiques derrière les lignes ennemies. Sans oublier l’aviation et les chars lourds.
Des troupes démoralisées, faute de munitions
Car la démoralisation des troupes ukrainiennes résulte, pour l’essentiel, du manque de munitions. Les canons automoteurs Caesar, fournis par la France, sont ainsi sous-employés faute de projectiles en nombre suffisant. Sans artillerie, impossible de tenir les positions et encore moins de percer.
Si l’on veut contraindre les belligérants à s’asseoir à une table de négociation, il faut que l’agresseur en arrive à la conclusion qu’il ne pourra pas l’emporter. Aujourd’hui, la Russie croit encore qu’elle peut gagner. Il faut lui monter qu’elle se trompe.
Serge Faubert
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