Emmanuel Macron enfermé dans sa tour d’ivoire

Arithmétiquement parlant, la cause est entendue. François Bayrou n’obtiendra pas la confiance des députés le 8 septembre. Emmanuel Macron va devoir désigner un nouveau Premier ministre. Sans repasser par la case des élections législatives. Une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale relèverait de la « politique-fiction » , a déclaré le chef de l’État vendredi lors d’une conférence de presse commune avec le chancelier allemand Friedrich Merz. Il a également précisé qu’il entendait « exercer jusqu’à son terme » son mandat.

Ni dissolution, ni démission

Qu’il soit obligé d’apporter cette précision souligne la faiblesse extrême dans laquelle il se trouve. Pour des raisons opposées, Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon s’accordent sur la même analyse : pour sortir de la crise institutionnelle, politique et sociale, le président n’a d’autre choix que dissoudre ou se démettre. Le président du RN estime que de nouvelles élections permettraient à sa formation d’obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Le chef de file de la France insoumise parie davantage sur une dynamique électorale qui conduirait, à terme, à l’accélération des échéances. Autrement dit, à une présidentielle anticipée.

Le blocage est à l’Élysée

En fermant la porte à une dissolution, Emmanuel Macron prend le risque d’être perçu comme le responsable du blocage actuel. Les Français ne comprennent toujours pas que la logique électorale ait été superbement ignorée à l’issue des élections législatives de 2024. Le chef de l’État aurait pu appeler un représentant de la plus importante coalition – le Nouveau Front Populaire – ou bien du parti ayant obtenu le plus de sièges, le Rassemblement national. L’un ou l’autre choix avaient le mérite d’une cohérence.

À quoi bon voter ?

Mais en allant chercher les représentants des 5e et 7e partis de l’Assemblée, Michel Barnier puis François Bayrou, Emmanuel Macron a superbement tourné le dos à la logique des institutions. C’est là que s’est construit le détonateur de la crise actuelle. Si le président de la République peut ignorer le résultat des élections, à quoi bon voter ?

Crise de régime

Pour nombre de Français, le Parlement n’est plus le lieu de la dispute citoyenne. S’il est trop tôt pour dire ce que sera le mouvement du 10 septembre, il est certain, en revanche, qu’il traduit cette désaffection croissante vis-à-vis du politique. Cette situation porte un nom : la crise de régime. Lorsque les institutions deviennent incapables de résoudre pacifiquement les conflits, il est temps d’en changer.

Et la proportionnelle ?

L’instauration d’un scrutin à la proportionnelle – promis depuis 2017 ! – pourrait favoriser les compromis ou les coalitions parlementaires. À minima, la représentation nationale serait plus conforme à la réalité du pays.

Mais non, Emmanuel Macron se drape dans la légitimité de son mandat présidentiel pour persévérer dans l’immobilisme. Il entend bien ignorer jusqu’au bout la colère qui s’exprime dans le pays sous des formes diverses.

Offres de service à gauche

En vain le Parti socialiste propose-t-il de former le prochain gouvernement. Promettant même de ne pas recourir à la guillotine de l’article 49-3 pour favoriser les compromis. Mais Olivier Faure n’est pas dans la short list du président pour Matignon.

Les noms qui circulent pour remplacer François Bayrou s’inscrivent dans une continuité désespérante : l’actuel ministre de la Défense, Sébastien Lecornu ou celui de la justice, Gérald Darmanin. L’un et l’autre ne représentent pas grand-chose dans le pays. Comment pourraient-ils incarner un changement, une rupture ?

Il n’est pas meilleur moyen pour déclencher ce chaos que le chef de l’État prétend éviter au pays. Pour des millions de Français, désormais, le chaos, c’est lui.

Serge Faubert

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