C’est le temps des copains

Le service public est en grève depuis deux jours pour tenter de bloquer une réforme qui conduirait, de fait, à la reconstitution de l’Office de radiodiffusion-télévision française. L’ORTF, ce n’était pas seulement Nounours, Zorro ou Thierry La Fronde. Ce n’était pas que Cinq colonnes à la Une ou Lecture pour tous. C’était surtout l’époque où le ministre de l’Information – Alain Peyrefitte en l’occurrence – venait présenter la nouvelle formule du 20 heures, en direct. C’était encore la télé des grandes charrettes de l’après 68. Cinquante journalistes virés pour avoir fait grève au mois de mai.

Fort heureusement, en 1975, l’éclatement de l’ORTF en sept sociétés distinctes permettra de rompre le cordon ombilical avec le pouvoir.

Une télévision aux ordres

Jeudi soir, sur France 2, on a eu l’impression que certains anticipaient le retour d’une télévision aux ordres. Le débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella était scandaleux et navrant à plus d’un titre. De quel droit, comme l’a excellemment dit François-Xavier Bellamy, le service public s’est-il permis de rompre l’égalité entre les candidats ? Qui plus est en opposant à la tête de liste du RN, non pas celle de Renaissance, mais le Premier ministre qui n’est candidat à rien sauf à sa survie à Matignon ?

L’appareil d’État en campagne

Sous le Second Empire, le pouvoir labellisait certains candidats qui bénéficiaient ainsi de l’appui et des moyens de l’appareil d’État. Jeudi, on est allé plus loin. C’est l’appareil d’État qui est lui-même venu faire campagne.

Le Premier ministre avait visiblement détourné son cabinet de l’administration de l’État pour le mettre au service de ce débat. En bon élève de Sciences Po, Gabriel Attal a récité ses fiches avec la conviction du comédien amateur qu’il fût pendant ses années étudiantes. Tant d’énergie aurait sûrement été mieux employée dans la recherche d’une solution en Nouvelle-Calédonie. Mais il fallait sauver Renaissance du Trafalgar annoncé.

La politique : toujours une affaire d’hommes ?

Faut-il croire que Valérie Hayer est une aimable cruche, incapable de porter les valeurs de son camp ? C’est en tout cas ce que signifiait à l’opinion cette irruption du Premier ministre dans la campagne. Le machisme politique a encore de beaux jours devant lui.

Les autres candidats en étaient réduits à faire antichambre tandis que les importants échangeaient. Réputés petits candidats par les enquêtes d’opinion, on pouvait les traiter comme des figurants. Quand François-Xavier Bellamy s’est avisé de protester, on a vu s’offusquer Caroline Roux. « Là vous êtes venu faire un happening » a-t-elle rétorqué avec morgue. Sous-entendu, estimez-vous heureux d’être-là et jouez le jeu.

Journaliste ou petit télégraphiste du pouvoir 

Mais depuis quand Caroline Roux est-elle en droit de choisir à la place des électeurs ? De dire que le RN et Renaissance arriveront en tête de cette consultation ? Qu’en sait-elle d’ailleurs ? La liste de Raphaël Glucksmann sera peut-être devant la liste de Valérie Hayer. Et dans ce cas, comme l’a remarqué avec élégance Bellamy, il eut mieux valu inviter le leader de Place publique que le Premier ministre.

Une des règles de la démocratie, c’est que les candidats bénéficient du même temps de parole dans la dernière ligne droite de la campagne. Hier, ce principe d’égalité a été allègrement bafoué par une journaliste aux ordres avec l’accord de la direction France 2. Minable spectacle.

Serge Faubert

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