Horreur, Serge Faubert a été aperçu à plusieurs reprises sur les plateaux de deux chaînes info. En l’occurrence BFM et LCI. Aurait-il vendu son âme au diable ?
Je caricature ici la réaction de quelques spectateurs de Pure Politique qui me reprochent, parfois en termes outranciers, d’être allé m’exprimer sur d’autres médias que Pure Politique.
Invité et non chroniqueur appointé
L’interpellation est toutefois légitime. Précisons d’abord le cadre de ces interventions. Depuis bientôt trois mois, je suis invité par BFM – et plus récemment par LCI – à venir commenter, de temps à autre, l’actualité politique, généralement en fin de soirée. Ces interventions ne sont pas rémunérées. Ma parole est totalement libre. Je suis très rarement le seul journaliste en plateau et je ferraille souvent avec des confrères de droite ou d’extrême droite (Valeurs actuelles, par exemple). Devrais-je leur abandonner ce territoire ?
La plupart du temps, un invité politique est présent. Députés, sénateurs ou chefs de partis. Je rencontre la plupart d’entre eux au quotidien. Que ce soit à l’Assemblée, au Sénat ou dans les multiples réunions politiques qui se tiennent dans la capitale. Pour courtoise que soit ma relation avec tous, je pose les questions qui fâchent. C’est mon rôle. L’avantage du direct, c’est qu’ils sont contraints de répondre.
Je ne suis pas dans un camp ou dans un autre. Je ne cherche pas à leur venir en aide ou à les accabler. Je tente, dans le débat, de faire émerger des lignes de force, des contradictions ou des incohérences. Et parfois des moments de sincérité.
Gagner en visibilité
Qu’ai-je à y gagner ? D’abord de la visibilité. Pas tant pour moi-même que pour Pure Politique. Ce qui m’intéresse, c’est que des spectateurs de BFM ou de LCI aient la curiosité d’aller sur Youtube regarder la chaîne à laquelle vous contribuez financièrement. La chaîne que nous avons construite ensemble.
Avec les politiques invités en plateau, c’est la marque Pure Politique qui gagne en crédibilité. Pure Politique n’est plus cet OVNI médiatique croisé au détour d’un couloir. C’est tout à coup un média reconnu comme tel par ses pairs à qui il convient de répondre, micro allumé ou micro éteint. C’est un ressort très important dans la psychologie des politiques.
Les chaînes à la recherche d’un équilibre
Et les chaînes, pourquoi m’invitent-elles ? D’abord, parce que mon profil permet d’équilibrer un plateau. À tort ou à raison, on me classe dans la catégorie des analystes plutôt à gauche. Il n’y en a pas tant que ça après tout. Sont ainsi rangés dans le même tiroir que moi Pablo Pillaud-Vivien et Rokhaya Diallo… (je laisse ici de côté mon appréciation sur l’un ou l’autre, ce n’est pas l’objet de ce post).
Je présente ensuite l’avantage de maîtriser les codes de l’audiovisuel et de ne pas être avare en punchlines. Autrement dit, je fais figure de bon client.
Enfin, les analyses que je développe sont toujours étayées par des faits. Ce qui permet de rester dans la nuance et d’échapper aux réflexes pavloviens qui font tant de mal au journalisme politique.
Le débat sur la critique des médias
Reste le débat sur la fonction des médias. Débat vivace à gauche. Au début du siècle dernier, le philosophe marxiste Antonio Gramsci a théorisé le concept de parti médiatique. Les médias seraient l’instrument de la domination culturelle de la bourgeoisie sur l’ensemble de la société. À ce titre, il conviendrait de les combattre tous. Ou de les fuir.
À la fin des années 1990, Pierre Bourdieu a développé une analyse plus nuancée en introduisant le concept d’habitus qui désigne une certaine disposition d’esprit. Pour aller vite, les journalistes sont déterminés par un environnement socioculturel qui est le fruit de leur formation et de leur expérience. Ils se croient libres, mais restent prisonniers de cet habitus.
Nombreux sont leurs épigones : de Noam Chomsky à Chantal Mouffle en passant par Ernesto Laclau et Serge Halimi. C’est à cette fontaine que s’abreuvent mes détracteurs du moment.
Pour ma part, j’ai toujours considéré que ces grilles de lecture déterministes étaient par trop réductrices. Elles s’avèrent incapables, en particulier, de rendre compte de la multiplicité des lignes éditoriales et des confrontations, dans les rédactions, autour du traitement des sujets. Confrontations souvent violentes y compris dans les médias dits alternatifs, j’en sais quelque chose.
Le réel contre l’idéologie
Au fond, le monde des médias est le champ de bataille permanent entre l’idéologie et le réel. Cela n’étonnera aucun de vous, j’estime que la religion des faits doit l’emporter sur nos engagements. C’est aussi cela, le journalisme : faire l’effort de penser contre soi-même.
Voilà pourquoi je crois utile, nécessaire, indispensable d’aller défendre un autre regard sur l’actualité, chaque fois que l’occasion m’en est donnée.
Plutôt que de délivrer de l’information, les algorithmes ont tendance à nous enfermer dans un écosystème de confirmation de nos certitudes. Nous acceptons mal d’être bousculés dans nos idées. C’est ainsi que la démocratie s’appauvrit. À ma modeste échelle, je tente de freiner cette dégradation. Ai-je tort ? La réponse vous appartient.
Post-scriptum
Pour ceux qui voudraient avoir un aperçu de ce que j’ai pu dire, un youtubeur en a fait deux compilations : vidéo 1, vidéo 2.
Serge Faubert
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