Retraites : l’âge de départ repoussé par un simple amendement ?

Mardi, Élisabeth Borne s’est invitée à la réunion des groupes parlementaires de la majorité présidentielle. Car la bataille des retraites est imminente. La Première ministre devrait présenter le projet de loi d’ici 15 jours. Pour un débat dans l’hémicycle en janvier. Et une adoption avant l’été.

Pas un mot à la sortie, mais sur le trottoir, les maréchaux de la Macronie semblaient satisfaits.

La majorité présidentielle avait quelques états d’âme, ces dernières semaines. Beaucoup de députés n’ont pas envie de revivre les affrontements d’il y a trois ans, juste avant le COVID. Ils ont réclamé et obtenu quelques cuillères de miel pour faire avaler la potion aux salariés.

Ainsi le montant de la retraite minimum a été revu à la hausse. Au lieu des 1 100 euros initialement promis, on s’achemine vers une pension équivalente à 85 % du smic pour une carrière complète.

Seconde assurance donnée à la majorité, les économies générées par la réforme alimenteront les retraites et rien que les retraites.

Ça reste à voir. Pour Valérie Rabault, la présidente du groupe socialiste, l’intention du gouvernement n’est pas de sauver les retraites.

Il y a plus paradoxal encore. Cette réforme va générer des dépenses supplémentaires pour la collectivité. C’est ce qu’a souligné Mathilde Panot lors de son point de presse.

Explication. Aujourd’hui, l’âge moyen de départ à la retraite est de 63 ans et un mois selon les dernières statistiques de la Sécurité sociale.

En l’état, le projet de loi du gouvernement prévoit de repousser l’âge légal de départ à 63 ans en 2025, 64 ans en 2028 et 65 ans en 2031. Sans allonger la durée des cotisations.

On va donc se retrouver avec des salariés qui auront réuni un nombre suffisant de trimestres pour liquider leur retraite, mais qui devront patienter jusqu’à 64 ou 65 ans.

Et où patienteront-ils ? À Pole emploi.

Car les chefs d’entreprise ne vont pas les garder au chaud dans leurs effectifs.

Pour ceux qui croiraient au Père noël – je sais que c’est la saison – je rappelle que le taux d’emploi des personnes de plus de 55 ans était de 56,1 % au 4e trimestre 2021.

La réforme de l’assurance retraite va donc se faire au détriment des comptes de l’assurance chômage. C’est absurde ? Oui. Comme souvent avec ce gouvernement.

Comment l’exécutif compte-t-il faire passer sa réforme ? Il n’est pas certain qu’il puisse tabler sur le groupe LR pour trouver une majorité. Écoutez les réserves de Philippe Gosselin sur le report à 65 ans de l’âge légal.

Le débat parlementaire risque de se terminer par un 49-3.

Mais, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le gouvernement ne peut engager sa responsabilité qu’une fois par session. C’est un peu comme les totems d’immunité de Koh Lanta. Une fois qu’il a servi, c’est fini.

Il n’y a que dans le domaine budgétaire où c’est open bar. Ainsi, hier après-midi, Élisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement pour la 7e fois.

Du coup, à Matignon, on cherche une astuce pour rester dans le périmètre des lois de finances. Et économiser ainsi le seul 49-3 disponible hors discussion budgétaire.

Une solution tient la corde : Élisabeth Borne pourrait utiliser un véhicule législatif dénommé projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Un PLFRSS.

Vous ne savez pas de quoi il s’agit ? C’est normal. Cette aberration technocratique n’a été utilisée qu’à deux reprises dans l’histoire parlementaire : en 2011 et 2014.

En gros, c’est un texte qui permet d’ajuster après coup certaines dispositions comptables du budget de la Sécurité sociale. Une modification de l’âge du départ en retraite y aurait donc toute sa place, puisque, rappelons-le, la Sécurité sociale, c’est aussi la branche vieillesse.

Ce n’est pas suffisant répond Fabien Roussel. Pour le secrétaire national du Parti communiste, il faut consulter les Français.

La proposition n’a rien de fantaisiste. En avril dernier, interrogé sur BFM, Emmanuel Macron avait déclaré ne pas l’exclure « sur quelque réforme que ce soit s’il y a trop de tensions ». Si une telle consultation peut éviter de déchirer le pays pendant des mois, c’est une bonne idée.

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