Site icon Pure politique

Violences lors de l’hommage à Adama Traoré et Nahel à Paris

Assa Traoré lors de la marche en hommage à Adama Traoré et Nahel, place de la République à Paris, le 8 juillet 2023. ©Purepolitique

C’est certainement la polémique des prochains jours, au moins à l’Assemblée nationale. Des députés de la Nupes ont participé à une manifestation interdite. Celle-ci s’est tenue samedi 8 juillet, place de la République à Paris, à l’appel du Comité Adama. Invoquant la proximité avec les émeutes de la semaine passée, la préfecture de police avait pourtant pris une mesure d’interdiction confirmée par le tribunal administratif.

Au nombre des députés insoumis, une dizaine, on remarquait notamment Éric Coquerel, Mathilde Panot, Antoine Léaument ou encore Danielle Simonnet. Trois élus écologistes étaient également présents : Sandrine Rousseau, Aurélien Taché et David Cormand. Le Parti socialiste, en désaccord avec l’emploi de l’expression « racisme systémique » dans l’appel initial de la manifestation, était absent. De même que le Parti communiste.

« La France incendiaire »

Le 10 juillet, dans un tweet, la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet s’est déclarée « atterrée ».

Au micro d’Europe 1, Aurore Bergé a enfoncé le clou.

La France insoumise utilise cet argument-là. Pas de la faute politique. Mais de volontairement aller dans des manifestations illégales pour essayer de faire croire que nous vivrions, ici en France, dans un pays autoritaire. Nous, dans le groupe, on a rebaptisé, dans le groupe que je préside, on a rebaptisé La France insoumise « La France incendiaire ».

Aurore Bergé, députée des Yvelines et présidente du groupe Renaissance, Europe 1-CNews, 9 juillet 2023

Bousculades et prises de paroles

Alors que s’est-il passé samedi ? Pure Politique était sur place. Il est 14 h 30. Sur la place de la République, les CRS, contrôlent les personnes présentes. Les pièces d’identité sont photographiées. Pour alimenter quel fichier ? Il serait intéressant que la préfecture de police le communique. Dans un angle de la place, Assa Traoré, prend la parole. C’est la sœur d’Adama, le jeune homme qui a trouvé la mort lors de son interpellation par les gendarmes de Persan, dans l’Oise, il y a sept ans.

On ne se laissera pas faire. La preuve : nous sommes là, et nous avons eu le dernier mot. Je le redis : nous sommes les familles de victimes mais nous ne serons jamais leurs victimes.

Assa Traoré, place de la République, 8 juillet 2023

Tandis qu’Assa Traoré s’exprime, les forces de l’ordre ont entrepris d’encercler les premiers manifestants. Bousculade. La nasse est rompue. La prise de parole reprend. Cette fois au pied de la statue de la République qui agrémente le centre de la place.

« La République c’est nous ! »

Que veut le gouvernement si ce n’est une provocation ? Alors je vous le dis : on ne va pas y céder, on va se rassembler ici, place de la République, à autant que nous voulons, le temps que nous voulons, pour dire que nous ne voulons plus de meurtre comme celui de Nahel. Nous le disons : la République, ici, c’est nous ! C’est nous !

Éric Coquerel, député LFI-Nupes de Seine-Saint-Denis et président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, place de la République, 8 juillet 2023

Une policière au porte-voix s’adresse à la foule pour la disperser.

La manifestation a été interdite par arrêté du préfet de police. Vous pouvez quitter la manifestation par le boulevard Magenta.

Policière, place de la République, 8 juillet 2023

Violente interpellation d’Yssoufou Traoré

Un rideau de députés s’interpose. Boulevard Magenta, loin de se disperser, les manifestants s’organisent en cortège. Les forces de l’ordre laissent faire. À proximité de la Gare de l’Est, un cordon policier dissuade d’aller plus loin. La brigade de répression de l’action violente motocycliste (BRAV-M) prend position dans une rue adjacente. Juchée sur un abribus, Assa Traoré appelle à la dispersion. 

Le gros de la manifestation se disperse gare de l’Est. Les gendarmes mobiles, en calot, ferment la marche. La manif est terminée, croit-on. C’est alors que vont se produire deux incidents. D’abord la violente interpellation d’Yssoufou Traoré, un des frères d’Assa Traoré. Il est accusé d’avoir porté un coup contre une commissaire de police au départ de la manifestation. Yssoufou Traoré a été blessé à l’œil lors de cette interpellation. Placé en garde à vue, il a été conduit à l’hôpital puis remis en liberté dimanche.

Des journalistes violentés

Les images de l’interpellation ont été tournées par le journaliste Clément Lanot. Quelques instants après les avoir captées, il va être victime de violences totalement injustifiées. Deux confrères seront brutalisés avec lui : Pierre Tremblay du HuffPost et Florian Poitout, photographe indépendant.

Nous sommes une quinzaine de journalistes, photographes ou reporters d’images à couvrir régulièrement les manifestations, y compris les plus violentes. Au fil du temps, les différents commissaires de police qui supervisent le dispositif nous ont identifiés. Aucune confusion ne peut être faite quant à notre qualité de journaliste. De notre côté, nous avons appris à travailler au cœur de l’action sans interférer avec les manœuvres des policiers et gendarmes. Chacun reste dans son rôle. 

Les choses se passent correctement avec les gendarmes et la plupart des compagnies de CRS. C’est un peu plus tendu avec les compagnies d’intervention, en particulier la numéro 12. Et ça dérape souvent avec la BRAV-M, dont la doctrine semble être de tabasser tout ce qui est à portée de matraque.

Enquête administrative ouverte

Défaut d’encadrement, stress, absence de discernement, les raisons sont sans doute multiples. Une chose est certaine : avec nos caméras et nos appareils photos, nous sommes les yeux et les oreilles des citoyens. La société a le droit de savoir comment s’exerce le maintien de l’ordre, car c’est en son nom qu’agissent policiers et gendarmes.

En décembre 2020, Gérald Darmanin entendait limiter la diffusion d’images des forces de l’ordre. C’était le fameux article 24 de la loi de sécurité globale. Devant les protestations de l’ensemble des syndicats et des rédactions, le ministre a dû renoncer. Le nouveau schéma national du maintien de l’ordre assure le libre exercice de notre métier de journaliste. Une enquête administrative vient d’être ouverte par la préfecture de police sur les violences contre mes trois confrères. Une bonne occasion pour le préfet Laurent Nuñez de rappeler aux policiers de la BRAV-M que les journalistes ne sont pas des cibles.

Quitter la version mobile