
François Bayrou sera-t-il encore Premier ministre au soir du 8 septembre ? En annonçant qu’il prononcerait ce jour-là une déclaration de politique générale devant les députés, déclaration suivie d’un vote, le Premier ministre a choisi d’appuyer lui-même sur le bouton du siège éjectable.
Cette clarification, pour moi, elle est urgente. Et il y a un lieu pour cette clarification, une institution, c’est le Parlement. Dans un débat ordonné, suivi d’un vote, et non pas dans le désordre des affrontements de rue et des injures. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au président de la République, il a accepté, de convoquer le Parlement en session extraordinaire le lundi 8 septembre, dans 15 jours. J’engagerai ce jour-là la responsabilité du gouvernement sur une déclaration de politique générale conformément à l’article 49 alinéa premier de notre Constitution.
Cette déclaration de politique générale aura pour objet de poser explicitement la question centrale, savoir s’il y a bien gravité du danger pour la nation, s’il y a urgence ou pas, et choisir la route qui permettra d’échapper à cette malédiction en retrouvant la maîtrise de nos finances.
François Bayrou, Premier ministre, le 25/08/2025
Article 50
C’est l’article 50 de la Constitution qui le dit : “Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement”. En clair, François Bayrou joue à quitte ou double. D’ores et déjà, la France insoumise et le Rassemblement national ont annoncé qu’ils ne voteraient pas la confiance.
Bien évidemment, le 8 septembre, nous qui demandions une session extraordinaire, nous nous réjouissons de cette première victoire de la mobilisation populaire. Et nous voterons pour faire tomber Bayrou et son gouvernement. Et je crois que nous avons là un appel pour chacun et chacune à continuer de se mobiliser.
Mathilde Panot, député LFI et présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, le 25/08/2025
Sans surprise, nous ne donnerons pas notre confiance à François Bayrou. Ne ne pouvons donner notre confiance à un gouvernement composé de macronistes, de Républicains et de socialistes qui sont tous ceux qui ont échoué depuis 30 ans, qui sont responsables de la situation et le constat que fait aujourd’hui François Bayrou.
Thomas Ménagé, député Rassemblement national, le 25/08/2025
Marine Le Pen a été encore plus loin. Dans un post publié sur X, elle réclame la dissolution de l’Assemblée nationale. Faisons un rapide calcul. L’Assemblée compte en ce moment 574 sièges pourvus. Pour obtenir la confiance, le Premier ministre doit recueillir 288 voix. Le camp des députés qui ne voteront pas la confiance (RN, UDR de Ciotti, LFI, écologistes et PC) s’élève déjà à 264 voix. Ce sont donc les socialistes qui feront la différence. Avec les apparentés au groupe, ils sont au nombre de 66. La survie de François Bayrou est donc entre leurs mains. Et manifestement, en l’état, le Premier ministre n’a rien à attendre d’eux.
J’ai vu un Premier ministre qui était sourd à la colère du peuple. Un Premier ministre qui s’était entêté tout l’été à faire un château de cartes de son budget. Mais finalement, aujourd’hui on voit bien que c’est un château de cartes extrêmement fragile parce qu’il n’a pas de majorité.
Arthur Delaporte, député « Socialistes et apparentés », le 25/08/2025
Bayrou est cuit
Quelques minutes plus tard, dans le quotidien Le Monde, Olivier Faure s’est montré encore plus clair.
“François Bayrou a fait le choix de partir. Dans les conditions de majorité actuelle, il sait qu’il ne peut obtenir un vote de confiance des oppositions. C’est une autodissolution. Il pense le faire avec le panache de quelqu’un qui envisage une autre étape de sa vie politique. Il est évidemment inimaginable que les socialistes votent la confiance au Premier ministre.”
Samedi, François Bayrou assurait cependant que le groupe socialiste ne prendrait pas le risque le renverser. “Ils y laisseraient la peau, car, derrière, l’extrême droite emporterait la mise.” Mais on ne peut pas empêcher les gens d’être suicidaires.” Ce calcul fait l’impasse sur une échéance qui structure désormais les comportementspolitiques : les élections municipales de mars 2026. Si François Bayrou se maintenait à Matignon, parce que les socialistes lui auraient accordé leur confiance, ces derniers en paieraient le prix dans chacune des villes où leurs candidats sont menacés. Pourtant, François Bayrou avait un plan. S’il a proposé à la mi-juillet la suppression de deux jours fériés, c’est bien parce qu’il espérait s’en servir comme monnaie d’échange avec les socialistes.
Le deal envisagé par le matois béarnais était le suivant : “Vous ne votez pas la censure et moi je renonce à la suppression des jours en question. Vous aurez votre trophée et moi je garde mon poste.” Car sur le fond, pour emblématique qu’elle soit, cette disposition budgétaire n’est pas celle qui rapporte le plus. 4 milliards sur les 44 à trouver. Le gel des prestations sociales et des pensions de retraites va faire autrement plus de dégâts. Comme la reconduction du barème de l’impôt de l’année dernière. Des salariés qui n’étaient pas imposables jusqu’alors vont le devenir. Et parmi ceux qui acquittent l’impôt sur le revenu, beaucoup vont passer dans une tranche supérieure d’imposition.
Que dire encore de la suppression de l’abattement forfaitaire des retraités ? Ou du doublement de la franchise sur les médicaments ? Mais le marchandage qu’envisageait François Bayrou avec les socialistes n’a pas eu le temps de se mettre en place. Le spectre du 10 septembre a court-circuité le scénario. François Bayrou l’a reconnu.
J’ajoute que ces derniers jours sur ce débat s’est greffé un mouvement de contestation radical dont LFI et monsieur Mélenchon ont maintenant pris la tête qui vise selon leurs propres termes à bloquer tout et à la grève générale. Il y a quelques années, monsieur Mélenchon avait défini sa stratégie : pour obtenir à terme la révolution, il fallait “tout conflictualiser”.
Conflictualiser, c’est de faire de tous les sujets une guerre, un affrontement, parce que le conflit systématique mène au désordre et que le désordre abat la société. Il a revendiqué cette semaine devant ses troupes cette phrase qui a été rapportée : “Nous sommes des spécialistes dans l’organisation du bordel.”
François Bayrou, Premier ministre, le 25/08/2025
Le Premier ministre a donc décidé de mettre en scène sa sortie. Plutôt que d’être remercié au terme d’un épuisant débat budgétaire qui se solderait par une motion de censure, François Bayrou a préféré prendre le taureau par les cornes. Mais il y a longtemps que le matador a perdu son habit de lumière. N’est pas Pierre-Mendès France qui veut. Dans l’hebdomadaire Paris-Match de cette semaine, Emmanuel Macron assurait qu’il ne dissoudrait pas l’Assemblée nationale si François Bayrou venait à être renversé. Mais les engagements du président de la République se sont singulièrement dévalués ces dernières années. On verra bien.