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Retraites : la semaine où tout peut basculer

Olivier Dussopt est dans le collimateur du Parquet national financier dans le cadre d’un marché passé en 2009 ©DR

C’est une course contre la montre qui vient de s’engager cet après-midi. Vendredi 17 février, à minuit, quoi qu’il arrive, les débats sur le projet de loi réformant les retraites prendront fin à l’Assemblée nationale. Que le texte ait été voté ou non, comme le prévoit l’article 47-1 de la constitution.

C’est un exécutif affaibli qui entre dans cette nouvelle bataille. Il a déjà perdu celle de l’opinion comme l’ont mis en évidence les deux journées de manifestation du mois de janvier.

Le ministre du Travail dans le collimateur de la justice

Et ça ne devrait pas s’arranger. Une vilaine affaire est venue disqualifier le ministre du travail, Olivier Dussopt. Cet ancien socialiste incarnait déjà le reniement. Depuis vendredi, il incarne aussi l’absence d’intégrité. Médiapart a révélé que le Parquet national financier a retenu contre lui l’infraction de favoritisme dans le cadre d’un marché public passé en 2009. Alors député-maire d’Annonay en Ardèche, l’ancien socialiste aurait conclu un arrangement avec la Saur, un groupe de traitement des eaux. Des échanges saisis lors d’une perquisition en 2020, attesteraient de la réalité de cette entente contraire à la loi.

Interrogé sur France Inter le 4 février, l’intéressé se défend de tout arrangement.

Je conteste cette idée d’arrangement, et j’aurai l’occasion de dire pourquoi je le conteste. Il y a une enquête qui a été très fouillée, très méticuleuse sur une quinzaine d’années. Il n’y a pas d’échanges trouvés à mon domicile. On parle d’une société qui avait la délégation de service public depuis 42 ans.Donc évidemment qu’il fallait se parler, se voir, c’était normal.

France inter 4/2/2023

Rappelons-le, Olivier Dussopt est présumé innocent. Rien ne dit que cette infraction supposée débouchera sur un procès et encore moins une condamnation.

Un gouvernement affaibli par l’affaire Dussopt

Mais pour ce qui est de défendre le projet de loi du gouvernement, c’est mort.

Comment convaincre l’opinion que la réforme est juste quand on est soi-même soupçonné d’avoir abusé de ses prérogatives d’élu local et national ?

Autant demander à un chauffard a qui l’on a retiré son permis de donner des conseils sur la sécurité routière à la veille des grands départs.

Invité dimanche du Grand jury RTL, Jordan Bardella, le président du Rassemblement national ne s’est pas privé de flinguer le ministre. Un avant-goût de la petite musique qui est en train de s’installer.

On parle là d’une réforme des retraites qui est rejetée par l’opinion et qui va désormais être portée par un ministre affaibli. Il y a, autour de ce gouvernement, un halo de corruption. On avait parlé des affaires McKinsey, des Uber Files, etc, qui à chaque fois remettaient en cause la probité du gouvernement et qui donnent le sentiment que nous sommes dirigés par des liquidateurs.

Alors l’exécutif peut-il trouver une majorité pour voter son texte ? Toutes les simulations le confirment : ça va se jouer à quelques voix.

Les Républicains toujours divisés

Même dans le camp présidentiel, des députés se montrent hésitants. Et les élus Républicains, potentiels alliés dans cette bataille parlementaire, se montrent de plus en plus frileux. Parmi les manifestants des dernières semaines, il y avait aussi beaucoup de leurs électeurs.

Sur France 2, jeudi soir, la Première ministre a affirmé qu’elle n’utiliserait pas l’article 49-3.

Je vous dis, mon objectif sur ce texte, comme sur tous les textes que mon gouvernement présente au Parlement, c’est de trouver des compromis. Je n’envisage pas cette hypothèse (le 49 -3 NDLR). Je suis en train de vous dire que je cherche des compromis sur ce texte comme sur tous ceux que présente mon gouvernement.

France 2 L’Événement 2/02/23

Pour trouver les compromis en question, Élisabeth Borne a lâché un peu de lest. Dans le Journal du dimanche, elle déclare fièrement « Nous allons bouger ». Au passage, on appréciera la capacité de retournement de la dame. La semaine dernière, elle annonçait que l’âge de 64 ans n’était pas négociable.

Extension du dispositif carrières longues

Le geste d’Élisabeth Borne se révèle bien timide. La Première ministre explique qu’elle va élargir le dispositif carrières longues. C’est-à-dire permettre aux personnes qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans de partir à la retraite à 63 ans.

Or le dispositif en question prévoit qu’il faut également avoir cotisé 5 trimestres avant 21 ans, ce que se garde de rappeler la Première ministre.

Du coup, à droite, ça ne passe pas. Du moins, du côté d’Aurélien Pradié, le député LR du Lot. Sut Twitter, Il a descendu en flammes la Première ministre.

Cette réaction abrupte n’a pas été du goût d’Éric Ciotti et d’Olivier Marleix. Le patron du parti et celui du groupe parlementaire estiment que Pradié pousse le bouchon trop loin. Une réunion du groupe, ce lundi soir, devait permettre de laver le linge sale en famille.

Laurent Berger n’est pas convaincu

Du côté des syndicats, l’extension du dispositif carrières longues n’a pas davantage convaincu Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT :

C’est l’illustration qu’on est face à une réforme qui prend le paramètre le plus injuste qui est l’âge, et qui ensuite s’aperçoit que ce paramètre, le plus injuste, va créer des distorsions, ne va pas mettre fin, loin s’en faut, aux inégalités  qui sont déjà existantes dans le système actuel mais va les accentuer, et essaie de mettre des rustines. Quand on va mettre une rustine à un endroit, on va dire : “Oui mais de l’autre côté ça ne tient pas non plus.”

France inter 5:02/2023

La pirouette de l’exécutif sur les carrières longues trahit surtout sa fébrilité. À l’évidence, l’ampleur de la mobilisation l’a surpris. Et il ne sait toujours pas comment reprendre l’initiative.

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