Le chef de l’Etat organise un dîner ce mercredi 28 septembre à l’Elysée pour discuter des modalités de la nouvelle réforme des retraites, promesse de campagne d’Emmanuel Macron.
La date est fixée : c’est donc ce mercredi soir, à l’Élysée, que le Président de la République, Emmanuel Macron, la Première ministre, Élisabeth Borne et le Président du Modem, François Bayrou, décideront de la façon dont ils entendent faire passer la réforme des retraites. Deux voies s’offrent à eux : le dépôt d’un amendement ou la présentation d’un projet de loi début 2023.
Dans le premier cas, cela pourrait se passer lors de l’examen, en octobre, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L’amendement porterait l’âge légal de départ à 64 ou 65 ans. Dans le second cas, la présentation d’un projet de loi interviendrait en janvier 2023.
Une méthode qui divise
La question n’est pas anecdotique car le recours à un amendement ne fait pas l’unanimité dans les rangs de la majorité présidentielle. Pour François Bayrou, cette façon de procéder pourrait jouer le même rôle que la taxe carbone dans le déclenchement du mouvement des gilets jaune. Il l’a rappelé à ses partisans dimanche dernier, à l’occasion de l’université de rentrée de son parti :
« Les gouvernants portent des réformes, mais s’ils n’ont pas le soutien du peuple qui les a élus. Ces réformes sont bloquées et ne passent pas. Parce que la société est tellement éruptive, tellement capable de s’enflammer. Et même de violence. »
Le président du Modem conseille la voie de la tempérance :
« On n’est pas aux pièces. Prendre trois ou quatre mois pour réfléchir ensemble, mettre sur la table des faits, des options, et des propositions, moi je pense que ça serait bon, pas seulement pour la paix civile, mais pour la réforme elle-même. »
Le président du Modem a raison de s’inquiéter. La voie de l’amendement pourrait conduire à l’escalade. Faute de disposer d’une majorité absolue à l’Assemblée, le gouvernement pourrait être contraint de recourir à l’article 49-3. La Première ministre n’écarte pas cette hypothèse, comme elle l’ évoque ce matin chez nos confrères de BFMTV :
« La méthode c’est le dialogue, la recherche de compromis. En même temps, je pense que les Français ne comprendraient pas qu’on soit bloqués. C’est vrai sur le budget, c’est vrai sur les réformes importantes qu’on veut porter. Donc c’est un des outils qui est à la disposition du gouvernement si on constate une situation de blocage. »
Que dit l’article 49, alinéa 3 de la Constitution ? Réponse : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. »
Les oppositions dans les starting blocks
Et cette motion de censure, une partie des oppositions a d’ores et déjà l’intention de la déposer, à l’image du Rassemblement National, comme l’explique Sébastien Chenu, député RN du Nord :
« Nous ne nous interdisons rien. C’est même pour cela qu’on a été élu. Nous déposerons si c’était nécessaire, nous-mêmes, une motion de censure. On n’a pas besoin des autres. On est le premier groupe d’opposition, ce sera plutôt aux autres groupes de se positionner si nous déposons une motion de censure. »
Le député se dit même prêt à voter une motion déposée par la Nupes :
« On ne s’interdit pas d’en voter une autre si on jugeait ça intéressant et opportun. Il faut que le gouvernement comprenne que nous sommes une opposition exigeante et que la brutalité avec laquelle ils comptent entreprendre cet examen du PLFSS [Projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, NDLR] nous semble totalement décalée. »
Mathilde Panot, députée et présidente du groupe La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale confirme la réciproque :
« Nous sommes prêts à regarder avec les différentes oppositions mais nous aimerions prendre l’initiative. Nous réfléchissons et allons proposer notamment à la Nupes que, même en cas d’amendement dans le PLFSS qui serait un cas de passage en force et de violence fait au peuple absolument insupportable, nous déposerons une motion de censure sur les retraites. »
Sébastien Jumelle, député du Parti Communiste de Seine-Maritime abonde dans ce sens :
« Il y aura une motion de censure si le gouvernement dépose de force un amendement pour faire passer la mauvaise réforme des retraites. Pourquoi ? La réponse c’est le fond. Cette réforme, les Français n’en veulent pas. Cette réforme c’est une retraite “pour la mort” comme disait la CGT en 1910. »
Les Républicains en arbitre
Cependant, selon Pieyre-Alexandre Anglade, député Renaissance des Français établis hors de France, le recours à l’article 49-3 n’est pas aussi inéluctable qu’il y paraît :
« Mais pourquoi partir du postulat qu’il y aurait un 49-3 dès le début ? Nous on part dans une logique de discussion, de construction et de compromis, comme on l’a fait depuis le début. Il y a un constat qui est partagé par les groupes de la majorité mais aussi par certains groupes d’opposition qu’il faut faire cette réforme des retraites. Le Modem a dit qu’il n’était pas favorable à cette possibilité. C’est un partenaire important de notre majorité, et donc il faut évidemment qu’on discute sur les voies et moyens de faire advenir cette réforme. Mais aujourd’hui ne partons pas avec des lignes rouges. »
Et les députés Les Républicains (LR) dans tout ça ? Ce sont eux qui peuvent faire la différence, puisqu’ils sont favorables à une réforme, comme l’a rappelé Olivier Marleix, député LR d’Eure-et-Loire, le 20 septembre chez nos confrères de Radio J :
« On n’a pas de problème particulier avec le critère de l’âge, puisque c’est même la contre-proposition que nous avons mis sur la table, de proposer, d’aller progressivement vers 64 ans. Oui, il faut faire une réforme des retraites. Oui, on peut aller vers 64 ans, mais prenons un minimum le temps de la concertation. »
Dans le cas du dépôt d’un amendement repoussant l’âge légal de la retraite, les Républicains le voterait. Ils se retrouveraient donc contraints de voter l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale les faisant ainsi basculer dans la majorité présidentielle.
La motion peut-elle passer ?
Ce n’est pas complètement impossible. Pour qu’elle soit adoptée, il faut réunir 289 voix. En additionnant la Nupes et le RN, on obtient un total de 240 voix. Il manque 49 voix. Dès lors, si une partie des Républicains épaulés par quelques députés du groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) venaient à voter la motion de censure, le gouvernement pourrait être renversé.
Si la motion de censure venait à l’emporter, Emmanuel Macron nommerait un nouveau Premier ministre. Ce qui ne fait pas l’affaire d’Élisabeth Borne. Mais le président pourrait aller plus loin. Et dissoudre l’Assemblée au motif que celle-ci aurait fait la démonstration devant les Français que le débat est bloqué.