Et si 2023 voyait le gouvernement être renversé par une motion de censure ? Depuis quelques jours, ce scénario commence à prendre corps. Au point qu’il explique sans doute le report de la présentation du projet de loi sur les retraites. De la mi-décembre, le gouvernement est passé au 10 janvier.
Il y a d’abord la mauvaise humeur des députés LR. Jusqu’ici, ces derniers refusaient de s’associer à une quelconque motion de censure. Du coup, le gouvernement a usé et abusé de l’article 49-3 de la Constitution. Mais les choses sont en train de changer.
Olivier Marleix, le patron des députés LR ne veut pas entendre parler du report de l’âge légal à 65 ans. 63 ans, ce serait déjà bien suffisant pour lui. A plusieurs reprises, il a agité la menace du dépôt d’une motion de censure si le gouvernement tente de lui forcer la main en recourant à l’article 49-3.
La réunion du groupe, ce mardi, a donné lieu à des échanges musclés. Certains députés estiment qu’il ne faut pas aller contre une opinion hostile à cette réforme. D’autres soutiennent en revanche qu’il s’agit d’une vraie mesure de droite, un marqueur. L’électorat des Républicains ne comprendrait pas que la projet de loi ne soit pas voté par le groupe parlementaire.
Autre écueil, le groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires).
Fin octobre, Emmanuel Macron avait déclaré qu’il souhaitait élargir sa majorité relative à ces centristes qui s’ont souvent dans le compromis.
Eh bien, c’est mal parti. Bertrand Pancher a déclaré à plusieurs reprises que lui et ses amis « ne veulent pas de la retraite à 65 ans ». Le président du groupe a annoncé que celui -ci voterait une motion de censure si le gouvernement engageait sa responsabilité.
C’est le moment de sortir la calculette. Si l’on additionne les votes de tous les groupes hostiles à la réforme des retraites, ça nous donne :
149 voix de la Nupes + l88 voix du RN + 20 de Liot, soit un total de 257 voix.
La majorité absolue à l’Assemblée est à 289 voix. Il suffit donc que 32 députés des 60 députés LR basculent pour que la motion de censure soit adoptée. En l’état du rapport de force aujourd’hui, c’est envisageable.
On n’y est pas encore. Mais pour la première fois de cette législature, la porte est entrouverte.
D’autant que les députés du MoDem ont des états d’âme.
Le MoDem ne conteste pas le fond de la réforme. En revanche, les mesures d’âge sont loin d’être applaudies.
Plutôt qu’un report à 65 ans, certains députés préféreraient l’allongement de la durée hebdomadaire du travail – une proposition formulée en son temps par François Bayrou. Il suffirait de 30 minutes pour dégager un surplus de cotisations qui garantirait l’équilibre.
D’autres députés du groupe penchent pour une augmentation des cotisations employeurs. Bref, le MoDem est prêt à envisager toutes les solutions plutôt que de se lancer dans un bras de fer avec les syndicats.
Du côté du gouvernement, on essaie de ruser. Au cours des consultations menées avec les groupes parlementaires, le ministre du travail Olivier Dussopt a laissé entendre qu’il pourrait recourir à deux véhicules législatifs.
Un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) qui repousserait l’âge de départ à 65 ans. Et un second projet de loi qui comporterait les mesures sur la pénibilité, les carrières longues et les retraites plancher.
Le gouvernement pourrait ainsi « griller « un 49-3 pour faire passer le premier projet. S’agissant d’une loi de finances, l’engagement de la responsabilité du gouvernement n’est pas limitée.
Le second texte pourrait en revanche rassembler une majorité autour de lui, ce qui pourrait éclipser le passage en force institutionnel du premier.
La ficelle est un peu grosse.
Si ce report de la présentation du projet de loi sur les retraites traduit les inquiétudes de l’exécutif, il présente aussi un avantage pour le gouvernement. Entre la présentation et l’examen en commission, les députés ne disposeront plus que de 10 jours pour s’approprier le projet de loi.
10 jours pour s’approprier un texte qui va engager la vie de millions de Français pour les années à venir…
En prenant ses fonctions, Élisabeth Borne avait promis d’installer une autre méthode de gouvernement. On connaît maintenant son nom : la régression démocratique.