C’est une année noire qui se profile pour l’emploi. Même Marc Ferracci, le ministre délégué chargé de l’Industrie en convient.
Il y a des dossiers d’entreprises en difficulté, des annonces de fermetures de sites, il y en aura probablement dans les semaines et les mois qui viennent. Je ne vais pas donner des chiffres mais évidemment que ça va se compter en milliers d’emplois. On ne peut pas les évaluer précisément.
Pourquoi on ne peut pas les évaluer précisément ? Parce que sur chaque dossier on se bat.
Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’Industrie, le 9/11/2024
Pour l’heure, Il y a déjà les 2 389 emplois supprimés chez Auchan. Et les 1 252 emplois menacés chez Michelin. Le fabricant de pneumatiques a annoncé la fermeture de deux centres de production : à Vannes et à Cholet. C’est justement sur ce dernier site que s’est rendu Marc Ferracci vendredi. Un triomphe !
On comprend que le ministre de l’Industrie ne veuille pas s’avancer sur le nombre de licenciements à venir. Qu’à cela ne tienne. Il suffit de se rendre sur le site de l’Observatoire français des conjonctures économiques pour avoir une idée précise de la catastrophe qui s’annonce.
“En 2025, les destructions d’emplois devraient se concentrer dans la seconde moitié de l’année. Au total, l’emploi diminuerait de 140 000. Le taux de chômage atteindrait 7,5 % fin 2024 et 8 % fin 2025.”
Dans le Journal du dimanche, Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre du Travail et de l’Emploi confirme la dégradation de la situation : “Les conditions économiques se durcissent sensiblement, avec une accélération du nombre de procédures collectives ouvertes par les entreprises en difficulté. Avec, de surcroît, des transformations structurelles dans l’automobile ou la grande distribution. Ces fragilités exigent de poursuivre une politique de l’offre qui a donné de bons résultats.”
La politique de l’offre nous conduit droit dans le mur
Poursuivre la politique de l’offre. C’est là qu’on mesure le degré d’aveuglement idéologique du dernier carré des macronistes. La politique menée depuis 7 ans conduit au naufrage et pourtant ils s’entêtent. Cap sur l’Iceberg !
Nous sommes face à une situation conjoncturelle mondiale extraordinairement délicate. Et les récents résultats électoraux aux Etats-Unis nous appellent, comme l’a dit le Premier ministre, en Européens, à travailler davantage ensemble pour soutenir la croissance et la compétitivité au niveau européen. Et le faire sans naïveté.
C’est pour cela que la France a inspiré l’évolution des droits de douane sur les véhicules asiatiques pour préserver les entreprises qui sont aujourd’hui, qui font face aujourd’hui à une concurrence extrêmement agressive et extrêmement hostile. Notre pays, ces dernières années, avec la majorité à laquelle nous appartenons aujourd’hui, sous une autre forme, a soutenu des réformes indispensables pour le pays et pour les entreprises qui ont créé des emplois.
Cette politique de l’offre doit se poursuivre parce qu’il n’y a pas d’autre politique que la politique de l’offre qui crée des emplois, qui crée de l’activité et qui crée de la croissance dans notre pays.
Antoine Armand, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, le 6/11/2024
L’excuse de la conjoncture internationale
Ah ben voilà ! C’est la méchante conjoncture internationale qui attaque la gentille politique de l’offre. Celle qui fait ruisseler la prospérité dans tous les foyers français comme chacun le sait. Dimanche, sur LCI, l’ineffable Aurore Bergé tentait un exercice de haute voltige en convoquant la théorie de la destruction créatrice. Schumpeter, sors de ce corps.
Moi ce qui m’intéresse, en tant que responsable politique, c’est assumer le fait qu’il y a des emplois qui vont malheureusement disparaître parce qu’ils ne correspondent plus aux attentes, aux volontés des consommateurs, des Français. La question c’est toujours : est-ce qu’il y a plus de création que de destruction ?
Aurore Bergé, députée EPR, le 10/11/2024
Bref, c’est la marche du monde, braves gens. On n’y peut rien. Ce n’est pas l’avis de Sophie Binet.
La CGT a recensé plus de 180 plans de licenciements. La responsabilité de cette catastrophe industrielle est celle du patronat, parce que c’est la résultat du coût du capital exorbitant, c’est le résultat de la stratégie des marges des grandes multinationales. Et puis la deuxième responsabilité c’est évidemment celle du gouvernement et de sa politique de l’offre.
Sophie Binet, Secrétaire générale de la CGT, le 7/11/2024
La découpe de la SNCF
À la SNCF, l’ensemble des organisations syndicales appellent à un mouvement de grève le 21 novembre. Une salve d’avertissement avant une grève illimitée à partir du 11 décembre. Les syndicats s’opposent à la liquidation d’une filiale de la SNCF, Fret ferroviaire. 5 000 cheminots sont concernés. 4 500 vont changer d’employeur tandis que 500 postes seront supprimés. Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut remonter à 2006. Cette année-là, le secteur du fret ferroviaire s’ouvre à la concurrence. Cependant, la filiale de la SNCF peine à entrer dans la compétition. Manque de souplesse et médiocre qualité de service.
Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Pendant 30 ans, la SNCF a privilégié le TGV au détriment des trains du quotidien et du transport des marchandises. Dans le même temps, le transport routier montait en gamme. Entre 2007 et 2019, la SNCF va donc aider sa filiale à boucler ses fins de mois. Un coup de pouce de 5,3 milliards d’euros. Mais qui reste insuffisant. Faute d’un grand plan de d’investissement, la part du train dans le transport des marchandises reste plus faible en France que chez nos voisins. À peine 11 % contre 17 % en moyenne.
La Commission européenne finit par trouver que ces coups de pouce successifs faussent la concurrence. Elle menace d’exiger le remboursement des sommes versées. En 2023, un compromis est trouvé. Aux termes de celui-ci, le gouvernement français accepte d’abandonner une partie du fret de la SNCF aux opérateurs privés. 20 % des contrats et 30 % du trafic changent ainsi de main.
Comme par hasard, ce sont les lignes les plus rentables qui sont rétrocédées. Elles ont pourtant été payées par les contribuables français. C’est-à-dire nous tous. Le gouvernement s’est également engagé à restructurer Fret ferroviaire. Deux nouvelles sociétés prendront le relais à partir du 1er janvier 2025 : Hexafret pour le transport de marchandises, et Technis pour la maintenance des locomotives. Et c’est là que surgit le changement de statut des cheminots et les 500 suppressions de postes. François Durovray, ministre délégué aux Transports et la direction de la SNCF accepteront-ils le moratoire réclamé par les syndicats ? Le gouvernement y aurait tout intérêt. Car dans la même période, les agriculteurs pourraient retrouver le chemin des barrages. Leur situation n’a pas vraiment évolué depuis l’année dernière.
Et la signature imminente par l’Union européenne du traité de libre-échange avec les pays latino-américains, le Mercosur, enflamme toutes les exploitations. A cette confluence des contestations pourrait s’ajouter celle des fonctionnaires. Jeudi, ils feront grève à l’appel de FO et de la CGT. Le prélude à de futures mobilisations en décembre.
Suspendu dans le vide, Michel Barnier peut-il prendre le risque d’un bras de fer avec le mouvement social ? Certes, l’éternel refrain sur les grévistes qui prennent en otage les usagers fera son travail de sape. Mais l’inquiétude et le mécontentement du pays sont tels que la prochaine motion de censure pourrait bien s’exprimer dans la rue.