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Michel Barnier fait la tournée des partis de droite et Emmanuel Macron nargue les électeurs

Michel Barnier, Premier ministre, à Paris le 11/09/2024 ©PublicSénat

C’est plus fort que lui. Emmanuel Macron ne peut s’empêcher de narguer ceux qu’il vient de duper. En l’occurrence les électeurs. C’était hier, au Conseil d’État.

Le peuple d’aujourd’hui, souverain, qui s’exprime par le suffrage qu’il faut toujours prendre en compte parce que c’est le fait premier en toute démocratie. La souveraineté du peuple, ce sont cette exigence et ce combat. Et à la place qui est la mienne, conformément à mes devoirs, je veillerai toujours à notre souveraineté dans ces aspects évoqués, corollaires de l’indépendance de notre nation.

Emmanuel Macron le 11/09/2024

Le culot d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron ne respecte rien. Et surtout pas le verdict des urnes. Si l’on additionne les électeurs du RN et ceux du Nouveau Front Populaire, 20 millions de Français ont voté pour une rupture franche avec le macronisme. Pas la même, bien sûr. Et voilà qu’ils vont se retrouver avec un bon gros gouvernement de droite. Comme avant. À cette seule différence que Les Républicains sont passés du rôle de force d’appoint à celui de pivot du conglomérat qui va soutenir Michel Barnier.

Cinquième parti dans l’hémicycle avec 47 députés, Laurent Wauquiez et ses amis de la Droite républicaine vont jouer un rôle déterminant auprès du nouveau Premier ministre. On applaudit la performance. En juillet, pourtant, Laurent Wauquiez excluait toute coalition.

Nous ne participerons pas à des coalitions gouvernementales. Nous ne croyons pas qu’on peut répondre à la crise d’un pays par des combinaisons d’appareils.

Laurent Wauquiez, député LR et président du groupe LDR à l’Assemblée nationale, le 10/09/2024

Mais à Annecy où les députés LR sont réunis pour leurs journées parlementaires, l’ivresse des cimes a frappé. Voilà que les mauvais coucheurs d’hier veulent participer au gouvernement. Ils se disputent déjà les postes. Laurent Wauquiez se verrait au ministère de l’Intérieur. Annie Genevard à l’éducation. Et Bruno Retailleau en pince pour la place Vendôme ou Bercy. Michel Barnier s’est transformé en père Noël de la droite. À Reims où se réunissaient hier les députés du groupe Horizons, il a été chaleureusement accueilli. Il y aura en effet des ministres Horizons au gouvernement. Naïf ou bon comédien, le Savoyard s’est montré chamboulé par les témoignages d’affection reçus.

J’ai été très touché par l’accueil que j’ai reçu de la présence d’Edouard Philippe avec les deux présidents de groupes, les sénateurs et les députés. Sincèrement j’ai été très touché, même ému par l’accueil.

Michel Barnier, Premier ministre, le 11/09/2024

Le Père Noël de Matignon

À Cély-en-Bière, mercredi soir, Michel Barnier a encore fait des promesses. Cette fois, au MoDem qui tenait ses journées parlementaires dans cette commune de Seine-et-Marne. Il y aura des portefeuilles ministériels pour les amis de François Bayrou. Il n’y a que les rescapés du parti macroniste pour se montrer grognons. « Notre soutien ne peut pas être tenu pour acquis » a déclaré Gabriel Attal, mardi, en ouvrant la réunion de rentrée des 97 députés d’Ensemble pour la République. Mais en même temps, c’est le cas de le dire, Renaissance entend se tailler la part du lion dans le gouvernement.

Bref, le père Noël de Matignon est prié de se montrer généreux s’il veut des enfants sages dans l’hémicycle. Sortons la calculette. En additionnant la droite républicaine aux trois groupes du bloc central – Horizons, MoDem et Ensemble pour la République – on arrive péniblement à 213 députés. Par conséquent, cet attelage n’a d’autre espérance de vie que celle que lui accordera le Rassemblement national. Ce matin, Jean-Philippe Tanguy a rappelé les limites que son parti fixait en matière budgétaire.

50 ans de déficit. Ça fait 50 ans que tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche, de droite, du centre, ont voté des budgets en déficit. Il faut une trajectoire de redressement sérieuse des finances publiques, une baisse de la pression fiscale sur les classes populaires et les classes moyennes et relever les grands défis de demain : le contrôle de l’immigration, relever l’éducation.

Jean-Philippe Tanguy, député RN, le 12/09/2024

Ça tombe bien, la droite est sur la même ligne. Pas question d’augmenter les recettes fiscales en taxant les plus riches ou en diminuant les aides accordées aux entreprises sans contreparties. On va réduire la dépense publique et dégrader un peu plus les services du même nom. Depuis le temps, le refrain est connu : “Ne vous inquiétez pas, on va vous apprendre à faire mieux avec moins”. On verra ce qu’en disent les syndicats le 1er octobre lors de leur journée de mobilisation.

Et la réforme des retraites dans tout ça ? Le Rassemblement national prévoit de proposer son abrogation aux députés lors de sa journée d’initiative parlementaire du 31 octobre. Ce qu’on appelle une niche. Cette proposition de loi embarrasse la gauche. Si celle-ci vote le texte proposé par le RN, elle sera accusée de collusion avec l’extrême droite. Si elle ne le vote pas, elle fait le jeu de Michel Barnier et Emmanuel Macron.

On vous a expliqué qu’on allait discuter aussi avec nos partenaires, que nous allons discuter avec notre groupe, et que notre principe a toujours été le même depuis deux ans. A chaque fois nous avons dit que nous n’étions pas dans une forme d’alliance avec le Rassemblement national et que nous ne votions pas les propositions. On ne l’a fait sur aucun, contrairement à la majorité présidentielle.

Benjamin Lucas, député écologiste et social, le 10/09/2024

Pour éviter ce piège, les stratèges du Nouveau Front Populaire envisagent de déposer un amendement de suppression de la réforme lors du débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L’examen du texte devrait intervenir avant la niche parlementaire du RN. Les mêmes stratèges espèrent contraindre le groupe de Marine Le Pen à voter l’amendement en question. Michel Barnier a indiqué que la composition du gouvernement serait annoncée la semaine prochaine.

L’urgence du budget

La convocation d’une séance extraordinaire de l’Assemblée nationale s’éloigne donc. L’ennui, c’est qu’il faut préparer le budget. Les députés doivent l’examiner à partir du 1er octobre, date à laquelle reprennent les travaux législatifs. Les ministres démissionnaires ont omis de livrer tous les documents nécessaires.

On a déjà six semaines par rapport à ce que prévoit la loi sur la transmission des informations budgétaires au Parlement. Le Parlement a le droit de se saisir d’une de ses prérogatives essentielles qui est de discuter du budget.

Nous exigeons au moins que les deux plafonds qui ont été transmis au ministère, que les représentants de la nation puissent en disposer pour commencer à débattre. Nous irons les chercher avec Charles de Courson, lundi à Matignon.

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 12/09/2024

Le débat budgétaire est sans doute le débat parlementaire le plus politique qui soit. C’est là que se décide l’avenir du pays. La division des députés en trois blocs sensiblement égaux promet des échanges vifs. Comme ses prédécesseurs, le gouvernement Barnier sera tenté d’avoir recours à l’article 49-3. Mais cette fois, l’adoption d’une motion de censure est un risque réel.

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