
En quelques jours la situation s’est emballée. D’une crise sanitaire, la dermatose des bovins, la France est passée à une crise politique européenne. Et la colère des éleveurs s’est étendue à l’ensemble du monde agricole. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, veut absolument signer ce samedi le traité de libre-échange avec quatre pays d’Amérique du Sud, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. C’est le fameux Mercosur. Seulement voilà…
Cela fait plusieurs semaines que le président affirme clairement que nous n’avons pas de visibilité suffisante sur les trois conditions demandées, que vous connaissez, les mesures miroirs, la clause de sauvegarde et les contrôles. Cela reste vrai aujourd’hui, et en l’état le président de la République a tenu à dire, et ce sont ses mots, que, je cite : “S’il y avait une volonté de passage en force de la part des instances européennes, la France s’opposerait de manière très ferme”.
Maud Bregeon, porte-parole du Gouvernement, le 17/12/2025
Caramba ! Le président de la République tient tête à la présidente de la Commission. Simple posture ou réelle épreuve de force ? Mardi, Marine Le Pen penchait pour la première hypothèse.
Tout ça est une vaste hypocrisie. La réalité c’est qu’il savait depuis des mois, voire des années, que les clauses soit disant de sauvegarde étaient totalement bidons. Tout le monde le sait, et tout le monde le dit. Il fait mine de découvrir cela au dernier moment, en disant la main sur le cœur : “Je vais faire en sorte de repousser”. Il ne faut pas repousser.
Il faut dire “non”. Parce qu’il en va, encore une fois, de la survie de notre agriculture et donc de la souveraineté de notre pays. Non. Mais est-ce qu’il est capable de dire “non” à la commission européenne ? Rien n’est moins sûr.
Marine Le Pen, présidente du groupe « Rassemblement national » à l’Assemblée nationale, le 16/12/2025
Réaction en chaîne
Chacun aura un avis sur la force de caractère du chef de l’État. Comme disait le regretté Edgar Faure, ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. Mais dans la circonstance présente, ce questionnement psychologique est secondaire. Car le président de la République est confronté à une réaction en chaîne. La politique d’abattage systématique du cheptel menace la survie des exploitations.
Les campagnes de vaccination des bovins, seule alternative à l’abattage, entravent l’exportation des animaux. Et l’entrée en vigueur du Mercosur sans garanties suffisantes porterait un coup sévère à l’agriculture française. Une agriculture dont la balance commerciale, pour la première fois depuis 50 ans, va être déficitaire.
Autrement dit, il y a le feu au lac. Emmanuel Macron est contraint de réagir s’il veut stopper l’embrasement de la France agricole. Les élections municipales se dérouleront dans trois mois. Sans parler du Salon de l’Agriculture qui se tient du 21 février au 1er mars. Pas question pour le Président de la République de parcourir les allées sous les huées et les tomates. Il a déjà largement rempli son cabas, il y a deux ans. Sur tous les bancs, on l’exhorte à dire non au traité.
Nous avons aussi la signature de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur qui va vraisemblablement mettre le feu au poudre dans notre pays. Pourquoi ? Parce que le gouvernement n’a toujours pas entendu, à la fois la parole du Parlement, l’engagement du Parlement contre cet accord national comme européen, mais aussi la parole des éleveurs, des agriculteurs de différentes filières qui disent aujourd’hui, qui réaffirment toute leur opposition à cet accord.
Mélanie Thomin, députée « Socialistes et apparentés », le 16/12/2025
Clairement, nous en appelons fermement et solennellement, notre président de la République, à ne pas signer cet accord. Et on le sait, il est extrêmement mauvais pour notre agriculture qui vit une période de crise et qui ne peut pas supporter qu’on la sacrifie au motif d’intérêts économiques différents.
Constance de Pélichy, députée LIOT, le 16/12/2025
Pour une fois, monsieur Emmanuel Macron demande le décalage. Il sent bien qu’il y a eu une crise dans le pays, on est ravis de l’entendre pour une fois s’opposer au Mercosur. Parce que c’est bien la première fois. Jusqu’alors il nous disait que c’était un excellent accord, il y a quelques années, ou encore une fois il y a quelques semaines qu’on était sur une bonne passe pour la négociation de cet accord.
Manon Meunier, députée « La France insoumise », le 16/12/2025
Tout ça pour sauver les voitures allemandes
Dans cette bataille pour retarder, sinon bloquer le Mercosur, la France a reçu l’appui de la Pologne, de la Hongrie et tout récemment celui de l’Italie de Giorgia Meloni. La dirigeante d’extrême droite prise en étau entre son secteur agricole et les industriels a arbitré en faveur du premier. Avec le renfort de l’Italie, c’est la majorité qualifiée requise par le Conseil européen pour parapher le traité qui s’évanouit.
Le vote contre de quatre États membres suffit à bloquer la décision. Ursula von der Leyen va devoir défaire ses valises. Même si le chancelier allemand ne désespère pas d’obtenir un revirement de l’Italie dans les heures qui viennent. Il y va de l’avenir de son industrie automobile. Et s’il n’y avait que ça. Hier, Sébastien Lecornu réaffirmait l’opposition du gouvernement au Mercosur devant les sénateurs.
Si la commission européenne souhaite passer en force en cette fin de semaine et aller au vote, la France votera contre le traité du Mercosur.
Sébastien Lecornu, Premier ministre, le 17/12/2025
Mais le plus intéressant était ce qui venait juste après cette profession de foi. Une autre catastrophe en perspective.
Si la question du Mercosur occupe beaucoup de place, c’est bien normal et on comprend pourquoi, les négociations sur la politique agricole commune commencent maintenant. Et la manière dont la commission commence à introduire l’idée qu’une part de la politique agricole commune pourrait être adaptée par pays, ça peut paraître sympathique du premier abord, mais on sait ce que ça veut dire derrière, et on sait que c’est le début d’une concurrence déloyale entre pays.
Puis, la deuxième des choses, je pense que ça sera aussi consensuel sur tous ces bancs, en tout cas je le pense, c’est évidemment qu’il ne doit pas manquer un centime sur le programme de la future PAC.
Sébastien Lecornu, Premier ministre, le 17/12/2025
Bref, la colère des agriculteurs n’a pas fini de faire les gros titres des médias. Entendez-vous dans les campagnes mugir ces féroces tracteurs…