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Loi immigration : la droite piège le gouvernement

Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir et président du groupe parlementaire LR, à l’Assemblée nationale, janvier 2023. ©Purepolitique

C’est comme dans les meilleures séries de Netflix. On a à peine digéré un rebondissement que le suivant s’annonce. Ainsi, après la séquence des retraites, le gouvernement pensait-il pouvoir souffler. Et voilà que les parlementaires républicains crispent à nouveau la situation en faisant monter les enchères.

Le gouvernement comptait sur eux pour faire adopter son projet de loi sur l’immigration en juillet prochain. Initialement repoussé à l’automne, histoire de calmer le jeu après la contestation de la réforme des retraites, ce texte a été ramené au milieu de l’été. Toutefois, sans les voix des députés et sénateurs LR, il ne pourra pas être adopté. Alors ces derniers fixent leur prix. Et comme partout ailleurs, l’inflation fait rage.

Pas dans la dentelle

Dans l’édition du 21 mai du Journal du Dimanche, le président du parti, Éric Ciotti, le patron des sénateurs, Bruno Retailleau et le président des députés, Olivier Marleix, détaillent longuement les deux propositions de loi qu’ils vont déposer sur le sujet. Le moins qu’on puisse dire est que le trio ne fait pas dans la dentelle. C’est bien simple, il a réussi à mettre d’accord Jean-Philippe Tanguy du Rassemblement national et Manuel Bompard, le numéro deux de LFI. 

L’insoumis ne dit pas autre chose : 

Elle reprend copier-coller les propositions qui étaient celles du Rassemblement national et Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle, qui sont, excusez-moi de vous le dire, des absurdités.

Manuel Bompard, député des Bouches-du-Rhône et coordinateur de La France insoumise, BFMTV, 21 mai 2023

Compliment de Zemmour

Même Éric Zemmour, opportunément ressorti de son placard, y est allé de son compliment : 

J’y ai retrouvé des choses, effectivement, très intéressantes. Effectivement, il faut, oui, un référendum et des réformes constitutionnelles.

Éric Zemmour, président de Reconquête, RTL–Le Figaro-LCI, 21 mai 2023

Examinons les principales dispositions de ces propositions de loi. La première d’entre elles modifie l’article 11 de la Constitution afin que le président de la République puisse soumettre à référendum tout projet de loi, quel qu’en soit le sujet. Aujourd’hui, il ne peut y recourir que s’il s’agit de l’organisation des pouvoirs publics, d’une réforme relative à la politique économique et sociale ou d’un traité.

Règle des quotas dans la Constitution

Les articles 55 et 88-1 seraient également modifiés. En l’état, les traités et accords internationaux ont une force supérieure à la loi. Les trois dirigeants LR prévoient que ce principe ne s’appliquerait plus lorsqu’une loi aurait pour objectif « d’assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation ». La règle des quotas, c’est-à-dire du nombre maximum d’étrangers admis sur le territoire national chaque année, serait encore inscrite dans la Constitution. De même que l’obligation pour l’étranger de justifier de son assimilation à la communauté française. Enfin, les expulsions seraient également constitutionnalisées. 

La seconde proposition de loi, elle, rétablit le délit de séjour irrégulier et le principe de la double peine, l’expulsion une fois la peine purgée. Elle durcit également les critères pour le regroupement familial et l’obtention des titres de séjour. Enfin, elle restreint le droit du sol. Voilà pour l’essentiel du paquet. Un paquet non négociable si l’on en croit les propos d’Olivier Marleix dans l’interview que le trio républicain a accordé au Journal du Dimanche.

« Reprise en main énergique »

Les Français attendent une reprise en main énergique de l’immigration. Le gouvernement nous dit qu’il veut un texte ? Eh bien, nous lui en proposons deux ! Pour nous, c’est ça ou rien.

Olivier Marleix, Le Journal du Dimanche, 21 mai 2023

Le président du groupe parlementaire va jusqu’à envisager le dépôt d’une motion de censure si le gouvernement tentait de faire adopter son propre texte en recourant à l’article 49-3. Cette apparente intransigeance est dictée par deux impératifs. D’abord, se démarquer du bloc présidentiel. Accusés d’être devenus les supplétifs du macronisme au fil du débat sur les retraites, les LR ont absolument besoin de retrouver un semblant d’identité pour survivre lors des prochaines consultations électorales. Il s’agit ensuite de restaurer l’unité du mouvement. Unité mise à mal lors du vote de la dernière motion de censure, puisqu’un tiers du groupe l’a votée.

Entreprise « démagogique »

Sur ce thème régalien de l’immigration, il ne devrait pas y avoir de problème. Aurélien Pradié et ses amis frondeurs sont sur la même longueur d’onde que la direction du parti. Dans le camp présidentiel, on a reçu le message. Le président du groupe Horizons, Laurent Marcangeli, dénonce une entreprise démagogique.

L’exécutif, le gouvernement, a une initiative et le fait de dire aujourd’hui dans Le JDD : « C’est à prendre ou à laisser, c’est tout ou rien, nous ne transigerons pas, nous ne négocierons pas », ce n’est pas être dans l’état d’esprit qui convient aujourd’hui eu égard à la situation politique et eu égard au sujet lui-même, celui de l’imigration, qui convient d’être réglé sans démagogie mais avec consensus.

Laurent Marcangeli, député de Corse-du-Sud et président du groupe Horizons, France 3, 21 mai 2023

« Arrêter les effets d’annonce »

Même son de cloche de la part de Sacha Houlié, le président de la commission des lois. Dans une déclaration à l’Agence France presse, il invite les Républicains à la discussion. 

Il faut arrêter les effets d’annonce. Il faut qu’ils viennent négocier plutôt que de pérorer […] qu’ils nous disent ce qu’ils veulent, ce qui est faisable, plutôt que de déclarer dans le JDD des choses dont ils savent pertinemment que ça n’a aucune pertinence et aucune chance de prospérer.

Sacha Houlié, AFP, 21 mai 2023

Référendum

Les choses en question, c’est le référendum. 

On ne va pas faire un référendum pour dire qu’on est tous contre l’immigration illégale. 

Retailleau, Ciotti et Marleix ne sont pas sérieux, c’est ce que vous dites ce matin ?

Non, ce n’est pas ce que je dis puisque Olivier Marleix lui-même reconnaît que la Constitution ne le permet pas. Non, ce qu’il faut aujourd’hui c’est travailler contre l’immigration illégale. C’est faire en sorte de déployer plus de moyens.

Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, CNews-Europe 1, 21 mai 2023

Partie de poker menteur

Dans un récent entretien accordé au quotidien libéral L’Opinion, Emmanuel Macron a fermé la porte à un référendum, au motif que l’article 11 interdisait une consultation du pays sur le sujet. À l’époque, le président de la République et sa Première ministre espéraient pouvoir s’appuyer tantôt sur la droite, tantôt sur les écologistes et les socialistes pour faire passer le projet de loi du gouvernement. Ce texte prévoit en effet un volet sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Une disposition insupportable pour la droite, mais acceptable pour une partie de la gauche.

Cette version législative du « en même temps » semble désormais compromise. Pour obtenir l’appui des Républicains, le bloc présidentiel va devoir durcir son texte et se passer des voix de la gauche. En désespoir de cause, le gouvernement peut également enterrer la question. En renvoyant une nouvelle fois son projet de loi sur l’immigration à plus tard. Tous les sondages concordent, l’immigration n’est pas la préoccupation première des Français. C’est donc une partie de poker menteur qui s’engage entre le gouvernement et la droite. Aucun des deux ne peut se passer de l’autre. Reste à savoir qui capitulera le premier.

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