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Les méchants grévistes

Vendredi matin, sur BFMTV, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée, Mathilde Panot, a encouragé les salariés à faire grève avant et pendant les Jeux olympiques. À n’en pas douter, ces propos ne vont pas manquer d’alimenter une polémique récurrente sur le droit de grève.

Un droit constitutionnel

Gabriel Attal a récemment rappelé qu’il s’agissait d’un droit constitutionnel, mais que les Français avaient le devoir de travailler. Si le devoir de travailler est bien inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 (auquel se réfère la Constitution de la Ve République), il s’agit là d’un simple principe qui n’a pas de portée juridique.

Ni le Code du travail, ni le Code pénal ne prévoient de sanctions à l’égard des oisifs, qu’ils soient volontaires ou contraints. Et c’est heureux. L’opposition qu’essaie d’établir le Premier ministre n’est pas pertinente.

Un droit très encadré

Le droit de grève, lui, est strictement encadré. Par une abondante jurisprudence, d’abord. Puis par des réformes successives. Pas moins d’une quinzaine de lois depuis 1974. Le législateur, à de rares exceptions, a toujours tenté de réduire l’impact des mouvements de grève sur l’économie et le public.

Mais le propre d’un mouvement revendicatif comme la grève est justement de perturber la bonne marche de l’économie. L’objectif est de créer un rapport de force pour peser dans la négociation. Autrement dit, une grève qui ne dérange personne, n’est d’aucune utilité. Comme un congélateur sur la banquise.

Une question de timing

Et bien évidemment, la temporalité dans un mouvement de grève joue un rôle important. Arrêter le travail la semaine du 15 août ne gênera pas grand monde… En revanche, à la veille ou pendant les Jeux olympiques, l’impact médiatique sera démultiplié.

En septembre de l’année dernière, le député Renaissance Karl Olive avait réclamé des lois d’exception pour interdire la grève pendant les Jeux. La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, avait fait jouer ses relais au Sénat pour que la loi Olympique limite le droit de grève dans les transports pendant cette période. En vain.

Refrains connus

À la faveur de la grève des contrôleurs et des départs en vacances, il ne manquera certainement pas de voix pour dénoncer le mouvement social. Sans doute éviteront-elles – pour les plus intelligentes – de reprendre la terminologie habituelle des passagers pris en otage. Alors que la guerre fait rage à Gaza et que la vie de vrais otages est menacée, ce serait malvenu. Mais pour le reste, gageons que le portrait mille fois dressé des cheminots sera au rendez-vous : des privilégiés sans cœur qui bousillent les vacances des Français.

Et les paysans, alors ?

Curieusement, toutes ces voix étaient aphones au moment du mouvement des agriculteurs. Barrer une route, assiéger une préfecture porte atteinte, pourtant, à la liberté d’aller et venir. Mais voilà, la radicalité du mouvement était telle que chacun a compris qu’il valait mieux faire profil bas. Y compris du côté du ministère de l’Intérieur.

Peut-on alors s’étonner que d’autres catégories sociales s’engouffrent dans la brèche. Pourquoi serait-il plus légitime de mettre un tracteur en travers de la route plutôt que de ne pas prendre son service à bord d’un TGV ? Le gouvernement risque bien d’avoir quelques difficultés à l’expliquer.

Serge Faubert

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