Le Parti socialiste joue gros. S’il n’obtient pas dans les semaines à venir des gains qui justifient son choix de s’engager dans une négociation avec Matignon, alors il apparaîtra au mieux comme l’idiot utile du gouvernement, au pire comme la résurrection du hollandisme.
Il est désormais tributaire de la bataille qui va se livrer dans le cadre de la conférence sociale sur le financement des retraites qui s’est ouverte aujourd’hui. Ce sont les syndicats qui vont la mener.
Satisfaction des centrales
La conférence, qui a jusqu’à la fin du mois de mai pour trouver un accord, redonne la main aux partenaires sociaux. Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, et Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, pour ne citer qu’elles, ont exprimé leur satisfaction. Ce qui est déjà une avancée à mettre au crédit de la négociation engagée par le PS.
Bien sûr, la réforme Borne n’est ni abrogée ni même suspendue. Mais on va discuter. Ce qui est dans la logique syndicale, la recherche d’un compromis qui soit le plus favorable aux salariés.
Recul par rapport à 2023
Certes, on peut considérer que c’est un recul par rapport aux exigences de la mobilisation de 2023. Ce que ne manque pas de rappeler, d’ailleurs, la France insoumise. Mais doit-on se condamner à attendre qu’une échéance électorale redonne les clés du pays à la gauche pour que la mesure d’âge soit abrogée ? C’est la question qui est posée. Car, pour ceux qui doivent prendre leur retraite, la patience devient un luxe.
Les dés sont pipés, objecte-t-on ici et là. Le MEDEF va bloquer la négociation. Il n’y aura pas d’accord et la réforme Borne continuera de s’appliquer.
Le rapport de force a changé
C’est oublier que le rapport de force est aujourd’hui bien plus défavorable au pouvoir qu’il ne l’était il y a deux ans. Et que le retour de la réforme devant les députés sera difficile à éviter pour l’exécutif. Pour le dire autrement, si François Bayrou veut survivre, il sera, à un moment ou un autre, contraint de repasser par la case parlementaire. Qu’il y ait accord ou non entre les partenaires sociaux. La puissance d’entraînement des syndicats sur cette question est autrement plus forte que celle des partis de gauche. Imagine-t-on qu’ils ne feront pas entendre à un moment donné la voix des salariés ?
C’est à ce moment que le Parti socialiste pourrait encaisser les dividendes de son choix pour la négociation.
Censure symbolique
Pour autant, était-il habile de sa part de renoncer à censurer le gouvernement ce jeudi ? Chacun savait que le Rassemblement national ne voterait pas la motion. Le gouvernement ne risquait pas d’être renversé. Voter la censure aurait renforcé la pression sur l’exécutif. Une façon de répéter, symboliquement, que le compte n’y est pas.
Olivier Faure redoutait que ce geste interrompe les négociations. François Bayrou se serait alors retourné vers le Rassemblement national, explique son entourage.
L’argument ne tient pas. Car François Bayrou a tiré les leçons de l’expérience Barnier. Le RN n’est pas un partenaire fiable, quelles que soient les concessions faites. La gauche reste le seul interlocuteur viable pour le Premier ministre.
Triangulation
En réalité, Olivier Faure s’est livré à une savante manœuvre de triangulation. Reprendre à son compte les positions de ses adversaires en interne pour mieux les étouffer à la veille du congrès qui doit se tenir avant l’été. « Regardez, j’ai tenu tête à la France insoumise » pourra-t-il dire à la tribune.
S’il n’a que cette médaille à accrocher à sa boutonnière, sa réélection à la tête des socialistes s’annonce délicate. Seule l’abrogation du départ à 64 ans peut le rendre intouchable. Autant dire qu’il a du pain sur la planche.
Serge Faubert