« Qu’on me donne l’envie / L’envie d’avoir envie » chantait un grand philosophe belge du nom de Jean-Philippe Smet. C’est le refrain que fredonne dans sa tête Marine Le Pen depuis sa condamnation en première instance. Comme ce fut le cas en 2022, après son échec à la présidentielle, la cheffe de file du RN a du vague à l’âme.
Train-train
Extérieurement, la vie ordinaire du parti et du groupe parlementaire a repris son train-train. Mais l’éléphant est toujours au milieu du salon. Que se passera-t-il si la peine d’inéligibilité de la présidente du groupe parlementaire n’est pas réduite par la Cour d’appel à l’été 2026 ?
Cette incertitude mine les esprits. À commencer par celui de la première concernée. Si la justice permettait, in extremis, à Marine le Pen d’être candidate, ce serait sa quatrième campagne. Une campagne qu’il lui faudrait affronter avec une condamnation en bandoulière, quand bien même elle se pourvoirait en cassation.
Comme Jean-Luc Mélenchon ?
Elle ne serait pas la seule dans ce cas. Jean-Luc Mélenchon a été définitivement condamné dans l’affaire de la perquisition au siège de son mouvement – il n’a pas relevé appel. Mais il s’agit d’une condamnation à trois mois de prison avec sursis pour rébellion et provocation. Qu’un insoumis se rebelle contre l’autorité, voilà qui est cohérent avec la posture idéologique. Libre à chacun d’apprécier s’il s’agit là d’un comportement républicain. Mais c’est une autre histoire.
Le parti de l’ordre ?
En revanche, quand on se pique d’incarner la probité et d’être le parti de l’ordre, ça la fiche mal d’avoir été condamnée pour détournement de fonds publics.
Marine Le Pen sait que cette croix sera dure à porter auprès de son propre électorat. Jusqu’à la dernière minute, le soupçon sur son honnêteté polluera le débat. Y compris et surtout lors du duel qui l’opposera à son rival dans l’hypothèse où elle serait au second tour.
Marine Le Pen a-t-elle vraiment envie de supporter ces rappels incessants sur sa situation judiciaire ? Elle sait que ses adversaires ne se lasseront pas.
Certains signaux laissent à penser qu’elle pourrait jeter l’éponge. Un congrès du parti est prévu à l’automne 2026. Juste après la décision en appel. Le cas échéant, Jordan Bardella pourrait succéder à la fille de Jean-Marie Le Pen.
Le dauphin n’est pas à la hauteur
Mais voilà, Bardella ne fait pas l’unanimité dans l’entourage actuel de Marine Le Pen. Trop jeune, trop inexpérimenté, pas assez cultivé. D’autres se verraient bien porter les couleurs du RN. Comme Sébastien Chenu, par exemple. D’autant qu’il se sait menacé si le dauphin désigné obtenait tous les pouvoirs.
Une paix armée s’installe à la direction du mouvement. Tant que Marine Le Pen reste la clé de voûte de celui-ci, les épées resteront dans les fourreaux. Tous le savent. Surtout les plus pressés.
Le RN peut-il survivre sans Marine Le Pen ?
Paradoxalement, leur chance d’atteindre le destin qu’ils ambitionnent passe par une dernière candidature de Marine Le Pen. Sauront-ils réveiller chez elle l’envie d’aller au combat, ce n’est pas sûr.
Ces dernières semaines, Marine Le Pen a répété à plusieurs reprises qu’elle était prête à prendre le risque d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale après une motion de censure victorieuse. Inéligibilité oblige, elle ne pourrait être reconduite. Ce qui signifierait sa mort politique.
De là à conclure qu’elle prépare sa sortie, c’est sans doute prématuré. Mais cette hypothèse traîne incontestablement dans un coin de sa tête. Tôt ou tard, il lui faudra trancher.
Serge Faubert