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L’Assemblée nationale rejette le budget dans sa version remaniée par le Nouveau Front Populaire

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 12/11/2024 ©PurePolitique

Dans l’histoire de la République, c’est du jamais vu. Pour la première fois, les soutiens du gouvernement ont voté contre le projet de budget. Et pour la première fois, une partie de l’opposition a voté pour le projet de loi de finances après l’avoir dûment amendé. Jamais les rédacteurs de la Constitution n’auraient pensé que ce fut possible. À commencer par Michel Debré.

Après l’absence d’une majorité absolue, le refus de choisir le Premier ministre au sein de la coalition arrivée en tête, voilà maintenant que les députés votent à front renversé. Comble de l’absurde, certains ont voté contre un texte qu’ils ont contribué à amender. Les institutions de la Ve République n’en finissent plus de se désagréger. Le rejet de la partie recettes du budget n’est pas vraiment une surprise pour Éric Coquerel, le président de la Commission des finances.

Le plan se déroule comme prévu

Nous, nous voulions faire une démonstration. On savait très bien qu’à la fin, de toute façon, si on arrivait à transformer le texte, là au moment où on se parle, dans cette première étape, cette première lecture, on savait que le texte allait être battu par cette coalition. C’était l’analyse politique. Mais ce qu’on voulait montrer c’est que nous avions des majorités disponibles, hors enjeux politiciens, pour pouvoir transformer ce texte et notamment prouver une chose : le problème en France c’est parce qu’il y a un manque de recettes.

Dès lors que vous mettez des recettes, on en a mis 75 milliards nouvelles du côté du NFP en tout cas, on a réduit en même temps le déficit en dessous de 3 %. C’était une démonstration qu’on voulait faire, elle a été pleinement réussie, et de ce point de vue, j’allais dire que le premier round… c’est un peu un round d’observation avant que ça parte au Sénat, on l’a largement gagné.

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 12/11/2024

Certes, la démonstration qu’une autre politique était possible est faite. Mais la crédibilité de l’Assemblée nationale y a laissé des plumes.

Nous avons décidé de voter pour le budget alors que nous ne sommes pas membres du gouvernement. Nous avons décidé d’amender et d’améliorer le plus possible ce budget et ce sont les jeux politiciens, ce sont les jeux d’appareils qui aujourd’hui nous ont amené à cet échec.

Il faut imaginer le message que nous envoyons aujourd’hui, dans toutes les chaînes d’information en continue, économiques, dans les salles de marché, la France rejette son budget à l’Assemblée nationale.

Philippe Brun, député Socialistes et apparentés, le 12/11/2024

C’est toujours la faute de Jean-Luc Mélenchon

Le socialiste Philippe Brun dénonce les jeux politiciens du bloc central. Mais de leur côté, les responsables d’Ensemble pour la République incriminent la mélenchonisation du PS. Quand on connaît le degré de congélation des rapports entre les socialistes et les insoumis, l’accusation prête à sourire.

On n’avait pas aujourd’hui à débattre d’un projet économique, d’un projet budgétaire. Non, on avait un barbouillis fiscal et budgétaire construit par cette coalition des deux extrêmes, de l’extrême droite et de l’extrême gauche. C’est la raison pour laquelle nous allons voter contre cette première partie. Nous le regrettons amèrement.

Nous avions beaucoup tendu la main, je pense en particulier à la gauche républicaine. Mais à chaque fois qu’on a tendu la main, la gauche s’est réfugiée dans le programme économique de la France insoumise.

David Amiel, député EPR, le 12/11/2024

Du côté du Rassemblement national, on renvoie dos à dos Michel Barnier et le Nouveau Front Populaire.

Pour le moment, ce budget n’a ni queue ni tête. Ni celui de monsieur Barnier, ni celui qui a été soumis ce soir. Monsieur Coquerel joue à la dinette avec les députés du Nouveau Front Populaire. Ils échangent de la fausse monnaie, ils échangent du pain en plastique contre des brocolis en plastique. Mais la réalité c’est que ça n’existe pas.

Jean-Philippe Tanguy, député RN, le 12/11/2024

Très bien. Mais si la version Barnier du budget est aussi mauvaise que celle de la gauche, pourquoi rétablir la première en votant contre la seconde ? Pourquoi ne pas s’être abstenu, par exemple ?

Il n’y aucune raison de s’abstenir. S’abstenir, c’est considérer que ce budget ne serait ni bon ni mauvais pour notre pays. Ce budget est extrêmement mauvais pour notre pays. C’était initialement un budget de faillite LR – Macron, et c’est devenu un budget de faillite Macron – NFP. Les sigles changent mais la catastrophe est la même pour les Françaises et les Français.

Jean-Philippe Tanguy, député RN, le 12/11/2024

La girouette du Rassemblement national

Donc, si on comprend bien, pour éviter un très mauvais budget de gauche, le RN a choisi de soutenir un budget très mauvais de droite. Bonne chance aux électeurs du Rassemblement national pour comprendre cette brillante dialectique.

Dans toutes les grandes occasions, celles qui marquent et celles qui comptent, la censure, le vote du budget, l’extrême droite ne se trompe jamais. Elle est toujours avec le gouvernement macroniste et LR. C’est systématique, et donc parfois de manière impromptue ils essaient de faire une apparition dans le champ gauche pour essayer de montrer qu’ils ne sont pas étrangers à la question sociale.

Mais la réalité c’est que dans tous les moments décisifs, ils sont avec la droite. Point. L’extrême droite est, dans une certaine mesure, dans une forme de soutien sans participation au gouvernement de Michel Barnier.

Olivier Faure, député Socialistes et apparentés et Premier secrétaire du PS, le 12/11/2024

Alors, qui marque le point au sortir de cette première séquence budgétaire ?

Je vous rappellerais quand même que l’une des conditions d’Emmanuel Macron pour nommer un Premier ministre c’était la stabilité. Vous trouvez que c’est stable, là ? Vous trouvez que c’est stable ? On a une coalition gouvernementale qui ne se parle pas, qui ne vient pas débattre du budget. On va avoir un Premier ministre qui va s’asseoir sur le Sénat mais qui va balayer l’Assemblée nationale d’un 49-3.

On a un budget qui, finalement, comme son gouvernement, n’a pas de soutien populaire. Ce qu’on a vu de la coalition gouvernementale, c’était de l’absence, c’était un manque de propositions, et quand ils en avaient généralement ils n’étaient pas d’accord entre eux. Donc s’il y a bien un perdant, c’est Michel Barnier et c’est l’ensemble de ses troupes.

Cyrielle Chatelain, députée Écologiste et social et présidente Écologiste et social à l’Assemblée nationale, le 12/11/2024

Cyrielle Chatelain vient de le rappeler, le socle commun, c’est-à-dire l’addition des macronistes et des LR, est divisé comme rarement. Mardi, lors de la réunion du groupe Ensemble pour la République, l’hypothèse d’un départ des ministres macronistes du gouvernement a été évoquée.

L’intervention de Laurent Wauquiez, la veille au soir sur TF1, a mis le feu aux poudres. Le président de la Droite républicaine – les anciens LR – a annoncé l’assouplissement du gel des retraites.

Laurent Wauquiez prend les devants

Toutes les pensions seront revalorisées à hauteur de la moitié de l’inflation au 1er janvier. Et au 1er juillet, il y aura un rattrapage pour toutes les retraites qui sont en dessous du Smic. Et les autres retraites ? Eh bien, elles n’auront rien. Bernique, que dalle, macache. Plus que le fond, c’est la forme qui a choqué le bloc central. Wauquiez s’est installé dans le rôle de celui qui dicte sa conduite au Premier ministre.

Michel Barnier l’a accepté, ce qui me permet ce soir d’annoncer un certain nombre d’avancées, notamment pour les retraités.

Laurent Wauquiez, député DR et président du groupe DR à l’Assemblée nationale, le 11/11/2024

Mardi, devant les journalistes, les porte-parole d’Ensemble pour la République s’en sont donné à cœur joie contre Laurent Wauquiez.

Est-ce que c’était à Laurent Wauquiez de faire cette annonce ? Je ne pense pas. C’était très certainement au gouvernement de la faire. Mais moi ce qui compte maintenant c’est qu’on puisse travailler ensemble pour améliorer ce qui a été annoncé hier.

Mathieu Lefèvre, député EPR, le 12/11/2024

Un ton au-dessus, il y a Olivia Grégoire.

Nous mettons en garde sur l’annonce qui a été faite d’une façon un peu étonnante, pour rester polie, par monsieur Wauquiez. Et nous disons : regardez avant de vous réjouir, regardez ce qu’il y a dans le paquet annoncé par monsieur Wauquiez hier soir. Nous ce qu’on voit dans ce paquet au moment où je vous parle, c’est qu’on sait combien ça coûte mais je ne sais pas ce que ça rapportera, en réalité ça rapportera une baisse de pouvoir d’achat pour nos retraités.

Qu’est ce qu’il y a dans cette mesure ? Pas grand chose en réalité. Joli coup de com peut-être. Est-ce que c’est ce dont le pays a besoin ? Je n’en suis pas sûre.

Olivia Grégoire, députée EPR, le 12/11/2024

Mais c’est Prisca Thévenot qui remporte la médaille d’or du dynamitage du socle commun.

La semaine dernière, avec Gabriel Attal et un certain nombre des membres de mon groupe politique, on n’était pas en train de se demander quel plateau télé on allait faire. J’étais très contente de voir monsieur Wauquiez hier au 20 heures. J’aurais d’autant plus ravie de le voir à son siège dans l’hémicycle.

Prisca Thévenot, députée EPR, le 12/11/2024

À la décharge de Laurent Wauquiez, il n’est pas certain que Prisca Thévenot ait été davantage présente dans l’hémicycle. Elle et lui, c’est un peu comme l’immortelle chanson de Charles Trénet, celle dont le refrain dit : “le soleil a rendez-vous avec la lune, mais la lune n’est pas là”.

Qui peut croire que cette décomposition croissante du régime puisse résister à la tourmente sociale qui s’annonce ? Le pays est au bord de l’implosion. L’ennui, c’est qu’il peut en sortir le meilleur comme le pire.

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