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La majorité absolue semble s’éloigner pour le Rassemblement national

Sébastien Chenu, député RN du Nord, le 2/07/2024 ©PurePolitique

L’hypothèse d’une majorité absolue pour le Rassemblement national semble s’éloigner. Sur les 299 triangulaires qui s’annonçaient au soir du premier tour, il n’y en aura finalement que 89. Dans l’ensemble, les désistements ont bien fonctionné. Pourtant, cette mobilisation ne semble pas entamer la confiance du Rassemblement national.

Vous savez, ça me rappelle, que j’ai conservé d’ailleurs précieusement par SMS, quelques jours avant le scrutin, quelques-uns de vos confrères disaient : “Il y aura entre 20 et 30 députés maximum du Rassemblement national” ou “Le Rassemblement national aura du mal à faire un groupe”. On a vu ce qu’il était advenu. Moi, je crois que nous serons en majorité absolue.

Sébastien Chenu, député RN, le 2/07/2024

Marine Le Pen fait 13 millions de voix au deuxième tour de la présidentielle. Là, on fait 11,8 millions de voix. Il y a encore quelques centaines de milliers de voix de disponible. La majorité absolue est tout à fait atteignable.

Philippe Ballard, député RN, le 2/07/2024

Le Rassemblement national reste optimiste

L’optimisme des responsables lepénistes n’est pas qu’une façade. Car personne n’est en mesure de dire comment vont se comporter les électeurs des candidats qui se sont retirés. Ainsi ceux qui ont voté Nouveau Front Populaire au premier tour vont-ils se reporter sur le candidat Ensemble pour empêcher celui du RN de l’emporter au second tour ? Ou bien préféreront-ils aller à la pêche, considérant que l’un ne vaut pas mieux que l’autre ?

Sept années de macronisme ont laissé des traces indélébiles. Et les coups de matraque qui ont accompagné la réforme des retraites sont toujours douloureux. De façon symétrique, les électeurs macronistes vont-ils mettre un bulletin NFP dans l’urne pour stopper le candidat RN ? Ou bien, convaincus que les extrêmes se valent comme il leur a été répété des semaines durant, vont-ils considérer qu’une coalition électorale dans laquelle LFI joue un rôle prépondérant est aussi dangereuse que le Rassemblement national ? La clé du scrutin de dimanche est toute entière dans cette inconnue. Il se pourrait même que la participation soit moindre qu’au premier tour.

Contrairement aux divisions que déplacent les généraux sur le front, les électeurs suivent rarement les consignes de vote qui leur sont données par les états-majors. Surtout lorsqu’il s’agit de voler au secours d’un camp qui, la veille encore, représentait l’abomination. Gare aux entorses du cerveau. Jordan Bardella répète qu’il n’ira à Matignon que s’il dispose au moins de 289 députés. Philippe Ballard, concède qu’en deçà de ce seuil, le RN pourrait s’accommoder du renfort de députés LR. À certaines conditions.

Marine Le Pen l’a rappelé ce matin, effectivement, s’il manque quelques députés on négociera mais on voudra évidemment un accord de fidélité. Pas simplement juste dire “vous aurez ma voix” comme ça. Il faudra que ce soit un peu plus étayé que ça.

Philippe Ballard, député RN, le 2/07/2024

Un gouvernement d’union républicaine

Un engagement de fidélité. Ce n’est plus le Rassemblement national, c’est Darty. Depuis lundi, une hypothèse circule. Celle d’un compromis historique : une alliance entre les macronistes et la gauche autour d’un socle minimal. Comme au sortir de la deuxième guerre mondiale en France. Ou comme en Italie dans les années 1970, quand le parti communiste s’était allié à la Démocratie chrétienne. C’est le député sortant Philippe Brun qui a lancé l’idée. Connu pour son combat sur les tarifs de l’électricité, ce socialiste est plutôt à la gauche du PS.

Je crois que nous pourrons ensuite former, à l’Assemblée nationale, un gouvernement d’union républicaine dans le sillage de 1945 du programme du Conseil national de la résistance, allant des gaullistes à la gauche en passant par les démocrates chrétiens, les sociaux-démocrates. Et c’est souvent dans ces grands moment de rassemblement que le pays est grand et que de grandes réformes sont faites.

Philippe Brun, député sortant PS, le 1/07/2024

Le communiste, Sébastien Jumel, toujours en lice pour sa reconduction en Seine-Maritime, est sur la même longueur d’onde.

Il y a 3, 4, 5 grands sujets où on doit pouvoir construire un arc. Évidemment, sur la base de la force d’entraînement que nous représentons à gauche, qui peut aller, peut-être, en retrouvant la sève originelle des grands moments de l’histoire, des communistes jusqu’aux gaullistes sociaux en passant par tous ceux qui comprennent que ce moment historique implique des réponses concrètes.

Sébastien Jumel, député sortant PCF, le3/07/2024

Le député sortant de la Somme, François Ruffin, qui a spectaculairement rompu avec La France insoumise cette semaine, se montre favorable à une coalition.

Il y a eu des grands moments dans notre histoire qui se sont faits avec cette coalition. Notamment, on peut penser à la sortie, la libération, où il y avait des communistes aux gaullistes, il y avait un gouvernement commun. C’était autour d’un projet commun, qui était le programme du Conseil national de la résistance. Donc là il s’agit d’avoir un projet commun.

François Ruffin, député sortant LFI, le 3/07/2024

L’art du compromis

Du côté des macronistes, on se montre fluctuant. Lundi Gabriel Attal avait laissé entendre qu’un tel compromis n’était pas à écarter. Hier, mercredi, sur BFM, c’était le service minimum.

Je pense qu’il y a une forme de nouvelle donne nécessaire à l’issue de ces élections législatives où chacun va devoir, quelque part, réinventer sa manière de travailler avec les autres. Evidemment. Mais concrètement, ça veut dire quoi ? Ça dépendra de chacun d’entre nous. Ça dépendra de chaque responsable politique, et moi je compte bien y prendre toute ma part. Cela dépendra de notre capacité à faire différemment de tout ce qui a été fait auparavant.

Gabriel Attal, Premier ministre, le 3/07/2024

Pourquoi ce rétropédalage ? Parce qu’une telle coalition a peu de chances de voir le jour si LFI n’en veut pas. Et c’est le cas.

Si on veut que le Rassemblement national ait la majorité absolue le week-end prochain, c’est la meilleure manière de faire. Parce que les Français ne comprendraient pas que face au Rassemblement national on mêle la carpe et le lapin. C’est-à-dire des gens qui se sont combattus pendant sept ans.

Nous, notre projet est totalement différent de ce qu’a fait monsieur Macron, monsieur Attal ou madame Borne. C’est un projet qui par exemple abroge leur réforme des retraites, tourne le dos aux cadeaux fiscaux qui ont été fait aux plus riches, et met le paquet pour les services publics. On voit bien, on ne peut pas laisser penser qu’on va s’allier pour gouverner le pays. Ca n’existe plus les alliances uniquement sur du négatif ou du barrage. La preuve, c’est ce qu’on vient de vivre pendant deux ans. Je vous rappelle que c’est ce que monsieur Macron avait dit. Il nous avait invité à voter pour lui. Bilan : il a fait quasiment le programme du Rassemblement national et en plus il leur a ouvert le chemin.

La meilleure manière de lutter contre le Rassemblement national c’est d’ouvrir un espoir dans ce pays. Nous sommes les seuls à l’ouvrir.

Éric Coquerel, député LFI,, le 2/07/2024

Chaos institutionnel

Voilà pour les prévisions. Mais que va-t-il se passer si aucune des forces en présence, RN, Ensemble ou Nouveau Front Populaire n’a la majorité absolue ? Dans cette hypothèse, le chaos institutionnel commence. Gabriel Attal peut rester Premier ministre quelques semaines encore. Au moins jusqu’à l’ouverture de la nouvelle session de l’Assemblée nationale. Elle débute le 18 juillet conformément à l’article 12 de la Constitution. “L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.”

Les nouveaux élus attendront un peu avant d’aller rôtir sur la plage ou faire trempette. Car le jeudi 18 juillet à 15 heures, la bagarre commence. Les députés doivent élire leur président ou leur présidente. Les deux premiers tours se déroulent à la majorité absolue. Le troisième tour est à la majorité simple. C’est donc le groupe parlementaire le plus important, en l’occurrence le RN, qui a toutes les chances de s’emparer du perchoir. C’est ainsi qu’on désigne le siège du président. Un siège qu’il conserve pendant cinq ans sauf dissolution.

Le seul moyen d’empêcher ce scénario, c’est un accord entre le bloc Ensemble et le Nouveau Front Populaire sur une candidature de compromis. Le nom de Charles de Courson circule. Depuis 1993, ce parlementaire chevronné a été reconduit à six reprises par les électeurs de la cinquième circonscription de la Marne. Spécialiste des finances publiques, il est suffisamment à droite pour rassurer les macronistes. Figure du combat parlementaire contre la réforme des retraites, il est suffisamment à gauche pour convenir au NFP. Mais encore faut-il qu’il soit réélu. Dans sa circonscription, le candidat du RN le devance de 5 points.

Revenons au calendrier. Le 18 juillet, les différents groupes parlementaires se déclarent et indiquent s’ils sont dans l’opposition ou la majorité. Mais quand la majorité, c’est-à-dire les macronistes, est devenue une minorité, l’exercice vire à l’absurde. Le lendemain, 19 juillet, c’est la désignation, éventuellement par un vote, des trois questeurs,les députés qui ont en charge les finances et l’administration de l’Assemblée nationale. On procède également à l’élection du bureau de l’Assemblée. Le RN, qui sera le groupe le plus important dans l’hémicycle, trustera les sièges.

Enfin, le lendemain, le 20 juillet, c’est l’élection des présidents des 8 commissions permanentes. Et là attention : la présidence de la commission des finances doit revenir à un député d’opposition. Mais si le groupe RN se déclare comme groupe d’opposition, il peut légitimement prétendre à la présidence de ladite commission. Au final, on pourrait donc se retrouver avec une Assemblée nationale qui, l’air de rien, serait aux mains du Rassemblement national. De la présidence aux commissions en passant par la questure. Faute de Matignon, on croque du Bourbon. C’est peut-être même un choix plus judicieux.

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