En prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron imaginait éparpiller la gauche, façon puzzle. Eh bien, c’est plutôt râpé.
Nous l’avons fait. Nous avons réussi à nous mettre d’accord… Alors, Front populaire, tout ça, on est d’accord c’est exactement comme ça que s’appelle notre communiqué : Faire front populaire. Mais on a encore beaucoup de travail, vous l’imaginez. Mais on est venus vous voir parce que ça nous faisait très chaud au cœur. Merci.
Marine Tondelier, Secrétaire nationale Les Écologistes, le 10/06/2024
Notre volonté, face à la grande bataille démocratique qui vient, dans trois semaines. Notre volonté de partir ensemble dans cette bataille pour proposer une alternative à la politique d’Emmanuel Macron et pour combattre l’extrême droite raciste.
Manuel Bompard, député sortant LFI et coordinateur LFI, le 10/06/2024
Nous avons déjà subi trop de trahisons. Et nous voulons prendre devant vous, nous voulons prendre devant vous, ce serment d’être unis jusqu’à la victoire. Et nous aurons besoin de vous car ça ne s’écrira pas sans vous.
Fabien Roussel, député sortant PCF et Secrétaire national du PCF, le 10/06/2024
Le Front populaire c’est d’abord vous. Vous, parce que le Front populaire ça ne peut pas être uniquement quelques partis politiques, aussi importants soient-ils à vos yeux. Le Front populaire c’est un engagement qui bien au-delà de nous-mêmes, qui ira avec le monde syndical, associatif, avec celles et ceux aujourd’hui qui font la France.
Olivier Faure, député sortant PS et Premier secrétaire du PS, le 10/06/2024
Même Jean-Luc Mélenchon y met du sien
Jean-Luc Mélenchon a fait patte de velours. Sur le plateau d’Anne-Sophie Lapix, voilà qu’il se rangeait à l’avis d’Olivier Faure. Il y a encore une semaine, le chef de file des insoumis écrivait pourtant sur son blog que l’heure était à la confrontation avec les socialistes. Emmanuel Macron fait des miracles.
Je commence par vous dire : je m’en sens capable. Mais je dis la chose suivante : on va en rester à la formule que propose Olivier Faure, qu’il a proposé sur un plateau qui est de dire “c’est le groupe parlementaire le plus important qui propose”. Donc il faut qu’il y ait une discussion. Proposer ne veut pas dire imposer. Donc vous devrez attendre.
Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie, le 12/06/2024
Ce jeudi matin, Olivier Faure a cependant apporté un bémol.
Je comprends qu’il soit prêt, et ça fait deux ans qu’il a été le candidat de la NUPES pour cette fonction. Et à l’époque il avait une légitimité très forte, il était l’homme des 22 %. Aujourd’hui, c’est un peu différent. Lorsque la nouvelle coalition sera majoritaire, elle devra se réunir, elle devra choisir en son sein celui ou celle qui est le plus en mesure de réparer les liens distendus. Cela suppose qu’on ait un profil qui soit, non pas clivant, mais qui permette au contraire de fédérer ce pays.
Olivier Faure, député sortant PS et Premier secrétaire du PS, le 13/06/2024
Mais qui donc pourrait être cet oiseau rare ? Ce profil fédérateur ? Peut-être François Ruffin pourrait-il correspondre à la description. Bien qu’il soit insoumis, le député sortant de la Somme est regardé d’un bon œil par les socialistes. Et justement, l’électron libre de LFI a fait savoir qu’il était prêt à incarner une candidature de compromis. Écoutez la réponse faite à un auditeur de France Bleu Picardie ce matin.
Je m’en sens capable aussi. Et si jamais il y a un consensus qui devait aboutir à un nom, je suis prêt à prendre la place qu’on souhaitera pour transformer la vie des gens.
François Ruffin, député sortant LFI, le 13/06/2024
Réconciliation à gauche
Mais pour l’instant, promis juré, l’heure est à la réconciliation entre les frères ennemis de la gauche. Au nom de l’histoire.
Aujourd’hui, l’enjeu ce n’est pas de savoir qui a dit quoi sur qui, c’est de savoir si demain on veut empêcher monsieur Bardella d’être Premier ministre. C’est ça la réalité. Et donc, il faut savoir, même si je m’entends beaucoup avec Benjamin Lucas, mais est-ce qu’on préfère Benjamin ou Arthur, ce n’est pas ça le sujet. Le sujet c’est : est-ce qu’on veut Jordan Bardella ou pas ? La question, elle est là.
Donc maintenant s’il y a des irresponsables pour crier en mode “oui un tel a dit ça”. Mais je n’oublie rien de ce qu’a fait l’extrême droite en France dans notre histoire. Tous ceux qui commencent à essayer de tenir des comptabilités de bouts de chandelle seront les responsables d’un éventuel échec face à la montée de l’extrême droite.
Arthur Delaporte, député sortant PS, le 11/06/2024
À droite, c’est le bazar !
Si la première partie du plan d’Emmanuel Macron se retourne contre lui, la deuxième partie est une réussite. La droite républicaine est en pleine autodestruction. Les affaires Fillon ou Sarkozy, à côté, ne sont plus que d’aimables contes de fées. Jugez plutôt : mardi, Éric Ciotti, invité du 13 heures de TF1, annonce une alliance entre son parti et le Rassemblement national. De retour au siège des Républicains, il enfonce le clou devant les journalistes qui le guettent.
J’ai pris mes responsabilités dans un moment très lourd, très grave pour le pays, où la France est menacée par l’alliance honteuse des insoumis. Nous avons pris nos responsabilités avec beaucoup d’amis de notre famille politique. Ce qui compte ce sont les militants, ceux qui m’ont élu, ceux qui d’ailleurs m’ont élu lors du premier tour de la primaire contre tous les ténors.
Nous sommes confrontés à trois blocs : le Rassemblement national, la majorité impuissante et l’alliance honteuse de la NUPES. Dans ce cadre, pour éviter les menaces qui pèsent sur notre pays, il fallait construire des alliances, des alliances qui reposent, pour moi, sur des valeurs de droite. Je propose une alliance avec des Français et je ne les stigmatiserai jamais. Ces Français, dimanche, ont été près de 40 % à porter leurs voix sur ces mouvements que vous stigmatisez. Plus vous les stigmatisez, d’ailleurs, plus vous les faites monter parce que vous ne comprenez pas ce qu’attendent les Français.
Éric Ciotti, président du parti Les Républicains, le 11/06/2024
Toute l’après-midi, les condamnations vont s’enchaîner. Gérard Larcher, le président du Sénat, Olivier Marleix, le patron des députés LR, l’ancien ministre Michel Barnier… Un bureau politique du parti est convoqué en urgence pour le lendemain, mercredi. Mais, le jour dit, un peu avant midi, coup de théâtre. Qu’à cela ne tienne, la réunion se tiendra un peu plus loin au Musée social. À 15 heures, les barons du parti sont au rendez-vous. Et ceux qui s’expriment ne mâchent pas leurs mots.
Moi j’appartiens au groupe LR du Sénat. Le groupe des Républicains au Sénat, à l’unanimité, a désavoué la démarche de monsieur Ciotti. A partir de là, monsieur Ciotti doit en tirer les conséquences.
Francis Szpiner, sénateur LR, le 12/06/2024
Nous on a envie, vraiment aussi, de changer les méthodes du parti. Voyez, on a des problèmes sur les statuts, on ne peut même pas changer quelqu’un qui devient dingue. Ca pose quand même un problème démocratique.
Florence Portelli, maire LR de Taverny, le 12/06/2024
Nous sommes unanimes, chez les Républicains, à condamner la position qu’il a prise tout seul, d’un ralliement individuel avec le Front national. A partir de là pour nous les choses sont claires, c’est contraire à toutes les valeurs qui ont fait notre famille politique.
Jean-François Copé, maire LR de Meaux, le 12/06/2024
Si nous avons porté des candidats aux européennes contre ceux du Rassemblement national, c’est que nous n’avons pas la même ligne, nous n’avons pas les mêmes valeurs, nous n’avons pas le même programme.
Geoffroy Didier, député européen LR, le 12/06/2024
L’exclusion, pas seulement en tant que président mais en tant qu’adhérent d’Eric Ciotti, ainsi que toutes celles et ceux qui accepteront le soutien ou l’investiture du Rassemblement national.
Xavier Bertrand, président LR de la région Hauts-de-France, le 12/06/2024
Il n’y a pas de place pour les traîtres et les putschs à la petite semaine. Moi ce que je veux c’est que la droite républicaine s’incarne autour de ses valeurs contre tous les extrêmes et en alternative à Emmanuel Macron.
Valérie Pécresse, présidente LR de la région Ile-de-France, le 12/06/2024
Leur sentence est irrévocable
Une poignée d’heures plus tard, la sentence tombe.
Menant des négociations secrètes, sans concertation avec notre famille politique et ses militants, Eric Ciotti est en rupture totale avec les statuts et la ligne portée par les Républicains. Il est exclu ce jour des Républicains. La campagne sera menée par une équipe collégiale, symbole de l’unité, de l’enracinement et de la détermination des Républicains. Annie Genevard, secrétaire générale, avec l’appui du vice-président exécutif François-Xavier Bellamy, et de son trésorier, assureront le bon fonctionnement de notre mouvement.
Annie Genevard, députée sortante LR et Secrétaire générale LR, le 12/06/2024
Dans une crise qui est aussi lourde, et dans une tempête qui s’annonce aussi difficile pour notre pays, quand on fait de la politique on ne répond pas par des accords, des coalitions, des petites ententes faites en catimini pour négocier des circonscriptions. On le fait en défendant ses convictions. On peut convaincre, on peut échouer à convaincre, mais on le fait dans la clarté. On le fait avec une colonne vertébrale, et ça a été la position unanime de tous ceux qui se sont réunis aujourd’hui et qui incarnent la ligne directrice de notre famille des Républicains.
Laurent Wauquiez, président LR du Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, le 12/06/2024
L’histoire continue ce jeudi matin. Bien que démis de ses fonctions, le président qui ne l’est plus mais quand même qui le reste un peu a regagné son bureau sans que personne ne lui en interdise l’accès. Par la fenêtre, il salue les journalistes. Avant de fendre la meute des caméras pour se rendre à son déjeuner avec Jordan Bardella.
Peut-être convient-il de prépositionner une unité du Raid ou du GIGN place du Palais Bourbon. Car ce délirant feuilleton pourrait se terminer par une prise d’otage. Pour le suicide collectif, c’est déjà en cours.
La reconquête attendra
Dans la série “Égorgeons-nous les uns les autres”, Reconquête n’est pas mal non plus. Mercredi, en fin de journée, Marion Maréchal surgit, place du Palais Bourbon. Elle vient lire une déclaration.
J’ai tout tenté, comme vous le savez, pour permettre aux 1,4 million d’électeurs de Reconquête d’être représentés dans la nouvelle coalition des droites qui associe de nombreux candidats RN, LR et indépendants. Eric Zemmour a décidé, malgré notre opposition, de présenter le maximum de candidats contre cette coalition des droites dans toute la France, prenant ainsi le risque de faire perdre cette inédite espérance de battre Emmanuel Macron et l’extrême gauche.
C’est pourquoi nous refusons le principe de candidatures de division à l’occasion de ces élections législatives. Avec nos parlementaires, Guillaume Peltier, Nicolas Bay et Laurence Trochu, j’appelle à soutenir partout en France, dans toutes les circonscriptions de France, les candidats uniques de la coalition des droites.
Marion Maréchal, député européenne Reconquête, le 12/06/2024
Le soir même, le psychodrame rebondit dans les studios de BFM.
Elle ment. Vous comprenez ? Car c’est elle-même hier qui m’a dit qu’il n’y avait pas d’union et qu’elle n’avait pas réussi à faire l’union. Madame Maréchal ment, elle est entourée de professionnels de la trahison. Madame Maréchal a été élue comme tête de liste de Reconquête. C’est moi qui l’ai désigné comme tête de liste. Ce sont mes militants qui ont fait sa campagne. Ce sont… Vous savez moi j’ai reçu des gens qui ont fait des chèques de 10 euros, des vieilles dames qui font des chèques de 10 euros pour la campagne de madame Maréchal. Et au bout de 48 heures, elle trahit ces gens. Je dis, moi, que c’est le record du monde de la trahison.
Éric Zemmour, président de Reconquête, le 12/06/2024
Soyons justes : Éric Ciotti a lui aussi trahi son parti au bout de 48 heures. En ces temps olympiques, on déclarera donc Éric et Marion vainqueurs ex-aequo. Ils gagnent tous les deux une veste réversible. Emmanuel Macron espérait rester en tête-à-tête avec le Rassemblement national. Et bénéficier du report des voix sur ses candidats de tous ceux qui refusent l’extrême droite. Mais c’est bien plutôt une confrontation entre la gauche rassemblée et le RN qui se dessine.
La bipolarisation de la vie politique française est de retour. Et Jupiter, du haut de l’Olympe, n’a rien vu venir. Cette fois, c’est sur lui qu’est tombée la foudre.