Pour la 12e fois depuis sa nomination à Matignon, la Première ministre a engagé, mercredi 27 septembre, la responsabilité du gouvernement sur un projet de loi. Cette fois, il s’agissait de la loi de programmation des finances publiques jusqu’en 2027.
Mais après avoir écouté les uns et les autres, je constate qu’au-delà de la majorité présidentielle, aucun groupe n’est prêt à voter ce texte essentiel pour notre pays. Ce projet de loi a déjà été rejeté en première lecture. Nous avons besoin de cette loi de programmation de nos finances publiques, nous ne pouvons pas prendre le moindre risque. Aussi, sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, j’engage la responsabilité de mon gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques. Je vous remercie.
Élisabeth Borne, Première ministre, Assemblée nationale, 27 septembre 2023
La marche est haute
Élisabeth Borne est décidément aussi accro à l’article 49-3 qu’à sa cigarette électronique. Le premier se révèle cependant plus nocif pour l’entourage que la seconde. Cette déclaration est admirable de sans-gêne. La Première ministre constate qu’elle est minoritaire, reconnaît qu’elle s’est pris une veste en première lecture, mais persiste à imposer son projet de loi. Bref, elle adresse un bras d’honneur – certes constitutionnel – aux députés et, à travers eux, aux Français.
La cheffe du gouvernement affecte de constater qu’elle n’a pas de majorité, mais comment pourrait-il en aller autrement ? On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. La loi de programmation des finances publiques se propose en effet de ramener le déficit public à 2,7 % du produit intérieur brut (PIB) en 2027. L’année dernière, en 2022 donc, le déficit en question représentait 4,8 % du PIB. La marche est haute, très haute. Et elle promet d’être extrêmement douloureuse pour les Français.
Programme d’austérité
Pour la socialiste Christine Pires Beaune, il s’agit d’un programme d’austérité.
On ne votera pas la loi de programmation des finances publiques puisque c’est de ça qu’on parle qui acte encore une fois une austérité. Là je parle bien d’austérité, c’est un terme que je n’employais pas moi jusqu’ici pendant le dernier mandat. Mais là, quand vous avez un affichage notamment de baisse de déficit aussi drastique en 2027 ça veut dire que de toute façon on n’y arrivera pas. Et quand on leur demande : mais les économies à part la fin du « quoi qu’il en coûte » les autres économies vous les faites porter sur quels budgets ?, le ministre Le Maire vous répond : sur le ministère de l’emploi et de la santé. C’est évidemment des orientations qu’on ne peut pas partager.
Christine Pires Beaune, députée PS-Nupes du Puy-de-Dôme, Assemblée nationale
Quand la gauche tient ce discours, la droite crie à l’irresponsabilité, au laxisme et à la gabegie. Vous rayerez la mention inutile.
Réduire la dette
Alors, à la tribune, Éric Coquerel, le président de la commission des Finances, a énuméré les pistes qui permettraient de réduire la dette sans que la majorité de la population, déjà éprouvée par l’inflation, en supporte la charge.
Le gouvernement prévoit des baisses de dépenses publiques qui seraient les plus fortes qu’on ait eu sous la Ve République. Douze milliards d’économies de dépenses publiques sont prévus à partir de 2025. Vous nous dites quelles sont nos propositions ? Nous vous les donnons. En termes d’économie, si le gouvernement tient vraiment à réduire les dépenses, qu’il commence avec les recettes dont il se prise : 94 milliards d’euros de niches fiscales ont été abandonnés en 2022. Arrêtons de supprimer la CVAE. Arrêtons de supprimer des impôts sur les sociétés. Arrêtons de supprimer des recettes fiscales dont la plupart ont été accordées aux plus hauts riches. Il suffit pour cela, par exemple, tout simplement, de rétablir l’impôt sur la solidarité financière, de taxer les superprofits, responsables en partie de l’inflation. Je rappelle que si les 150 milliardaires les plus riches en France étaient soumis au barème de l’impôt sur les revenus, c’est 18 milliards qui rentreraient dans les caisses de l’État. Si, comme vous l’avez affirmé Bruno Le Maire, l’argent facile c’est fini du fait de l’augmentation des taux d’intérêt, alors arrêtons de le distribuer gratuitement aux plus riches.
Éric Coquerel, député LFI-Nupes de Seine-Saint-Denis et président de la commission des Finances, Assemblée nationale, 27 septembre 2023
Carotte pour l’État
Si Élisabeth Borne s’entête, c’est parce qu’il y a une carotte au bout de ce projet de loi. Une carotte pour l’État. Parce que pour les ménages, ce sera le bâton. Vous vous attendiez à quoi ?
Ce projet de loi, enfin, c’est la responsabilité vis-à-vis de nos engagements européens, un gage de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires de la zone euro et une condition pour obtenir 18 milliards d’euros du plan de relance de l’Union Européenne.
Élisabeth Borne, Assemblée nationale, 27 septembre 2023
Explication peu glorieuse, car elle revient à confesser que le gouvernement français s’incline devant les exigences de la Commission européenne. Bonjour la souveraineté nationale. Mais cette affirmation de l’exécutif est-elle exacte ? Ou bien s’agit-il d’un paravent ?
La Commission européenne n’a rien réclamé
D’après l’étude de mon administration, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que l’absence d’adoption serait un motif seul de blocage des versements.
Éric Coquerel, Assemblée nationale, 27 septembre 2023
La Commission européenne n’a jamais réclamé que la France adopte un plan d’austérité. Bruxelles a simplement demandé que Paris s’engage sur un plan de réforme et d’investissement. Autrement dit, que le gouvernement dise comment il compte employer les 18 milliards qui seront versés dans le cadre du plan de relance européen. Rien de vraiment scandaleux pour une fois.
Dans une tribune récente, plusieurs élus socialistes font remarquer que l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie ont présenté des programmes d’investissement à la Commission. Dans l’hydrogène, dans le ferroviaire, dans le social. Autant de projets qui ont rassuré Bruxelles. Il n’y a donc qu’en France qu’on prévoit de se serrer la ceinture – enfin, la vôtre. Les riches doivent porter des bretelles, puisqu’ils ne sont pas touchés.
Prisonnier d’une idéologie néolibérale
Cette contraction de la dépense publique risque de casser complètement l’économie. Et ce, au moment où nos voisins sont en train de relancer les leurs. Tout ça, parce que le gouvernement Borne reste prisonnier de son idéologie néolibérale. Il est incapable de concevoir que l’État puisse tenir un rôle moteur dans l’économie dans une période de transition. Soyons justes. Certains députés estiment que le gouvernement reste un peu mollasson dans ses ambitions.
Il ne faut pas que le gouvernement compte sur nous pour venir cogérer le résultat d’une politique catastrophique qu’il a mené en termes de dépenses publiques depuis six ans maintenant. Le rendez-vous de la responsabilité auquel nous invitait Bruno Le Maire, ce rendez-vous a lieu chaque année, c’est le vote de la loi de finances. La réalité c’est que le meilleur budget de monsieur Macron, celui qui était le moins en déficit, en réalité il était pire que le pire budget de François Hollande.
Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir et président du groupe parlementaire LR, Assemblée nationale
Motion de censure Nupes
La Nupes a annoncé le dépôt d’une motion de censure. Elle sera examinée vendredi soir. Les Républicains la voteront-ils ? C’est peu probable si l’on se réfère à un précédent vote, celui sur la motion de rejet présentée à l’ouverture du débat dans l’hémicycle, mercredi 27 septembre. Une motion de rejet, ça veut dire que l’Assemblée refuse d’examiner le texte qui lui est soumis.
Celle de mercredi a été déposée par le groupe socialiste. Elle a recueilli les voix de la Nupes, du RN et du groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (Liot). Mais Les Républicains ont voté contre le rejet du texte. Ce serait donc une sacrée surprise si, vendredi, avec les autres oppositions, LR renversait le gouvernement.